Volledige werken. Deel 24. Brieven en dokumenten uit het jaar 1887. Nagekomen brieven en dokumenten uit de jaren 1839-1886
(1995)– Multatuli– Auteursrechtelijk beschermd
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MultatuliLa Hollande vient de perdre un de ses plus grands littérateurs, Douwes Dekker. Les écrits qu'il a publiés sous le pseudonyme de ‘Multatuli’ ont été traduits dans plusieurs langues. Le talent de Multatuli comme écrivain ne s'est révelé qu'à un âge déjà avancé. Né à Amsterdam en 1820, il fut nommé en 1839 fonctionnaire dans les Indes néerlandaises. Il y remplit le poste d'assistent-résident, c'est à-dire de vice-gouverneur. Multatuli s'était, pendant la durée de son administration, rendu compte des tyrannies et exactions dont la population des Indes était la victime de la part des princes indigènes. Il avait en même temps observé que le gouvernement nêerlandais, au lieu de s'opposer aux mesures de vexation, fermait les yeux en toutes choses. Administrateur du territoire de Lebak, il voulut prendre la défense des pauvres Indiens, mais il ne trouva pas d'appui auprès de ses chefs ni auprès du gouvernement central; on lui reprocha sa générosité, on lui reprocha de vouloir s'opposer à un système qui avait fait ses preuves. Las de lutter et exaspéré des petites taquineries officielles qu'on lui faisait subir, il donna sa démission en 1860Ga naar eind1. et retourna dans la mère-patrie. La même année il publia un livre (Max Havelaar.) De Koffijveilingen der Nederlandsche Handelmaatschappij (les Ventes de café de la Societé de commerce néerlandaise). D'après le titre du livre on croyait avoir affaire à un ouvrage technique, mais en le lisant on s'apercevait bientôt que ce titre n'était qu'un moyen de trouver des lecteurs en Hollande. Le livre était un réquisitoire en règle contre le système en vigueur aux colonies. Tout le monde voulut le lire. En se donnant lui-même le rôle du héros de son roman indien, il raconte non seulement les misères des pauvres Indiens, mais encore la triste façon dont Max Havelaar était traité par le gouvernement. Il raconte comment son prédécesseur a été empoisonné par le | |
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régent pour s'être opposé aux exactions de ce prince indien, comment enfin lui-même il doit trembler pour sa propre vie, celle de sa femme et celle de ses enfants. Trois épisodes très touchants forment les pages les plus saisissantes du livre. Il y a d'abord le récit d'une de ces petites séditions telles qu'il s'en produit souvent chez le peuple indien. Ce récit est écrit dans un style oriental. En lisant l'histoire de Saïdjah et d'Adinda on croit lire une des plus belles pages de l'Ancien Testament. Un autre passage remarquable du livre, c'est le discours que Max Havelaar tient lors de son entrée en fonctions aux fonctionnaires indigènes; là encore l'auteur écrit dans un style imagé, oriental. A la fin de son roman l'auteur adjure le roi des Pays Bas et le peuple néerlandais de renoncer à son systeme d'exactions, indigne d'une nation civilisée. ‘Ceux qui ont lu mon livre diront: Il y a quelque part en Europe un Etat de brigands, situé entre l'Escaut et le Dollart; c'est à vous que j'en appelle, peuple néerlandais, c'est à vous que j'en appelle, Guillaume, empereur d'Insulinde, qui forme une ceinture d'émeraudes autour du globeGa naar eind2., est-ce que cet état de choses doit durer?’ Il y aurait comme un tressaillement parmi le peuple néerlandais à l'apparition de son livre, avait-il prédit. Et ce fut vrai; partout on s'en occupa, dans le Parlement comme dans les familles; mais nous doutons que la situation se soit améliorée dans les Indes orientales néerlandaises. Le peuple indien est exploité par les particuliers, s'il ne l'est plus par le gouvernement. Voilà tout le changement qui s'est opéré là-bas. Aussi Dekker écrivait-il quelques années plus tard que le peuple des Indes néerlandaises n'avait fait que changer de maîtres. Connaissant parfaitemant la situation des Indes néerlandaises, Multatuli avait prédit en 1872 la guerre d'Atchin. Personne ne voulait croire à cette prophétie sinistre. Elle s'est pourtant réalisée. Une fois retourné en Hollande, Dekker fut condamné à vivre de sa plume et il fut obligé de donner des conférences. Tout le monde sait ce que c'est que cette triste vie chez un petit peuple. Multatuli a publié des ouvrages innombrables. ‘Ses Idées’ et quelques drames lui ont acquis une grande notoriété. Dans ses drames il a vivement attaqué notre société moderne. Dans Vorstenschool, l'école des princes, on a voulu voir des allusions secrètes au roi des Pays-Bas. | |
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Sa Prière d'un inconscient (het Gebed van een onwetende) est l'antithèse des célèbres Paroles d'un croyant de Lamennais. Malgré les écarts de sa vie, nul ne peut le contester, Multatuli était un écrivain de premier ordre, abstraction faite de ses opinions en matière religieuse; il aurait dû être apprécié d'une autre façon par le peuple néerlandais, qui, hélas! n'a jamais eu de coeur pour ses grands hommes. L'histoire de Oldenbarneveld, de de Witt, du poète Vondel, de Hogendorp et de tant d'autres en fournit la preuve. Et de nos jours est-ce que nous ne voyons pas une autre grande gloire littéraire, l'auteur du magnifique ‘Aïa Sophia’, le Dr Schaepman, en butte aux plus ignobles attaques? Si Multatuli a beaucoup péché, il a beaucoup aimé. Pour cette raison espérons que sa mort dans l'exil volontaire aura été calme et qu'il s'en sera allé en paix vers son Créateur. |