portrait; le garçon très développé déjà pour son âge de neuf ans, est d'une volubilité remarquable en français autant qu'en hollandais. Cassé par la base, déjà d'un certain caractère et tout à la fois naturel, enjoué, et parfois peut-être espiègle et pétulant. Il est d'une jolie tournure leste et dégagée, et beau garçon par la finesse de ses traits et l'énergie nerveuse et expressive de son regard. Il m'a parfaitement plu. Il m'a reconduit de la rue de Berlin jusqu'à la place royale et de là il est monté avec moi en voiture jusqu'à l'hôtel de Suède, pour rentrer seul chez lui. Il aime à être appelé Constant, ne voulant pas trop de son nom d'Edouard; il me parait comme ça un petit bout d'homme avec des idées assez arrêtées. J'ai connu beaucoup d'enfants et je vous assure que Mr. Constant est très bien et qu'il promet. Il m'a chanté un petit air militaire, pour défendre la patrie, d'une voix fraîche, avec un entrain de soldat.
Mademoiselle de Graaff a répondu à et même dépassé l'attente que j'en avais après avoir vu son portrait. Vous avez bien fait de la nommer une jeune dame distinguée et intelligente. Elle a la répartie vive et profondément sentie en même temps; une rapidité de conception dans le discours; son âme y est avec ses émotions, qui se trahissent quelquefois involontairement, mais qui toujours intéressent en son faveur. Je ne lui ai pas caché la confidence que vous m'aviez faite de deux pages de sa lettre et lui ai offert quelques brochures me concernant, non pas pour me poser auprès de cette autre femme poète, en homme politique ou martyr, mais seulement par honnêteté de coeur, pour ne pas abuser de son coeur ni de son imagination, pour ne pas être idéalisé et ne pas être mieux noté auprès d'elle, que mes antécédents ne le méritent. En même temps, je l'avoue et je lui ai dit, dans l'espoir qu'avec sa finesse d'aperçus [ontbr.] et instinct de femme sensible que m'a paru la distinguer éminemment, elle aura peut-être quelques bonnes observations à me communiquer qui pourront m'être utiles dans la route bien pénible et souvent difficile que je me suis tracée, après avoir renoncé, comme font les hommes, à mon propre moi. Madem. de Graaff me semble bien effectivement faite pour être une Fancy inspiratrice, pour faire vibrer les fibres les plus sensibles de notre coeur; elle est bien loin d'être ordinaire, et je n'ai vu en elle que du coeur, du naturel et une grande et exquise sensibilité, avec de belles et agréables manières, sans apprêt ni pédantisme. Nous causerons de tout cela en nous voyant et alors il
y aura beau-