Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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§ 4. Séjour et travaux à la Haye de juillet 1676 à juin 1678.Huygens fut reconduit en Hollande par son beau-frère Doublet. De Flessingue à Delft ils purent faire usage du yacht du stadhouder. On arriva à la Haye le 14 juîllet. Le père Constantyn qui avait été en province ‘pour le service du maistre’ y rentra le 23 juillet. Le frère Constantyn en ce temps assistait avec Guillaume III au siège de Maastricht. Christiaan lui écrit ne pas être encore ‘tout a fait remis’; le père, dans une lettre au médecin Menjot à Paris dit aussi: ‘Son visage marque en quelque sorte ce qu'il a souffert’. C'est sans doute un effet de sa mélancolie qu'il écrit lui-mêmeGa naar voetnoot1): ‘Je ne crois pas que je retourne a Paris ayant trouvè pour la deuxième fois par de trop facheuses experiences que la vie que j'y menois m'est contraire’Ga naar voetnoot2). Le frère Lodewijk, drossaert de Gorinchem, eut en ce temps de sérieuses difficultés; il put pourtant s'y maintenirGa naar voetnoot3). Une observation de lui sur un arc-en-ciel à la p. 511 du T. XVII. À la maison du Plein Christiaan fut donc, pensons-nous, seul avec son père et l'épouse du frère Constantyn, née Rijckaert. La cousine Catharina Suerius avait quitté la maison en 1668. Son père était heureux de jouir de sa conversationGa naar voetnoot4). Il recevait encore, étant à la Haye, des gratifications de la part de Colbert ou du Roi; nous n'en savons pas le montantGa naar voetnoot5).
L'intérêt de Christiaan en 1676 pour la musique est indiqué par le mot ‘bon’ ajouté avec la date 1676 à sa ‘Divisio octavae in 31 intervalla aequalia’ de 1661Ga naar voetnoot6), ainsi | |
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que par une feuille de cette dateGa naar voetnoot7) où il calcule la grandeur de différents intervalles dans le système du ton moyen.
Un autre sujet de conversation fut apparemment la personne et les découvertes de Leeuwenhoek. En 1673 Christiaan avait douté de la réalité des minuscules objets que le microscopiste de Delft croyait voir, tandis que son père y ajoutait foi. Ce doute s'évanouit. Il traduisit pour l'Académie des Sciences - il est vrai que nous n'en trouvons rien dans les Registres, voyez la p. 267 qui précède - une lettre de Leeuwenhoek à son père de novembre 1676Ga naar voetnoot8); il ajoute que Leeuwenhoek lui a fait voir très distinctement les ‘petits insectes’ dont il est question dans la lettre. Dès 1676 Christiaan a dû se proposer la construction de microscopes capables de rivaliser avec ceux de Leeuwenhoek.
En août et septembre il composa quelques Pièces sur des problèmes de jeu, dont la premièreGa naar voetnoot9) reprend et généralise la solution du dernier des Exercices par lesquels se terminait son Traité. Deux autres se rapportent respectivement au jeu de quinquenove et à des solutions de problèmes de dés à l'aide de logarithmesGa naar voetnoot10). Elles ont été écrites pour l'ami S. DierquensGa naar voetnoot11).
En octobre Huygens rédigea quelques considćrations générales sur les engins statiquesGa naar voetnoot12). Il semble possible que cette rédaction soit liée en quelque sorte à la demande de 1675 du gouvernement français de composer une courte préface théorique à un ouvrage sur les machines. Il s'y vante d'avoir, lui le premier, trouvé une ‘certam ac legitimam demonstrationem’ du théorème de l'équilibre de la balanceGa naar voetnoot13). Il ne tâche pasGa naar voetnoot14) de donner une démonstration du principe des déplacements (réels ou virtuels): | |
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il faut toujours que les principes des démonstrations, conformes à l'expérience, soient eux-mêmes théoriquement indémontrables. Dans cette Pièce il reproduit la célèbre démonstration de Stevin, basée sur l'impossibilité du mouvement perpétuel d'une chaîne, de l'équilibre de deux poids reliés en haut par une corde et proportionnels aux côtés du triangle vertical à base horizontale sur lesquels ils reposent. Toutefois il préférerait qu'il y eût une autre démonstration (donc une démonstration basée sur un autre principe), puisqu'il dit que jusqu'ici on n'en a pas trouvé de meilleure. Avait-il donc oublié d'avoir donné lui-même, déjà en 1659, pour ce cas une démonstration basée sur le principe qu'il y a équilibre lorsque, par des déplacements compatibles avec les liaisons, le centre de gravité ne descend pas? Voyez cette démonstration à la p. 380 du T. XVIGa naar voetnoot15). Avant ces considérations-là il avait déjà écrit une Pièce de dynamique auquel nous avons donné le titre: ‘Principe de l'incitation donnée aux corps par un agent extérieur ou par une cause inconnue’Ga naar voetnoot16). Elle date même probablement de Paris, d'avant sa maladie, donc de 1675, quoique la date 1676 ne soit pas impossible. L'‘incitation’ qui donne ‘continuellement de l'accélération’ est la composante de la force qui agit dans le sens du mouvementGa naar voetnoot17). Cette Pîèce aussi peut avoir été rédigée par suite de la demande de 1675 du gouvernement francais.
Par contre nous attribuons plutôt la date 1677 à quelques Pièces sur la lumière auxquelles dans le T. XIX nous avons donné la date ‘1676 ou 1677’Ga naar voetnoot18). Dans l'une d'elles on trouveGa naar voetnoot19) l'énoncé du célèbre principe des ondes-enveloppes sous la forme: ‘Curva omnium undarum particularium tangens communis erit propagatio undae principalis..’. La ‘curva’ est l'intersection d'une surface d'ondes avec le plan de la figure. La date de la Pièce VII est certaine, savoir le 6 août 1677. Elle porte la suscription: 'EϒPHKA. Causam mirae refractionis in Crystallo Islandica. Dans le programme de la Dioptrique de 1673 mentionné plus hautGa naar voetnoot20) le ‘chap. 3’ ne contenait que le seul mot ‘cristal d'Islande’. Dès ce temps il dut être évident pour | |
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Huygens qu'il lui incombait de chercher la cause de la réfraction double; laquelle il trouva, comme on voit, quatre ans plus tard dans le fait que la lumière se propage dans le cristal sous forme de deux ondes, l'une sphérique, correspondant à la réfraction ordinaire, l'autre sphéroïdale (c.à.d. en forme d'ellipsoïde de rotation aplati), correspondant à la réfraction extraordinaire. À cet effet aucune hypothèse sur la vitesse absolue de la propagation des ondes n'était nécessaire. Il fallait seulement admettre que les vitesses sont finies comme il l'avait toujours faitGa naar voetnoot21). En octobre il annonce à Colbert avoir réussi à démontrer les propriétés de la réfraction du cristal d'Islande.
La Pièce IIIGa naar voetnoot22) fait voir qu'en octobre 1677 comme en 1662Ga naar voetnoot23) Huygens (quoique ce soit par la considération de ce principe qu'il commence ses réflexions de 1677) n'approuve pas pour la réfraction - comme le fera Roemer au mois de novembre - le principe du temps minimum de Fermat. Il veut que ce soit un théorème. Ceci, croyons-nous pouvoir dire, lui paraissait plus conforme au bon sens.
Le 16 septembre Huygens écrit à Roemer avoir reçu fort récemment les Philos. Transactions du 25 juin contenant la traduction de l'article de l'astronome danois qui avait paru le 7 décembre 1676 dans le Journal des Sçavans sous le titre ‘Demonstration touchant le mouvement de la lumière trouvé par M. Römer de l'Académie Royale des Sciences’. Il n'avait pas vu l'article français lequel Roemer lui envoya à sa demande le 30 septembre.
Nous sommes quelque peu étonnés d'apprendre qu'étant en Hollande il ne recevait pas régulièrement le Journal. Il est possible que ses collègues aient jugé sa santé trop précaire pour l'incommoder par des nouvelles de Paris. Nous avons publié à la p. 255 qui précède trois notes tirées des Registres de 1677. Mais ce n'est probablement qu'après sa rentrée à Paris en 1678 qu'il a appris de quels sujets on avait traité en son absence. Le 19 juin 1677 Roemer présenta le projet d'une machine planétaire et il | |
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y eut en juillet 1677 le calcul de Mariotte sur le baromètre que nous avons mentionné à la p. 342 du T. XIX: ‘Mr. Mariotte a donné une explication du Barometre de Mr. Hugens et le calcul de sa difference avec le barometre commun dont voicy la copie...’. Une note du 6 mars 1677 fait voir que l'Académie ne construisait pas seulement des modèles de machines mais qu'elle en recevait aussi de la part de Colbert; il y est question e.a. d'une machine pour planter des pilotis, et de plusieurs modèles de machines pour l'usage des vaisseaux. En rapportant d'autres sujets encore nous nous éloignerions trop de la biographie de Huygens.
Revenons à la correspondance avec Roemer qui avait lu déjà en novembre 1676 à l'Académie son premier mémoire sur la détermination de la vitesse de la lumière, à la suite des observations de Cassini et de lui-même sur les immersions et émersions du premier satellite de Jupiter; mais sans que Cassini fût convaincu que les inégalités de temps observées n'étaient pas causées - comme on dira encore en 1693Ga naar voetnoot24) - ‘ou par l'excentricité du satellite, ou par l'irrégularité de son mouvement, ou par quelqu'autre cause’. Quant à Huygens, il se montre de suite, dès sa lettre à Roemer du 16 septembre 1677, convaincu de la réalité de l'effet observé et de la conclusion que la lumière du soleil nous parvient en environ 11 minutes. Après avoir reçu une deuxième lettre de Roemer du 30 septembre où celui-ci expose et réfute les objections faites ou possibles, il écrit encore ‘vîx dubitare quin verissimam aeque ac maximam rem in lucem extuleris’Ga naar voetnoot25). Il n'est toutefois pas convaincu - mais c'est une critique de détail - que les observations des périodes de la tâche, d'apparence variable, de Jupiter découverte par CassiniGa naar voetnoot26) aient pu être suffisamment précisesGa naar voetnoot26). Avant d'avoir connaissance de la détermination de Roemer, Huygens avait déjà établi, par des considérations sur les éclipses de la lune, que la lumière parcourt la distance de la terre à son satellite en moins de 10 secondes; ceci en suivant un raisonnement de Descartes. Le théorème de Roemer, dont on voit la démonstration par Huygens aux p. 433-435 du T. XIX, se rattache à ces considérations. | |
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Les lettres échangées entre Roemer, Huygens et Cassini furent lues à l'Académie en février 1678Ga naar voetnoot27).
La mémorable découverte, en 1677, des spermatozoïdes par J. Ham, étudiant à Leiden, laquelle donna aussitôt lieu à des recherches de Leeuwenhoek à qui il la communiqua, fut un important stimulant pour d'autres chercheurs. Leeuwenhoek en écrivit une lettre à la Royal Society en novembre de cette annéeGa naar voetnoot28). N. Hartsoeker, jeune homme de Rotterdam, qui avait également étudié, pendant deux ou trois ans, à Leiden, fit voir les spermatozoïdes d'un chien à Huygens dans la deuxième moitié du mois de mars 1678Ga naar voetnoot29). Hartsoeker se servait, comme Leeuwenhoek, d'une lentille unique. Dans son microscope à lui cette lentille était une sort petite boulette obtenue par la fusion d'un fil de verre étiré ou d'un éclat de verre: Hudde avait d'ailleurs obtenu de pareilles boulettes, mais de plus grande dimension, déjà beaucoup plus tôtGa naar voetnoot30). Un constructeur d'instruments à Rotterdam, appelé ailleurs horlogerGa naar voetnoot31), enchâssait ces boulettes pour lui. D'ailleurs Huygens avait vu des spermatozoïdes déjà le 28 février ou un peu plus tôt: il décrit les observations faites du 28 février jusqu'au 15 juinGa naar voetnoot32). Comme il parle le 11 juin d'eau de poivre envoyée par Leeuwenhoek et que ce jour seulement il y ajoute ‘Hagae’, il semble assez probable que les observations du 28 février, du 13, du 14 et du 20 mars aient été faites à Delft chez Leeuwenhoek. Le 26 mars il écrivait à son frère Constantyn toujours absent de la Haye: ‘MusschenbroekGa naar voetnoot33) me doit envoyer de ses microscopes qui n'ont qu'une petite boule de verre, laquelle sorte, tout bien considerèGa naar voetnoot34), je crois estre la meilleure et qui fait le plus d'effect, mais vous ne les avez pas encore vu employer de la maniere qu'il faut, à quoy je travaille presentement. Hartsoeker de Rotterdam m'a fait present de quantitè de ces boulettes de sa façon, et je viens de recevoir aussi de luy la petite machine de cuivre, qui sert à | |
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les appliquer aux objets. Mais j'y changeray encore quelque chose, etc.’ Mais avant de partir, le 24 juin, pour Paris, en compagnie de Hartsoeker (et de sa soeur Suzanne et son époux Ph. Doublet qui l'accompagnèrent jusqu'à Anvers) Christiaan eut l'occasion de voir le frère Constantyn, d'abord en avril à Breda, ensuite depuis le 1 mai à la Haye à la maison paternelle. Les deux frères, d'après le Journal de Constantyn, y travaillèrent ensemble pour enchâsser les petits objectifs de microscope. De ce temps datent les pages du Manuscrit E reproduites aux p. 680 et suiv. de notre T. XIII où l'on voit la figure du microscope et où on lit: ‘Inventè à la Haye le...Maj. 1678’Ga naar voetnoot35). |
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