Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Huygens à l'Académie Royale des Sciences, le niveau. | |
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Avertissement.Les travaux de nivellement des membres de l'Académie Royale des Sciences se rattachent tout naturellement à ceux exécutés à l'Observatoire. Sans doute, à l'Académie l'astronomie n'était pas pratiquée uniquement à un point de vue utilitaire. Cependant les avantages que la navigation pourrait recueillir de la perfection des méthodes et des instruments, même sans que les savants se missent consciemment au service des gens de mer, étaient évidents pour les conducteurs de l'état français comme ils l'ont toujours été pour tout gouvernement éclairé. Or, étendre la connaissance utile du monde où nous nous trouvons placés exige évidemment aussi et non en dernier lieu le perfectionnement de la science des choses terrestres. Il fallait donc améliorer les cartes du royaume et plus généralement, pour autant que faire se pourrait, celles de tous les parages de notre planète, ce à quoi il fallait développer l'art de mesurer, dont le nivellageGa naar voetnoot1) fait partie, et l'appliquer avec assiduité. Dans sa lettre au Roi de France de 1665Ga naar voetnoot2) où il demandait la création d'un Observatoire, Auzout avait cru devoir ajouter qu'il n'y avait pas en Europe de royaume dont les cartes géographiques fussent si fautives et la situation des lieux si incertaine. Les célèbres mesures de Picard - Huygens parle de sa ‘solertia egregia’Ga naar voetnoot3) - | |
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servant à déterminer la grandeur d'un arc du méridien, qui furent exécutés suivant la méthode de Snellius entre Sourdon, près d'Amiens, et Malvoisine, au sud de Paris, sont de 1669 et 1670; sa ‘Mesure de la Terre’, où il en donne les détails, fut imprimée pour la première fois en 1671Ga naar voetnoot4). Dans la Pièce ‘Observations faites à Brest et à Nantes pendant l'année 1679’ - nous ne citons que ces observations-ciGa naar voetnoot5) - Picard et de la Hire informent le public que Louis XIV avait donné l'ordre aux Académiciens de ‘dresser une carte de toute la France avec la plus grande exactitude qu'il serait possible’Ga naar voetnoot6). Les Registres de l'Académie des SciencesGa naar voetnoot7) mentionnent, en février 1681, un ‘Memoire présenté à Mr. Colbert touchant la Carte du Royaume, par Mr. Picart’.
Vers la fin de sa ‘Mesure de la Terre’Ga naar voetnoot8) Picard donne la ‘Description d'un [nouvel] instrument propre à observer le niveau’. On voit dans sa figure que la lunette d'approche - ‘de mesme structure que celle que nous avons décrite pour le quart-de-cercle’Ga naar voetnoot9) - est munie de fils croisésGa naar voetnoot10). ‘Un chevalet de peintre sert de support à l'instrument’ et il y a des accommodements pour le cas d'inégalité du terrain. Quant au ‘plomb ou perpendicule’ dont le fil se trouve dans une queue verticale attachée au milieu du support horizontal de la lunette, on peut vers le bas ‘passer le doigt pour arrester le plomb en le touchant en dessous’. Une description plus ample de ce niveau, avec une nouvelle figure quelque peu différente de la premièreGa naar voetnoot11), se | |
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trouve dans le ‘Traité du Nivellement’ que Picard était sur le point de publier lorsqu'il décéda assez subitement en 1682; le Traité vit le jour en 1684 par les soins de de la HireGa naar voetnoot12): la description du niveau est de la main de ce dernierGa naar voetnoot13). Ce Traité est donc postérieur à la description par Huygens de son niveau à lui (en forme de croix) laquelle parut dans le Journal des Sçavans de janvier 1680 (Pièce V qui suit) et que de la Hire a réimprimée dans le Traité sans aucun commentaire. Le deuxième article de Huygens, celui qu'il publia dans le Journal des Sçavans de février 1680 (Pièce VIII qui suit), ne s'y trouve point. De la Hire a en outre joint au Traité, après la description du niveau de Huygens, celle de ‘celuy de M. Romer sur un de ceux qu'il avoit fait faire lui-même’, avec la maniere de s'en servirGa naar voetnoot14), et de plus celle d'un niveau de lui-même (d.l. H.) comprenant uue lunette flottante. Il eût pu faire mention d'autres constructions récentesGa naar voetnoot15), telles que celle de Cassini, Piece VI qui suitGa naar voetnoot16). Le sujet était à la mode. Ce n'était d'ailleurs pas uniquement dans le but de dresser des cartes ou de mesurer la grandeur d'un arc du méridien pour établir la grandeur de la terre (considérée | |
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comme sphérique) que les Académiciens étaient tenus de s'appliquer au nivellement. Dans sa Préface au Traité de la Hire rappelle que Picard eut ‘une occasion tres-considerable pour mettre [son] instrument en pratique dans les nivellemens des eaux des environs de Versailles [1674] et dans l'examen des hauteurs et des pentes des rivieres de Seine & de Loire’, examen entrepris, en 1677, à la suite du désir de ‘Sa Majesté .. de faire conduire à Versailles la meilleure eau pour boire’Ga naar voetnoot17). De la Hire ajoute: ‘On ne doit pas oublier d'avertir que M. Romer a eu beaucoup de part aux Nivellemens, qui ont esté faits aux environ des Versailles’Ga naar voetnoot18). Dans une lettre de septembre 1680 (Pièce VII qui suit) Huygens dit qu'on ‘a desia fait bon nombre’ de niveaux de sa façon. Rien ne nous autorise à croire à un succès de longue durée - voyez aussi sur ce sujet l'Appendice II qui suit -, mais nous avons au moins une lettre de de la Hire de décembre 1686Ga naar voetnoot19) où il écrit à Huygens: ‘Vostre niueau est celuy de tous les niueaux qui est le plus en vogue’.
Nous publions ici quelques figures et considérations de Huygens tant antérieures que postérieures à sa lecture de novembre 1679 à l'Académie (Piece V) et à la publication, en janvier et février 1680, de ses deux articles. Pour ces articles eux-mêmes (Pieces V et VIII), affectant comme d'habitude la forme de lettres à l'éditeur du Journal des Sçavans, nous renvoyons au T. VIII.
Dans sa ‘Regiae Academiae Historia’ de 1901 J.B. du Hamel, secrétaire de l'Académie des Sciences, fait une remarque historique importante au sujet du niveau de Picard employé par ce dernier dès 1669: du Hamel écrit à la p. 101, se rapportant aux années 1669 et 1670: ‘Libellae structuram & usum accurate describit’ [Picard] ‘in eo opusculo [il s'agit de la “Mesure de la Terre”] quod anno 1671 publici juris factum est’, ‘ac similis pene est chorobati Vitruvii l. 8 descripti [nous soulignons], adeo ut litteram T utcumque referat’. | |
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Cette remarque a sans doute été écrite en 1670, donc avant l'apparition (en 1673) de la traduction des ‘Dix Livres d'Architecture de Vitruve’ par Cl. Perrault: chez ce dernier la figure du chorobateGa naar voetnoot20) (dernière figure de la p. 244), prise des commentaires de BarbaroGa naar voetnoot21) (celle de Vitruve lui-même étant perdue), n'a pas la forme d'un TGa naar voetnoot22). C'est peut-être à Mariotte que du Hamel a emprunté l'idée que le chorobate aurait eu cette forme. Il est vrai que le ‘Traité du Nivellement’ de Mariotte, où il avance cette hypothèseGa naar voetnoot23), n'a été publié qu'en 1677, mais Perrault (qui ne mentionne pas l'hypothèse de Mariotte sur la forme du chorobate) savait assez exactement dès 1673, et sans doute plus tôt, ce que ce savant disait sur l'instrument de Vitruve et sur son niveau à lui: il écrit (l.c.): ‘Pour perfectionner le Chorobate, Monsieur l'Abbé Mariotte de l'Académie Royale des Sciences, a trouvé depuis peu qu'il suffisoit que l'instrument eust trois ou quatre piez de longueur [dans son Traité Mariotte écritGa naar voetnoot24): ‘Ce niveau est un petit canal de bois d'une seule pièce ... sa longueur ... depuis 2 piés jusques à 5 ou 6]; qu'il n'estoit point necessaire qu'il eust des pinnules, ny mesme qu'il y eust de ligne droite & parallele à la superficie de l'eau le long de laquelle il fallust regarder, etc.’. Nous ajoutons que Mariotte, après avoir critiqué le chorobate, ajouteGa naar voetnoot25): ‘On trouvera de semblables défauts, à peu près, dans les autres niveaux qui sont en usage’, et aussiGa naar voetnoot26) que lorsque les lieux ‘sont de difficile accès, ce qui empêche de se pouvoir servir des niveaux ci-dessus; il faut avoir en chaque lieu un quart de cercle comme ceux avec lesquels les Astronomes prennent les hauteurs des Astres par le moyen des lunettes d'approche qui servent de pinules, etc.’ Dans la ‘Mesure de la | |
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Terre’ de 1671 de Picard on voit tant le niveau en forme de T (nous en avons parlé à la p. 76) que le quart de cercle muni de deux lunettes. Nous ignorons si Huygens, dans la partie de la feuille 219-220 du Manuscrit E qui fait défaut (voyez la Pièce IV qui suit) avait cité Vitruve, comme il l'a fait ailleurs (sans le nommer) à propos des roues dentées des horloges provenant peut-être de l'hodomètre romainGa naar voetnoot27), ni s'il y avait parlé de Mariotte, de Perrault ou de Picard, ou des niveaux en usage avant ou indépendamment d'eux.
On voit dans les Pièces qui suivent que de 1679 à 1682 Huygens a plusieurs fois modifié son niveau en détail. Il ne nous semble pas nécessaire d'énumérer ici tous ces changements. S'il est un lecteur qui s'intéresse vivement à la forme de la boite ou à la question de savoir si le sirop qui arrêtait le mouvement du poids ballottant était un mélange d'huile d'amandes et de térébenthine, ou bien une seule de ces liqueurs, ou encore de l'huile de lin ou autre chose, il pourra consulter les Pièces elles-mêmes. Nous nous contentons d'observer que la présence de cette liqueur assurait sans doute l'immobilité du plomb mieux que l'eût pu faire l'attouchement avec le doigt dont il était question dans le cas du niveau de Picard. La figure du niveau de Huygens tel qu'il fut d'abord présenté au public se trouve au T. VIII (voyez la Pièce V qui suit); nous aurions pu l'emprunter aux Chartae astronomicae d'où nous n'avons tiré ici que la Fig. 22 de la p. 92 également bien dessinée et quelque peu différente. Il n'est sans doute pas dénué d'importance que Huygens rendit son niveau plus léger par l'emploi du ser blanc au lieu du laiton (Pièces V et VII). Le tuyau carré de la lunette (Pièce III) se trouve aussi chez PicardGa naar voetnoot28). On voit dans la Pièce V que dans son article de janvier 1680 Huygens a supprimé quelques préceptes; il en était sans doute, alors comme dans tous les temps, pour les niveaux comme pour les horloges et pour les instruments de précision en général: les artisans - les maîtres, peut-on dire - qui | |
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les construaient y mettaient aussi du leur; il était donc inutile et impossible de les astreindre à copier servilement un modèleGa naar voetnoot29). Ce qui distingue le niveau de Huygens de ceux à lunette d'avant 1680 et explique la vogue dont parle de la Hire, c'est la qualité qu'il relève déjà dans le titre de la Pièce III, ainsi que dans la Piece IV, celle de pouvoir être ‘rectifié d'une seule station’, c.à.d. sans l'aide d'un deuxième observateur se trouvant à une certaine distanceGa naar voetnoot30). |
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