Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendIIGa naar voetnoot2).
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Or les premiers sons de musique doivent avoir estè ceux qui faisoient ensemble les plus remarquables consonances comme l'octave la quinte et la quarte. ainsi V F S V2Ga naar voetnoot1). et cela se voit en effect de ce que les premieres lyres n'ont eu que ces quatre chordes, et que toute l'antiquitè n'a reconnu que ces premieres consonances. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Puisque les intervalles du chant ont leur origine des consonances, il est necessaire de les considerer devant toute autre chose, apres quoy nous dirons comment les dits intervalles en ont estè produits. Le plaisir qu'on a eu d'entendre deux sons soit de voix, chordes, chalumeaux ou autre chose qui fissent un agreable meslange ensemble a donné lieu d'examiner quel estoit le raport de tels sons, en quoy ils differoient des autres qui ne s'accordoient pas si bien, et comment on pouvoit trouver ces sons consonnants par regle certaine toutes les fois qu'on voudroit. Ie veux bien croire que ce fust Pythagore qui s'avisa le premier de faire cette recherche, car il avoit l'esprit portè a la recherche des choses naturelles et tres beau, non pas toutefois que les marteaux du marechal luy en aient donnè occasionGa naar voetnoot2) car des pieces de ferGa naar voetnoot2) de la forme qui sert a cela ne sont nullement sonores. Il se peut qu'il ait rencontrè des pièces de quelque metail mieux formees pour sonner que les marteaux et qu'il ait remarquè que de celles qui estoient semblables les plus grosses sonnoient plus bas. Et il pouvoit determiner par leur different poids la proportion des consonances, parce qu'il est vray que de deux pièces de metal semblables celle qui est double de poids de l'autre luy consonne de l'octave plus bas. et celle qui est sesquialtere en poids fait la quinte en bas. et ainsi des autresGa naar voetnoot3). Quelques anciens autheurs de musique racontent qu'après cela il attacha des poids suivant ces proportions trouvees | |
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a des chordes pour les tendre, et qu'il trouva que le poids double tendoit la chorde a l'octave plus haut, et le sesquialtere a la quinte, ce qui est faux: et si ces autheurs s'estoient donnè la peine de faire l'experience ils auroient trouvè qu'il faut le poids quadruple du premier pour faire monter une chorde a l'octave. qu'il faut qu'il soit comme 9 a 4 pour faire la quinte, et qu'universellement la raison des poids doit estre double de celle qui determine les consonances par les parties d'une chorde tendueGa naar voetnoot4). Si Pythagore a donc aussi examinè les consonances par des chordes tendues par des poids differents, il a trouvè la chose comme je viens de dire, mais ce n'est pas d'icy qu'il a establi les proportions des consonances, mais par la division de la chorde ou du Canon comme ils appelloient cela anciennement.
Or, il n'est pas necessaire que je m'arreste longtemps a expliquer toutes les consonances qui se trouvent par ce moyen et quelles sont leur proportions, puis qu'elles sont si fort connues. On scait que l'octave consiste en la raison double, c'est a dire y ayant deux chordes pareilles en tout et tendues egalement, dont l'une soit double en longueur de l'autre, la consonance qu'elles font s'appelle octave. Que la quinte se fait quand l'une est a l'autre comme 3 a 2. la quarte quand elles sont comme 4 a 3. la tierce majeure quand elles sont comme 5 a 4, la tierce mineure quand la raison est de 6 a 5. la sexte majeure quand elle est de 5 a 3. la sexte quand elle est de 8 a 5. Ce sont la toutes les consonances que l'on compte dans l'estendue de l'octave estant toutes de moindre raison que de 2 a 1. Mais outre ces consonances il y en a encore beaucoup d'autres que l'on appelle les repliques des premieres, dont l'origine est cellecy, que quand deux chordes telles que nous avons dit font ensemble quelqu'une des | |
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consonances desia nommees, l'on trouve que toute chorde dont la longueur est double ou sousdouble ou autrement multiple par 2 ou sousmultiple a l'une des consonances, fait aussi consonance avec l'autre ou mesme avec la multiple ou sousmultiple par 2 de cette autre, ainsi la raison des chordes estant de 5 a 4, qui font la tierce majeure, celle qui sera de 10 a 4 fera aussi une consonance qui s'appelle la dixieme, qui est une des repliques de la 3 majeure, et sa proportion dans les autres nombres est de 5 a 2. Ainsi parce que les chordes de 3 a 2 font la 5te, ce sera aussi une consonance que de 6 a 2 ou de 3 a 1, que l'on appelle la 12e, et c'est une replique de la 5te. Et la raison pourquoi cela arrive est la mesme qui fait la douceur des autres consonances.
§ 2. Quand on examine les tremblements des chordes ce que je pense que Galilee a fait le premierGa naar voetnoot1), on trouve que leurs retours sont plus frequents, selon qu'elles sont plus courtes et que les nombres des vibrations sont precisement dans la raison converse de leurs longueurs. J'entens tousjours parler de chordes pareilles en tout et egalement tendues comme quand on y pend des poids egaux. Ainsi celle qui est la moitiè aussi longue qu'une autre fait 2 tremblements pendant que l'autre n'en fait qu'un. Celle qui est comme 2 a 3 fait 3 tremblements pendant le temps que l'autre en fait 2. et ainsi des autres consonances. Et parce que cela fait que celles qui ont leur longueur comme nombre a nombre vienent a frapper l'air ensemble par intervalles reglez en y meslant entre deux des battemens confus mais de mesme facon a chaque reprise; c'est cette percussion ordonnée de l'air, qui, agissant dans nostre oreille produit le plaifir des consonances. non pas toutefois que l'esprit puisse aucunement compter ni discerner ces battemens ni contempler leur commensurabilité, car il n'y intervient aucun raisonnement, mais il les trouve agreables de mesme que l'odorast goute la douceur des parfums, et que les autres sens se plaisent à d'autres objects qui les peuvent toucher. Et je croy que ce seroit en vain de vouloir chercher la cause de ces plaisirs plus loin. | |
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Quod dixi, que les nombres des retours des chordes sont en mesme raison pourroit sembler estre avancè sans preuve, puisque la vitesse des chordes qui font entendre quelque ton est trop grande pour que l'on puisse compter ses retours. Mais il y a en premier lieu l'experience dont s'est servi Galilee qui dit avoir observè en ratissant avec un cousteau sur du cuivre que comme ce ratissement produisoit diversitè de tons il laissoit aussi des marques visibles des tremblements du cousteau qui estoient deux fois plus pres que les premieres lors que le son avoit estè a l'octave plus haut. Ou il faut supposer le mouvement de la main egalement viste a tous les ratissemensGa naar voetnoot2). Mais on peut avoir la preuve par les chordes mesmes en les prenant fort longues et peu tendues, et quoyqu'elles ne sonnent pas, il suffira de voir que la chorde entiere fasse ses tremblements deux fois plus lents que sa moitiè parce qu'on ne pourra douter alors que dans celles qui sonnent il n'arrive la mesme chose. Au lieu de chorde fort longue on en peut prendre de courtes, mais chargees tout du long egalement de la maniere que les coliers de perles ou chapelets sont enfilez. lesquelles on tendra toutes perpendiculaires avec un poids au bout.
Voyez aussi la Pièce IX qui suit sur la détermination expérimentale par Huygens de la fréquence des vibrations d'un corps produisant un ton déterminé. |
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