Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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La machine pneumatique. | |
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Avertissement.Au début de ce TomeGa naar voetnoot1) nous avons exprimé notre intention de le consacrer aux recherches scientifiques entreprises dans un but purement philosophique plutôt qu'aux tentatives utilitaires visant le bien-être du peuple ou de l'état. Mais la nature même des sciences physiques s'oppose plus ou moins à ce dessein. Il a fallu faire une part, non pas il est vrai à la description détaillée de machines, mais du moins à des projets et des expériences dont le but surtout pratique était évident. Au bien-être du peuple et de l'état il convient d'ailleurs d'ajouter celui du souverain: nous avons mentionné (p. 173) les eaux de Versailles. Il n'en reste pas moins que, s'il est souvent du devoir des hommes de science de s'occuper du perfectionnement d'engins non destinés à des buts scientifiques, et s'ils reconnaissent volontiers, avec plus ou moins de chaleur, la valeur que les occupations de ce genre peuvent avoir - comparez la note 9 de la p. 191 - les plus éminents d'entre eux consacrent généralement, nous semble-t-il, avec plus de satisfaction personnelle leurs efforts à des appareils qui pourront leur rendre service pour pénétrer les secrets de la natureGa naar voetnoot2). Ceci s'applique, pensons-nous, tant à Huygens qu'à la plupart | |
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des autres Académiciens. S'il en eût été autrement, il eût d'ailleurs fallu les appeler techniciens (ou artistes) plutôt qu'hommes de science. La machine pneumatique a, comme bien d'autres, un caractère ambigu. On peut la regarder avec les yeux de Huygens ou avec ceux de son collaborateur Papin. Pour Papin c'est surtout l'appareil qui est intéressant: il mérite d'être perfectionné puisqu'il pourra se montrer pratiquement utile et donner lieu à l'invention d'autres machines. Nous ne disons nullement que Papin n'avait aucun intérêt pour la science pureGa naar voetnoot1), ni que le désir de collaborer au bien-être de la société était absent chez HuygensGa naar voetnoot2). Cependant pour Huygens, comme pour von Guericke et Boyle, ce sont en premier lieu l'examen des propriétés de l'air raréfié et l'étude désintéressée de l'influence du vide sur les différents objets placés sous le récipient qui importent. Comme les Pièces qui suivent le font voir, et comme nous l'avons déjà remarqué ailleursGa naar voetnoot3), il ne faut pourtant pas s'attendre à trouver chez Huygens des recherches systématiques sur la densité et la pression de l'air ou sur celles de diverses vapeurs. Des travaux de laboratoireGa naar voetnoot4) si absorbants n'étaient pas de son goût; d'ailleurs ils ne sont pas, aujourd'hui comme au dix-septième siècle, du goût de la plupart de ceux qui se sentent mathématiciens autant ou plus que physiciensGa naar voetnoot5). Les p. 4-6 qui précèdent font bien voir que les idées de Huygens sur les substances matérielles de différents degrés de finesse qui remplissent l'univers, ont un caractère fortement conjectural. Cependant c'est sur des expériencesGa naar voetnoot6) qu'il s'appuye - voir la Pièce VI de 1673 qui suit - pour affirmer l'existence d'une matière fine capable d'exercer sur la matière grosse une grande pression. Voyez sur cet ‘air subtil’ la p. 192 qui suit, ainsi que la note 2 de la p. 6 qui précède. | |
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Après son séjour à Paris en 1660 et 1661Ga naar voetnoot7), Huygens avait échangé quelques lettres avec de Montmort, le chef de l'‘Illustre Assemblée’Ga naar voetnoot8) ou ‘Académie’ (Journal de Voyage) qui se réunissait chez luiGa naar voetnoot9). En 1663 Huygens visita de nouveau Paris; c'est alors qu'à la prière de MontmortGa naar voetnoot10) il instruisit ‘un Mathematicien et un ouvrier en Cuivre ... pour faire une Machine du vuide semblable’ à la sienne construite à la Haye. Le 25 maiGa naar voetnoot11) elle était ‘achevée à moitié’. Bientôt après Huygens partit pour l'AngleterreGa naar voetnoot7). Il est dit d'abord, par P. Petit, qu'on attendrait son retour ‘pour le paracheuement de la Machine du Vuide’Ga naar voetnoot12). Toutefois, sur les instances de Thévenot et d'Auzout, de Montmort se décida à faire achever la machine dans son absenceGa naar voetnoot13) et le pria de lui envoyer une figure exacte. Nous avons reproduit cette figure à la p. 587 du T. VI. Elle s'accorde à fort peu près avec celle de 1662, que nous avons publiée à la p. 333 du T. XVIIGa naar voetnoot14). Huygens revint à Paris le 1 octobre; en novembre nous apprenons que la machine était achevéeGa naar voetnoot15), quoiqu'elle dût encore être ajustée en décembreGa naar voetnoot16). En comparant avec la figure envoyée à de Montmort - ou plutôt, à défaut d'elle, avec la copie de cette figure par Huygens qui se trouve sur la même feuille que sa copie de sa lettreGa naar voetnoot17) - celle de 1668 qui suitGa naar voetnoot18), on ne remarque aucune différence essen- | |
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tielle si ce n'est qu'en 1668 la clef du robinet QQ est devenue beaucoup plus longue et par conséquent plus maniable. Généralement, les trous aménagés dans la planche triangulaire supérieure de l'appareil de 1668 ne sont plus les mêmes: nous n'avons pas affaire à la machine de Montmort, mais à une autre nouvellement construite. D'ailleurs la description fait voir que le corps du piston, partie essentielle de la machine, était différent. En décembre 1661Ga naar voetnoot1) Huygens avait décrit longuement cette pièce qui était d'une construction compliquée. D'après la figure envoyée à de Montmort le corps de piston proposé en 1663 était simplement en ‘bois avec de la filasse de fil enveloppee a l'entour egalement et peu a peu’Ga naar voetnoot2). Huygens ajoutait: ‘On peut tousjours adjouter de la filasse, qui n'est liee de rien. le bois doit estre imbu auparavant de cire fondue ou suif de chandelle’. Il avait pourtant songé aussi à d'autres constructions, car la même feuille porte une figure biffée avec les indications: ‘Cercle de fer [horizontal]. Cercles de cuir de buffle entassez [au-dessous du cercle de fer]. Cylindre de bois à vis, pour serrer les cercles de cuir, une pièce de cuir a l'entour, afin qu'il remplisse mieux le cylindre’. Dans la machine de 1668Ga naar voetnoot3) le corps du piston, enveloppé de ‘filasse fine’, est ‘un cylindre de cuivreGa naar voetnoot4) avec des petits rebords en haut et en bas’. Quant aux expériences montrées à l'Académie des Sciences en 1668Ga naar voetnoot5), elles ne diffèrent guère de celles de 1661-1662 - ni de celles, plus anciennes, de Boyle -, à cela près que l'expérience de Huygens, celle de l'eau (ou du mercure; voyez la note 2 de la p. 324 du T. XVII) qui demeure suspendue - nous en avons parlé déjà à la fin du dernier alinéa de la p. 190 - ne s'y trouve point. Mais comme Huygens a écrit un article sur ce sujet dans le Journal des Sçavans de juillet 1672Ga naar voetnoot6), il est probable que les expériences en partie nouvelles de cette année se trouveraient mentionnées dans les Registres de l'Académie de 1672, si tout ce qui se rapporte aux années 1670-1674 ne faisait pas défautGa naar voetnoot7). Huygens avait d'ailleurs communiqué son expérience aux Parisiens déjà en 1662Ga naar voetnoot8). Consultez sur l'‘expérience de Huygens’ les p. 218 (note 2) et 242-246 qui suivent. | |
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Nous sommes en possession de trois descriptions concordantesGa naar voetnoot9) de la machine de 1668, 1o celle des p. 252-257 du Manuscrit C, 2o celle du T. IV des Registres de l'Académie, 3o celle de Denys Papin dans le Ch. I de sa brochure (très rare) de 1674Ga naar voetnoot10): ‘Nouvelles experiences du vuide avec la description des machines qui servent à les faire’. La première et la troisième sont accompagnées d'une figure; celle des Registres fait défaut. Les expériences décrites dans les Registres s'accordent en partie, et souvent presque textuellement, avec celles du Manuscrit C. Elles en ont sans doute été empruntées (excepté évidemment celles qui ne se trouvent pas dans le Manuscrit), puisque Huygens y parle à la première personne. Les expériences publiées par Papin sont différentes et beaucoup plus nombreuses; dans sa dédicace à HuygensGa naar voetnoot11) il dit qu'elles ont presque toutes été faites par son ordre et suivant ses directions. Nous reproduisonsGa naar voetnoot12) les deux planches de la brochure de Papin; la première [Fig. 98], dont nous avons parlé plus haut, donne la machine de 1668; la deuxième [Fig. 99] fait voir une machine d'une forme un peu plus simpleGa naar voetnoot13). Cette nouvelle modification date sans doute d'après juillet 1672, puisque Huygens dans son article du Journal des Sçavans de ce moisGa naar voetnoot14) n'en fait pas mention. Le 11 juillet 1675Ga naar voetnoot15) il dit que Papin demeure chez lui ‘il y a deux ans’Ga naar voetnoot16), et que | |
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dans le ‘petit traitè’ de Papin on peut voir ‘sa maniere nouvelle d'ajuster ces machines, qui est ingenieuse et qui reussit tres bien dans la pratique’. C'est dans le dernier chapitreGa naar voetnoot1) de son traité que Papin donne la ‘description d'une nouvelle Machine du Vuide’ de ‘construction facile, afin que plusieurs personnes et ayent en leur disposition’. On y trouve, pour la première fois paraît-il, le robinet à trois voies. Comme le chapitre VIII se termine par les mots: ‘on trouve des Machines toutes prestes ... chez Monsieur Gaudron’, il est probable que ce dernier, qui s'occupait aussi d'horlogerie et était un parent de PapinGa naar voetnoot2), les construisait d'après ses indications. Quant aux expériences de Papin, ou plutôt de Huygens et de Papin, nous reproduisons ici les Chap. II, III et IV et une partie des Chap. VI et VII, et nous résumons le Chap. V et le reste des Chap. VI et VII. Les expériences des Chap. III-VII sont moins inaccessibles que la description de la machine modifiée, puisque l'analyse détaillée par Oldenburg, qui se trouve dans les Nos 119-122 des Philosophical Transactions de 1675-1676 n'est en somme qu'une traduction des Ch. III-VII (toutefois le début du Ch. III y fait défaut) comme, sans avoir vu le traité de Papin, nous avons dit le supposer à la p. 478 du T. VII. Suivant le dernier alinéa du Chap. V de PapinGa naar voetnoot3) toutes ces expériences ont été insérées dans les Registres de l'AcadémieGa naar voetnoot4). En juillet 1675 Papin travaillait apparemment avec Huygens depuis plus de deux ans, puisque la première expérience du Chap. VGa naar voetnoot5) est du 3 avril 1673.
Dans sa Dédicace Papin dit que les expériences du vide ne sont que les ‘divertissemens’ de Huygens. Ceci paraît exagéré: nous savons que depuis 1661 (T. XVII) Huygens prenait des expériences de ce genre avec beaucoup de soin. Mais, tout en les jugeant importantes, il doit s'être dit que, pour en tirer des conclusions sur la constitution des corps, il aurait dû être meilleur chimiste, botaniste ou anatome qu'il n'était. En effet nous ne trouvons pas qu'il se soit jamais appliquéGa naar voetnoot6) à l'étude anatomique | |
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des organismes (si ce n'est à celle de l'oeil, T. XIII, p. CXLIV). Quant à la chimie, il avait lu le livre de Nicolas le FèvreGa naar voetnoot7) et le ‘Chymiste Sceptique’ de BoyleGa naar voetnoot8) et il en entendait souvent discourir - comme aussi sur des sujets anatomiques etc. - à l'AcadémieGa naar voetnoot9); mais il ne paraît pas - malgré les programmes de 1666-1668; voyez la Pièce V à la p. 269 qui suit - qu'il ait cherché une réponse à la question de savoir ce qu'il faut penser des ‘éléments’. Descartes lui aussi n'avait pas été chimiste: la notion de ce qu'on peut appeler une molécule, formée de différents atomes, ne fait partie ni de son système ni de celui de Huygens. Nous revenons sur cette question, à propos de la Pièce sur la coagulationGa naar voetnoot10). Huygens et Papin ne distinguent pas toujours nettement l'air et les vapeursGa naar voetnoot11), quoique plusieurs de leurs devanciersGa naar voetnoot12) eussent déjà dit - quoique sans le démontrer - que la vapeur d'eau ne se change pas en air; comparez la note 3 de la p. 316 du T. XVII. À la p. 234 (no 3) Papin parle de ‘vapeurs [d'eau] qui s'estoient élevées en air’. En 1668 aussi (p. 212) il avait été question de ‘vapeurs qui se convertissoi[en]t en air ou du moins en acqueroi[en]t [la] vertu elastique’. Dans le no 5 (p. 235) il est parlé plus correctement de ‘la vapeur de l'esprit [de vin qui] se condensoit [par le froid], & ainsi rendoit le recipient plus vuide’. Il nous semble qu'en disant en 1668 (p. 212) qu'il trouve étrange que les vapeurs d'eau s'élèvent dans le vide. Huygens ne considère pas ces vapeurs comme de l'air | |
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ordinaire, puisqu'il était convaincu dès sa jeunesse de l'élasticité de l'air (T. XVII, p. 259), l'attribuant d'ailleurs non au mouvement spontané de ses particules, mais à leurébranlement par une matière subtile (T. XIX, p. 5-6). En 1675 (T. VII, p. 468) Huygens dit: ‘Je suis tout à fait de son avis [l'avis de Boyle] que toutes sortes de corps sont meslez dans l'air, parce qu'il faut seulement qu'ils soient tres minces pour y pouvoir estre soustenues ... Mesme dans le vuide de Mr. Boyle les parties de l'eau montent facilement, comme il paroit par l'experience, car elles vont faire des goutes au haut du recipient’. Tant l'eau que l'esprit de vin bouillent, d'après les expériences de 1673, où un manomètre à eau ou à mercure [‘épreuve’ (p. 218): en anglais ‘stander or index’ d'après Boyle, T. VI, p. 581; à la p. 212 qui suit Huygens l'appelle ‘petit ciphon’Ga naar voetnoot1)] indique la pression, à une température assez basse; mais il n'est pas question de mesurer cette température avec un thermomètre. Papin avait acquis à l'Université d'Angers le grade de docteur en médecine. Les considérations des p. 231-233 sur les poumons des animaux morts dans le vide proviennent probablement de lui. On peut observer qu'il a bien raison de critiquer la théorie erronée de Ph. Guide. Les expériences sur les plantes elles aussi - Huygens parle déjà en février 1662 d'expériences de ce genreGa naar voetnoot2); en septembre de la même annéeGa naar voetnoot3) Slufius l'exhorte à examiner ‘quid plantarum vegetationi aer conducat, etc.’- ne paraissent pas sans valeur: Oldenburg dit dans les remarques citées: ‘These Experiments [illes compare à certaines expériences de Boyle] further illustrated - voyez p.e. la note 3 de la p. 229 qui suit - will add much to the opinion of Respiration of Plants, and motion of their juices by the Air’. En 1674 (p. 238) Huygens jugea nécessaire de répéter encore une fois l'expérience d'après laquelle le son ne se propage pas dans le vide. Il avait été démontré à l'Académie déjà en 1668 (p. 211) que la chaleur rayonnante le traverseGa naar voetnoot4). |
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