Oeuvres complètes. Tome XVII. L'horloge à pendule 1656-1666
(1932)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Avertissement.Les Pièces que nous avons réunies sous le nom de ‘Travaux divers de Physique, de Mécanique et de Technique de 1650 à 1666’ sont inédites. Elles sont empruntées aux Manuscrits A, B, C, 13 et 17, ainsi qu'à une feuille séparée se trouvant dans ce dernier Manuscrit et à quelques autres feuilles appartenant aux portefeuilles ‘Chartae mechanicae’ et ‘Chartae astronomicae’. | |
I. Percussion.Puisque nous avons déjà publié dans le T. XVI les recherches de Huygens sur la percussion de 1652, 1654 et 1656, il ne nous reste encore que le brève aperçu des résultats de ces recherches qu'on trouve dans le Manuscrit 13Ga naar voetnoot1). Comme dans le Traité de la Percussion, il y est question de sphères parfaitement élastiques ou, si l'on veut, de billes de billard idéalisées. Rien n'empêche, pense Huygens, d'attribuer aux petites particules élastiques qui constituent l'univers matériel, une dureté parfaiteGa naar voetnoot2). | |
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Il nous paraît digne de remarque que Christiaan, qui fait plusieurs fois mention de ce jeu, jouait au billard tant à la maison paternelle qu'ailleursGa naar voetnoot1). | |
II. Pesanteur.II A. Hydrostatique.Dans la Pièce qui suit Huygens calcule la force qu'un fluide pesant en repos exerce sur une partie rectangulaire d'une paroi verticale, la base horizontale du rectangle se trouvant en dessous du niveau du fluide. Ce sujet avait été traité avant lui par Simon Stevin dans son ouvrage sur l'hydrostatique intitulé ‘Van de Beginselen des Waterwichts’, quatrième livre de sa ‘Weeghconst’ de 1586. Stevin y fait usage d'une méthode empruntée à Archimède; la grandeur de la force exercée sur une partie de la paroi verticale, limitée par deux horizontales, est enfermée par lui entre deux limites: elle est inférieure à celle de la force que la même partie éprouverait si elle était placée horizontalement au niveau de l'horizontale inférieure, supérieure d'autre part à celle de la force qui agirait sur elle si elle se trouvait en entier au niveau de sa limite horizontale supérieure. En divisant la paroi entière en un certain nombre d'éléments de ce genre on peut enfermer la force totale entre deux limites dont la différence se détermine aisément. Archimède en eût tiré le résultat cherché par une réduction à l'absurde; Stevin trouve la grandeur de la force en augmentant indéfiniment le nombre des éléments de surface et en passant directement à la limite. En se servant de la même méthode il réussit ensuite à résoudre le problème général de déterminer la force agissant sur une partie arbitrairement limitée d'une paroi inclinée ainsi que le point d'application de cette force. Les résultats de Stevin furent mentionnés sans preuve par Mersenne dans son ‘Ars navigandi’ de 1644Ga naar voetnoot2). Comme Huygens a étudié de bonne heure les ouvrages de Mersenne ainsi que ceux du géomètre de Bruges lui-mêmeGa naar voetnoot3), les théorèmes nom- | |
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més doivent lui avoir été connus lorsqu'il rédigea vers 1650 les théories hydrostatiques qui constituent le traité ‘De Iis quae liquido supernatant’Ga naar voetnoot4). Dans ce traité la force exercée sur les parois n'est pas mentionnée, mais il paraît extrêmement probable que la Pièce écrite en hollandaisGa naar voetnoot5) sur ce sujet date environ de la même époque. En effet, d'abord le calcul de Huygens de la force exercée sur les parois y est basé sur le principe (voir à la p. 273 qui suit le § 1 de la Pièce) dont il fait également usage dans le traité nommé pour dériver les théorèmes d'Archimède sur les corps flottants; d'autre part on trouve sur une des deux feuillesGa naar voetnoot6) auxquelles nous empruntons la Pièce de Huygens quelques figures offrant une grande ressemblance avec quelques figures dont il fit usage en préparant son traité, remarquant lui-même qu'elles appartiennent ‘ad innatantia’. Ceci nous autorise à supposer qu'en s'occupant des recherches qui le conduisirent à rédiger son traité il ait en même temps eu l'idée de dériver du principe fondamental les théorèmes déjà connus de Stevin. Il s'agit du ‘principe de Torricelli’, suivant lequel le centre de gravité d'un système de corps qui se met en mouvement de lui-même doit nécessairement descendre. Le lecteur des T. XI et XVIGa naar voetnoot7) connaît les heureuses applications de ce principe faites par Huygens en d'autres occasions. | |
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II B. Explication théorique de la gravitation terrestre.La Pièce sur la gravitation (voir la p. 276 qui suit) est remarquable e.a. pour cette raison qu'elle est apparemment antérieure aux recherches de Huygens sur la grandeur de la force centrifugeGa naar voetnoot1). La matière subtile tourbillonnante dont il y est question doit son origine à DescartesGa naar voetnoot2). Huygens connaissait depuis longtemps les ‘Principia Philosophiae’ de 1644Ga naar voetnoot3); en écrivant cette Pièce, il connaissait probablement aussi les lettres de Descartes sur ce sujet publiées dans le second volume de 1659 de Clerselier: nous supposons la Pièce écrite peu avant le 21 octobre 1659Ga naar voetnoot4). Quoiqu'elle soit bien brève, elle suffit pour nous faire voir qu'en 1659 déjà Huygens tâchait de préciser les idées de Descartes. | |
II C. Question de la diminution de la pesanteur par l'éloignement du centre de la terre.La remarque de 1666 de Huygens sur ce sujet fait voir que personnellement il ne savait rien sur cette diminution. Il connaissait évidemment la lettre du 13 juillet 1638 de Descartes à MersenneGa naar voetnoot5) intitulée: ‘Examen de la question sçavoir si un corps pese plus ou moins, estant proche du centre de la terre qu'en estant esloignè’, et il avait lu depuis longtempsGa naar voetnoot6) l'‘Astronomia nova’ de 1609 de Kepler où celui-ci parle d'une attraction mutuelle des corps célestes et dit au Ch. XXXIII: ‘Virtutem quae Planetam movet in circulum attenuari cum discessu a fonte’. | |
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II D. Mesure de la distance verticale parcourue en un temps donné par un corps qui tombe librement, etc.Quelle que soit la cause de la pesanteur, il importe en tout cas de mesurer la distance parcourue en un temps donné par un corps tombant librement. Dès 1646Ga naar voetnoot7) Huygens était convaincu de la vérité de la loi de Galilée de l'accélération uniformeGa naar voetnoot8), laquelle fut confirmée e.a. par les expériences de Riccioli. L'ouvrage de 1651 de ce dernier était connu à Huygens au moins depuis 1656Ga naar voetnoot9); il paraît avoir adopté jusqu'en 1659 la valeur que Riccioli donne d'après ses expériences pour la distance parcourue en une seconde par un corps tombant librement en partant du repos, savoir 15 pieds rhénans: du moins, c'est là la valeur de Riccioli d'après Huygens, car Riccioli parle en réalité de 15 pieds romainsGa naar voetnoot10). Il est vrai que Huygens connaissait aussi la valeur beaucoup plus petite, savoir 12 pieds parisiens, de MersenneGa naar voetnoot11). Ce fut le 21 octobre 1659, date où il commença la rédaction de son Traité sur la Force Centrifuge, que Huygens fit lui-même d'après la méthode de Mersenne une expérience sur ce sujet; elle lui donna la valeur de 14 pieds rhénansGa naar voetnoot12). Il paraît possible que les mots ‘De mensura certa par horologij oscillationes’ (de la p. 303 du T. XVI) se rapportent à cette expérience-làGa naar voetnoot13). En la répétant le 23 octobre, Huygens trouva une valeur encore plus petite, savoir 13⅔ pieds rhénans, dont il se servit à partir de cette dateGa naar voetnoot14) jusqu' à la date inconnue, antérieure au 15 novembre | |
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de la même année, où une expérience avec un pendule coniqueGa naar voetnoot1) lui donna la valeur de 15 pieds et 7 5/9 pouces rhénans. Les expériences du 15 novembre exécutées de la même manière, un peu moins primitive cependant, que celles d'octobre ne purent servir à trouver une valeur exacte; au moins ne furent-elles pas en contradiction avec celle du pendule conique. Mais cette dernière ne fut pleinement confirmée que lorsque Huygens eut trouvé en décembre 1659 a règle que nous exprimons par la formule (rigoureusement applicable à l'oscillation cycloïdale d'un pendule simple) T = π √l/g. Celle-ci lui donna de nouveau la valeur de 15 pieds et 7½ pouces rhénans pour la distance parcourue en une seconde ou, si l'on veut, le double de ce nombre (31,25 pieds rhénans ou 9,81 m par seconde) pour l'accélération g, ce qui est en effet la vraie valeur. Comparez la note 1 de la p. 100 qui précède. Il est possible que la règle exprimée par la formule nommée, ainsi que la valeur de 15 pieds et 7½ pouces rhénans, aient été connues durant plusieurs années à Huygens seulGa naar voetnoot2). Il est du moins certain que la valeur exacte de l'accélération g n'a pas été généralement connue dès 1660. En 1664 R. Hooke inventa un appareil pour mesurer la distance parcourue, en une seconde p.e., par les corps tombantsGa naar voetnoot3). Après avoir reçu cette nouvelle, Huygens fit part à Moray de la valeur, trouvée par lui, de 15 pieds et 7½ poucesGa naar voetnoot4). | |
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Avant d'avoir appris la construction de l'appareil de Hooke, Huygens s'ingénia lui aussi à trouver des appareils de ce genre (voir les p. 282-284 qui suivent), lesquels il ne semble cependant pas avoir construits ou fait construire: ils auraient sans doute donné de meilleurs résultats que ceux obtenus en octobre 1659, mais non pas que celui que son ‘calculus’ - comparez la note 1 de la p. 278 du T. XVI - lui avait fourni en décembre de cette année. | |
II E. Calcul de 1666 de la période d'une oscillation (cycloïdale) en un endroit déterminé de la terre en tenant compte de la force centrifuge due à la rotation du globe terrestre.Comme nous l'avons déjà fait entendre dans la note 5 de la p. 377 du T. XVI, ce calcul (11 E à la p. 285 qui suit) est correct: Huygens y admet, quoique sans le dire expressément (comparez la page nommée du T. XVI), que l'accélération de la chute verticale libre est proportionnelle au poids apparent du corps considéré. Dans l'‘Horologium oscillatorium’ de 1673 il ne fait aucune allusion à ce calcul qui jusqu'ici est resté absolument inconnu. Il n'est donc pas étonnant que MontuclaGa naar voetnoot5), ainsi que tous les autres historiens, ont pensé que Huygens n'a commencé à réfléchir à ce phénomène qu'après que Richer dans son voyage de 1672-1673 eut observé que son horloge réglée à Paris retardait à Cayenne d'environ deux minutes et demie par jour. En réalité la théorie a précédé ici l'expérience, mais Huygens semble l'avoir tenue secrèteGa naar voetnoot6): comme on peut le voir à l'endroit cité du T. XVI, il n'était d'ailleurs pas convaincu d'avoir bien rencontré. | |
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III. Taille des lentilles pour microscopes et lunettes à longue vue.Habitué dès sa jeunesse à travailler au tour et à construire différents mécanismesGa naar voetnoot1) Huygens eut de bonne heure l'idée de fabriquer - ou du moins d'achever personnellementGa naar voetnoot2) - les formes servant au rodage des lentilles pour microscopesGa naar voetnoot3) et lunettes à longue vue, ainsi que les lentilles elles-mêmes. Longtemps avant lui son père travaillait au tourGa naar voetnoot4) et s'intéressait à la fabrication des lentilles, principalement à celle des lentilles hyperboliques proposées, avec les lentilles elliptiques, par Descartes et que d'aucuns cherchaient vainement à réaliserGa naar voetnoot5). Chr. Huygens lui aussi se demanda si la construction des lentilles elliptiques et hyperboliques serait pratiquement possible; il fit en 1654 quelques calculs à ce sujet et esquissa certains appareils (voir les p. 290-291 qui suivent), mais son espérance, légère d'ailleurs, s'évanouit bientôt: le problème d'obtenir des surfaces sphériques bien faites se montrait déjà assez difficile à résoudre. Le but des constructions envisagées ou exécutées était de faire de nouvelles dé- | |
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couvertes avec des instruments optiques perfectionnés, ce qui impliquait évidemment le contrôle des découvertes faites par d'autres observateurs ainsi que le développement de la dioptrique théoriqueGa naar voetnoot6). Le frère Constantijn, peu versé dans les théories de Christiaan ou d'autres opticiens, mais s'intéressant également à la microscopie ainsi qu'aux observations astronomiques, prit constamment une part active aux travaux pratiques. L'intérêt du père Constantijn pour les lunettesGa naar voetnoot7) qui ne s'est jamais démenti rend superflue la recherche de toute autre explication de celui de Christiaan et son frère pour les mêmes instruments. Nous avons déjà remarqué au T. XIII que la découverte par Christiaan en octobre 1652 du théorème qu'une sphère homogène peut dans un cas spécial réunir exactement les rayons incidents en un point uniqueGa naar voetnoot8) stimula cet intérêt. La considération des lunettes munies de plus de deux lentilles de Wiessel ou Viselius d'Augsbourg que lui montra en septembre 1652 le pensionnaire anversois Edelheer doit avoir eu un même effetGa naar voetnoot9). Déjà quelques années plus tôtGa naar voetnoot10) Huygens avait reçu du professeur G. van Gutschoven de Louvain, ancien élève de Descartes, des instructions verbales sur l'art de polir, et il est fort possible que son frère et lui aient conversé avec des artisans versés dans cet art même avant ce tempsGa naar voetnoot11). | |
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Quelqu' étroit que soit en général le lien qui rattache les considérations théoriques de Huygens, publiées dans notre T. XIII, à ses travaux pratiques, nous devons ici nous borner à ces derniers. Les ‘Memorien [non datés] aengaende het slijpen van Glasen tot verrekijckers’, publiés en latin dans les ‘Opuscula postuma’ de 1703 sous le titre ‘Commentarii de formandis poliendisque vitris ad telescopia’, n'ont été rédigés par Huygens que plusieurs années après son séjour à Paris; ils ne peuvent donc trouver leur place ici. Mais les Pièces qui suivent (p. 287-304) datent d'avant 1666. La Correspondance donne, souvent incidemment, tant pour les années ici considérées que pour celles qui suivent, des détails sur la fabrication des formes et la taille des lentilles. Pour bien saisir la marche des opérations, notamment pour pouvoir mieux comparer le travail pratique des frères Huygens avec celui d'artisans antérieursGa naar voetnoot1) ou contemporains, nous devrions sans doute avoir des renseignements plus explicites. Durant plusieurs années les frères Huygens - rappelons la découverte de la première lune de Saturne en 1655 avec la lentille inscrite ‘Admovere oculis distantia sidera nostris’Ga naar voetnoot2); voir à ce sujet les p. 13 et 193 du T. XV - furent apparemment à la tête des constructeurs de télescopesGa naar voetnoot3). Rattrapés et devancés en- | |
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suite par d'autres artisansGa naar voetnoot4) ils ont changé ou développé eux aussi, non sans succès, leurs méthodes sans jamais perdre l'espoir d'arriver dans l'intérêt de la science à une perfection encore considérablement plus grande. Avant février 1653 Chr. Huygens connaissait déjàGa naar voetnoot5) les ouvrages de SirturusGa naar voetnoot6), de RheitaGa naar voetnoot7) et d'HeveliusGa naar voetnoot8) où la taille des lentilles est enseignée. A sa demande il reçut au mois nommé des renseignements écrits de van Gutschoven, déjà nommé plus haut, qui pratiquait l'art lui-même. Deux instructions ajoutées à sa lettre latine sur des feuilles séparées font défaut d'après la note 2 de la p. 223 du T. I. La première, écrite en flamand et provenant d'un homme du métier, traitait de certains alliages | |
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propres à la fabrication des formes. Quant à la seconde, enseignant la taille de petites lentilles convexes et de lentilles à surfaces concaves, nous croyons, malgré la note nommée, la connaître: c'est, pensons-nous, la Pièce No. 1147 (T. IV, p. 400) écrite en latin qui traite précisément de ces deux sujets et peut plus tard avoir été incluse par erreur dans une lettre de de Sluse. Nous croyons pouvoir renvoyer le lecteur qui s'intéresse à la fabrication des formes à la lettre latine de v. Gutschoven en nous bornant à remarquer que dans la deuxième ligne du troisième alinéa de la p. 222 du T. I il faut lire ‘forma nimis scabra’ au lieu de ‘forma minus scabra’ et que la poudre pierreuse servant à polir des armes et autres ustensiles en fer est probablement de la terre rouge, c.à.d. de l'oxyde de ferGa naar voetnoot1). Quant au ‘capulus’ (voir la figure de la p. 222 nommée) il s'appelle en hollandais ‘dop’ ou ‘looper’Ga naar voetnoot2). Pour la taille des lentilles convexes la forme concave doit avoir suivant v. Gutschoven son axe de symétrie placé verticalement. La plaque de verre qu'on y applique doit être fermement attachée à un ‘capulus’ qu'on tient en main. On se sert, pour roder le verre, de sable sec, ensuite, lorsque la surface frottée en tous sens contre la forme concave a déjà acquis la forme sphérique convexe, de sable mouillé. La surface | |
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de la lentille, après cette deuxième opération - qu'on peut désigner par le mot doucissage - est terne. Il s'agit encore de la polir. À cet effet, v. Gutschoven dit qu'après avoir nettoyé la forme de sorte qu'il n'y reste plus de sable, il faut y coller avec de l'amidon du papier très fin (‘tenuissima papyrus’) et couvrir ce papier de poudre de terre tripolitaine ou tripoli. En appliquant de nouveau le verre à la forme et en le mouvant dans tous les sens on peut le polir en moins d'un quart d'heure. Nous ajoutons ici la remarque qu'il n'est pas possible en général de séparer nettement les trois opérations nommées, dont les deux premières sont même généralement considérées comme n'en formant qu'une; voir dans la note 6 de la p. 293 qui suit l'observation de Beeckman sur ce sujet. Après avoir rodé et douci les deux côtes de la lentille (v. Gutschoven ne le dit pas expressément, il est d'ailleurs possible qu'il songe avant tout aux lentilles planconvexes, comme il y en avait dans les lunettes de Wiesel, voir le dernier alinéa de la p. 309 du T. I) on peut donner au bord de la lentille la forme ronde à l'aide d'un instrument dont v. Gutschoven se contente de dire qu'il est très connu aux vitriersGa naar voetnoot3), et procéder ensuite au polissage. Ce faisant il faut bien prendre garde qu'aucun éclat de verre ou gros grain de sable ne vienne se loger sous la lentille et ne la corrompe au dernier moment en y traçant une multitude de lignesGa naar voetnoot4). Or, ces éclats de verre se produisent facilement lorsque le bord a été obtenu (bien imparfaitement d'ailleurs) avec l'instrument nommé; il vaut donc mieux donner aux surfaces (ou à la surface sphérique unique dans le cas d'une lentille planconvexe) une courbure plus forte vers le bord commun, de sorte que les deux surfaces se coupent sous un plus grand angle. Ceci peut se faire dans une forme sphérique plus concave que la premièreGa naar voetnoot5) ou dans un cône creux en fer attaché au tour et mis en rotation autour de son axe de symétrie; ce cône, mentionné à la p. 223 du T. I, est représenté à la p. 401 du T. IV.
Jusqu' à quel point ces instructions furent-elles suivies par les frères Huygens? Il n'y a pas d'apparence qu'ils aient commandé des formes à Liège, comme le leur con- | |
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seillait v. Gutschoven. Les formes en fer ou acier dont ils se servaient au moins jusqu'en octobre 1658 (T. I, p. 364, 387, T. II. p. 251, 573) provenaient de Kalthof de DordrechtGa naar voetnoot1). En 1655 et 1656 il est parlé d'‘une modelle’ de cuivre; pour pouvoir perfectionner une des formes ou ‘platines de fer’ le frère Constantijn demanda à Kalthoven d'envoyer ce modèle (T. I, p. 355). Kalthoven envoya de plus un petit marteau (T. I, p. 375) et les deux frères travaillèrent dix jours, en février 1656, à donner à la platine ‘la figure parfaite’ (T. I, p. 380). Ils ne suivirent donc pas la méthode de v. Gutschoven, mais sans doute celle de Kalthoven lui-même - comparez la note 6 de la p. 251 sur Sirturus - qui consistait apparemment à corriger les inégalités de la forme à coups de marteauGa naar voetnoot2). En octobre 1655 (T. I, p. 360) il est question de l'invention par le ‘Poleiser’ - voir la note 11 de la p. 249 - d'un instrument pour tourner les formes de fer. En octobre 1658 Kalthoven (T. II. p. 251) est dit expressément se servir lui aussi du tour; il paraît d'ailleurs extrêmement probable que déjà en 1655 il travaillait au tour, comme nous venons de le dire, puisqu'il est question d'un modèleGa naar voetnoot3). Toutefois il paraît (voir plus bas) que les formes furent | |
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d'abord forgées au marteau, ensuite corrigées au tour, ensuite sans doute corrigées de nouveau avec un petit marteau: en 1690 C.F.M. Dechales écrit dans son ‘Cursus seu mundus mathematicus’Ga naar voetnoot4): ‘Ferreis [patinis] quidem malleo prima figura inducitur .... patinae & lances ita formatae torno ad perfectam sphaericitatem revocari debent’. Les frères en ce temps se servent d'un procédé (‘frotter avec de l'émeri’) pour perfectionner la figure sphérique de la forme de fer qui se rapproche davantage de celui recommandé par v. GutschovenGa naar voetnoot5). En effet Huygens écrit (en hollandais) à van Schooten (T. II, p. 251): ‘Les formes dans lesquelles je taille mes lentilles ont un diamètre de 7 pouces. Elles ont été non seulement forgées par M. Kalthof, mais aussi travaillées par lui au tour, d'après un arc de cercle [le modèle, pensonsnous]; cependant, pour rendre la figure parfaite, j'ai dû encore les frotter chacune un ou deux jours avec de l'émeri. La matière est du fer très purGa naar voetnoot6)’. Les formes se fabriquaient donc au tour, à Dordrecht et ailleurs, mais les lentilles (il s'agit toujours de lentilles convexes) n'étaient pas montées sur le tour, comme l'avait fait p.e. Ferrier (note 5 de la p. 248) et comme Campani (note 6 de la p. 257 qui suit) le fit plus tard. Aux p. 295-296 qui suivent il est question, en décembre 1658, de deux formes en fer et d'une troisième en métal. S'agit-il ici d'une forme en cuivre ou en airain? Cela paraît probable ou même certain, puique le mot ‘metael’ désigne souvent du cuivre. Nous savons de plus que plus tard les frères se servirent de formes de ce métalGa naar voetnoot7). | |
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Comme Huygens écrit en mai 1656 (T. II, p. 656) que ‘Gutschoven ..... a droit de .... considerer .... les effects de mes lunettes d'approche .... comme les effects de sa bonne instruction’, il y a lieu de croire que dans la taille des lentilles les frères adoptèrent ses procédésGa naar voetnoot1). En février 1656 (T. I, p. 383) Huygens écrit: ‘assiduam perspicillis fabricandis operam damus’. Les lentilles ne réussissaient évidemment pas toujours: il se dit ‘souvent frustrè en formant les verres’ (T. I, p. 473). D'autres fois les verres étaient ‘beaux et excellens’, comme le témoigne p.e. Boulliau en avril 1659Ga naar voetnoot2). Il était toujours difficile de se procurer du verre homogène, sans bulles d'air ni ondes. D'abord les frères se servirent de ‘glaces de miroir’ (T. I, p. 425), c.à.d. de verre ou ‘cristal’ de VeniseGa naar voetnoot3). La verrerie dont il est question en mai 1656 (T. I, p. 425) est sans | |
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doute celle de MaestrichtGa naar voetnoot4), vu que de Westrene qui est nommé à l'endroit cité était en garnison dans cette villeGa naar voetnoot5); mais Huygens n'est pas content de ce produit. En mai 1661 (T. III, p. 269) nous voyons Huygens en possession d'une certaine ‘description’ de la ‘composition de verre’ que nous ne connaissons pas et dont rien n'indique qu'il se soit jamais servi. Plus tard les frères se servirent parfois de verre anglais (T. V, p. 131), ou français (T. V, p. 355); le verre envoyé par Thevenot provenait peut-être de la célèbre verrerie de Rouen mentionnée à la p. 398 du T. III ou de la verrerie également fameuse de Lyon mentionnée anx p. 347, 366 et 396 du T. V, ou bien de celle de Paris bien récente (voir la p. 73 du T. IV) mentionnée à la p. 367 du T.V. Les §§ 6-9 (voir les p. 296-304 qui suivent) traitent de différents appareils employés pour la taille des lentilles de 1660 à 1665. En novembre 1664 (T. V, p. 148) Huygens écrit avoir ‘commencè a faire quelques essais’ pour travailler suivant la méthode de Campani ou plutôt suivant une méthode plus ou moins analogue à celle de Hooke inspiré par CampaniGa naar voetnoot6), c.à.d. à ‘tailler les verres par le moyen du | |
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cercle de fer’, mais cette méthode ne réussit ni à Hooke ni à HuygensGa naar voetnoot7). En avril 1666Ga naar voetnoot1) Huygens conçut une autre méthode dont il ne donne pas de détails. | |
IV. Compression et raréfaction de l'air, machines pneumatiques, recherches expérimentales sur le sujet du vide, etc.En mars ou avril 1659, lors d'un séjour à Anvers, Huygens - qui jusque là ne s'était occupé que de pompes pour comprimer l'airGa naar voetnoot2) - apprit à connaître, par l'ouvrage de 1657 de G. Schort, intitulé ‘Mechanica Hydraulico-Pneumatica’, l'existence de ‘certaines pompes’ capables de tirer tout l'air hors d'un grand vase de verreGa naar voetnoot3). Le 12 octobre 1660 il se rendit à ParisGa naar voetnoot4) et de là à Londres; dans son Journal de Voyage il écrit le 11 avril: ‘à l'assemblée [a Greshams College] vint M. Boyle’ et le jour suivant: ‘M. Boyle me vint veoir, et discourumes longtemps’. De retour à la Haye, il écrit le 9 juin 1661 à son frère LodewijkGa naar voetnoot5) avoir vu à Greshams College ‘... quantitè de belles experiences touchant le vuide, les quelles ils ne font pas avec le vif argent dans des petits tuyaux, mais en tirant par le moyen d'une certaine pompe [cette expression semble démontrer que Lodewijk ne connaissait pas encore de pompe de ce genre] tout l'air hors d'un grand vase de verre, ou ils mettent auparavant dedans l'un animal ou l'autre et diverses autres choses’. Il promet en outre à Lodewijk de lui montrer le livre de Boyle de 1660 sur ce sujetGa naar voetnoot6). Le 6 octo- | |
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bre 1661 Huygens écrit: ‘je fais faire la machine de Monsieur Boile’Ga naar voetnoot7); nous ignorons le nom de ‘l'instrument maecker’Ga naar voetnoot8). La machine de Huygens (voir la Fig. 36 de la p. 313 qui suit) se distingue de celles de v. Guericke et de Boyle par l'introduction d'une pièce fort importante, la platine du récipient. Le 22 octobreGa naar voetnoot8) Huygens écrit à son frère Constantijn que, la largeur du tuyau n'étant pas constante, l'instrument ne marche pas encore. Ce tuyau fut remplacé par un autre ‘de cuivre massif’Ga naar voetnoot9), de sorte que la machine pneumatique travailla bien depuis le 29 novembre 1661. C'est à cette date que commence la série d'expériences qu'on trouve aux p. 312-331 qui suivent.
Il va sans dire que Huygens connaissait depuis longtemps ce qu'on appelle communément le vide de TorricelliGa naar voetnoot10). Déjà en 1648 Mersenne dans ses lettres à Constantijn pèreGa naar voetnoot11) et à ChristiaanGa naar voetnoot12) avait parlé des expériences de Blaise Pascal de 1646-1647Ga naar voetnoot13), du livre latin de 1648 du père Noël, de la vessie qui s'enfle dans le vide, etc. Christiaan, le 20 avril 1648, lui avait répondu, du moins au sujet de la vessie, dont il attribue le gonflement à la dilatation ou raréfaction de l'air qui y est contenu. Remarquons qu'avant Mersenne Descartes avait été en correspondance avec le père Constantijn sur ces sujets; voir notamment la lettre de Descartes du 8 décembre 1647 (éd. Roth, p. 256), où il est également question de Pascal. En répondant à Mersenne Christiaan connaissait tout aussi bien que son père les | |
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‘Principia Philosophiae’ de DescartesGa naar voetnoot1), dans lesquels celui-ci avance aux Cap. XVI et XVII de la Pars Secunda ‘repugnare ut detur vacuum, sive in quo nulla planè sit res’ et ‘vacuum ex vulgi usu non excludere omne corpus’ et au Chap. 6 de la même Partie, pour citer cette fois le texte français (éd. Adam et Tannery, T. IX B, p. 66): ‘Pour ce qui est de la rarefaction & de la condensation, quiconque voudra examiner ses pensées, & ne rien admettre sur ce sujet que ce dont il aura vne idée claire & distincte, ne croira pas qu'elles se facent autrement que par vn changement de figure qui arrive au corps, lequel est rarefié ou condensé: c'est à dire que toutes fois & quantes que nous voyons qu'un corps est rarefié, nous deuons penser qu'il y a plusieurs intervalles entre ses parties, lesquels sont remplis de quelque autre corps [nous soulignons]’. Dans la raréfaction la matière subtile vient suivant Descartes prendre exactement la place de la matière grosse. Il faut croire que Christiaan, au moment où en 1644 ou 1645 il lut ces passages de Descartes, commença par approuver ses idées ou plutôt par se laisser entraîner par ellesGa naar voetnoot2); ce qui toutefois ne l'empêcha pas en 1648 de parler du ‘vuide’ comme l'avait déjà fait Démocrite dans l'antiquité. Plus tard aussi nous voyons constamment Christiaan Huygens disposé à admettre le videGa naar voetnoot3), dans lequel reposent ou s'agitent, mais évidemment sans remplir exactement tout l'espace, des atomes durs de forme sphérique ou autreGa naar voetnoot3) de fort petites dimensions.
Le vide absolu existe-t-il, oui ou non, dans la nature? Démocrite l'affirmait, Aristote le niaitGa naar voetnoot4); l'importance de la question - toujours actuelle - était donc évidente aux yeux, non seulement des physiciens, mais encore des érudits, de tous ceux en général qui à un point de vue quelconque s'intéressaient soit aux opinions de ces philosophes eux-mêmes, soit à celles de penseurs plus modernes ayant avec plus ou moins de bonheur incorporé des thèses antiques dans leurs systèmes philosophiques. Dans le cas de l'expérience de Torricelli c'était cette question de l'existence ou de la non-existence du vide, partant aussi celle de l'existence ou de la non-existence de l'‘horreur du vide’ qui intéressait le public ainsi que, par exemple, Etienne Pascal et son fils Blaise, lequel se trouva amené par là à faire ses expériences de 1646 et de plus | |
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tardGa naar voetnoot5). La question de savoir si l'air qui constitue l'atmosphère terrestre, est, oui ou non, pesant se rattache évidemment (quoique les deux questions ne soient pas identiques) à celle de l'horreur du videGa naar voetnoot6). Le 19 septembre 1648 eut lieu l'ascension du Puy-de-Dôme où l'on constata que le mercure du tube de Torricelli s'élevait à une moindre hauteur à mesure qu'on montait. Plusieurs fois sans doute depuis sa jeunesse Chr. Huygens a dû assister ou prendre part à des discussions sur la question brûlante du vide, car, quoiqu'il pût paraître certain, ou peu s'en fautGa naar voetnoot7), après l'ascension du Puy-de-Dôme que la hauteur de la colonne de mercure est une mesure de la pression atmosphérique, il fallait encore trouver une réponse à la question de savoir ce qu'il faut penser au juste de la dilatabilité de l'air et s'il est admissible que le vide apparent de Torricelli soit occupé, en tout ou en partie, par une ou plusieurs matières subtiles, qui dans ce cas doivent peut-être exister aussi dans l'atmosphère. A Paris en 1660 Huygens vit des expériences sur le vide; dans son Journal de Voyage il écrit à la date du 13 novembre: ‘Chez M. Rohaut veu faire les experiences du vif argent, qui verifient tout-a-fait le poids de l'air, et comment celuy qui nous environne fait toujours ressort. vessie de carpe platte s'enfle dans le vuide pour cette raison’. Il visita Roberval et s'entretint plusieurs fois avec Pascal; Chapelain le 9 février 1661 lui ‘presta quelques lettres de Pascal touchant le vuide’. Le 5 décembre 1660 Thevenot lui avait envoyé l'‘observation de Florence [faite à l'Accademia del Cimento, fondée en 1657] de la fumée descendente dans le vuide’ qu'il connaissait déjà (voir la p. 104 du T. III) et le 2 février 1661 il avait vu chez le même savant ‘la lettre de Ricci’Ga naar voetnoot8). Il n'est pas étonnant, surtout après ses conversations de 1661 avec Boyle, que Huygens voulut posséder lui-même l'instrument qui lui permettrait sans doute de confirmer les idées du savant anglais (voir la note 6 de la p. 259 qui précède), peut-être aussi de faire des observations nouvelles. | |
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Dans une des Pièces qui suivent (p. 316-317 et 320-329) l'on verra combien Huygens attache d'importance aux petites bulles d'air (qu'elles soient formées d'air véritable ou d'air non véritable) qu'il observe dans l'eau ou le mercure qui remplit le tube renversé placé sous le récipient. Lorsque Pascal en 1647 sit ses expériences publiques à Rouen ‘quidam praecipuè Peripatetici .... contendebant parvulam quandam eamque forsan sensu imperceptibilem aeris guttulam remansisse [dans le sommet du tube renversé rempli de liquide] quae postea eousque rarefieret, ut sic naturae laboranti opitularetur’. Roberval qui raconte ce fait en septembre 1647Ga naar voetnoot1) répudie l'idée que ces petites bulles d'air se raréfient de manière à remplir l'espace entier. Mais dans un deuxième écrit de 1648 ‘à sa propre stupéfaction [il fut] amené à soutenir cette même hypothèse de la raréfaction de l'air qu'il avait écartée avec dédain dans sa première lettre’Ga naar voetnoot2). Il ‘[remarqua] les gouttes d'air qui adhèrent aux parois du tube, visibles les unes à l'oeil nu, les autres à la loupe, etc.’Ga naar voetnoot3); il inventa aussi l'expérience de la vessie qui montre clairement la grande dilatabilité de l'airGa naar voetnoot3). Il eut beaucoup de succès: ‘il n'y eut qu'un cri pour admirer cette raréfaction de l'air, qui était demeurée jusqu'ici inconnue’Ga naar voetnoot4). Toutefois l'hypothèse de l'existence du vide continua de lui paraître probableGa naar voetnoot5). Sans doute les entretiens que Huygens eut à Paris avec les savants nommés l'induisirent à regarder la considération attentive des petites bulles et de leur dilatation comme une chose importante. Or, dans le cours de ses expériences - ce fut le 27 décembre 1661 - Huygens remarqua un phénomène nouveau qui bouleversa plus ou moins ses idées: lorsque l'eau qui remplit le tube renversé (voir la Fig. 39 de la p. 317 qui suit) est bien purgée d'air et qu'il n'en reste plus aucune bulle, si petite qu'elle soit, au-dessus de ce liquide, celui-ci ne descend plus lorsqu'on évacue le récipientGa naar voetnoot6). Il se demanda si | |
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peut-être il faut ‘considerer dans ceci autre chose, inconnue jusqu'ici, que le poids de l'air et son élasticité’; jusque là, en effet, il avait cru pouvoir ‘resoudre toutes les experiences par la pesanteur et le ressort de l'air’ (T. III, p. 320). Il fit toutefois un effort sérieux pour expliquer le nouveau phénomène sans abandonner ce principe, ce qui lui réussit parce qu'il n'avait encore aucune idée de la loi suivant laquelle le ressort de l'air varie lorsqu'on le raréfie: il fut amené à supposer que l'air fort raréfié qui se trouve sous le récipient à néanmoins assez de ressort pour soutenir la colonne d'eau, et puisque l'introduction d'une petite bulle d'air dans le tube suffisait pour faire descendre l'eau à peu près jusqu'au niveau de l'eau extérieure, il dut supposer en outre que l'air extrêmement raréfié contenu alors dans le tube possède également un ressort considérable, à peu près égal à celui de l'air raréfié du récipient. Le 19 avril suivant (T. IV, p. 111) il soutint encore contre son frère Lodewijk (voir aussi la p. 98 du T. IV) ‘qu'il ne faut point admettre que ledit ressort s'affoiblit à mesure que l'air s'estend’, quoiqu'il eût déjà été informé en mars (T. IV, p. 85) de la loi que Boyle venait de découvrir. Il accepta évidemment cette loiGa naar voetnoot7) lorsqu'il eut reçu le 12 juillet le nouveau traitéGa naar voetnoot8) où Boyle décrit ses expériences à ce sujet, et il en tira fort justement la conclusion que l'explication qu'il avait donnée de son phénomène à lui était erronée. En Angleterre on ne réussit à observer ce phénomène, tant avec l'eau qu'avec le mercure purgé d'air, qu'en 1663 (T. IV, p. 437-440). En janvier 1665 Huygens écrit encore (T. V, p. 221) ne pouvoir rendre compte de son phénomène. C'est seulement en 1668 que nous le voyons adopter définitivement une hypothèse pour l'expliquerGa naar voetnoot9): | |
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il accepta l'existence d'une matière subtile capable de passer par le verre à moins que le liquide enfermé ne touche le verre exactement, la supposant en outre capable d'exercer tant sur les liquides que sur les corps solides une forte pression; de plus il jugea cette hypothèse fort utile pour expliquer le ressort de l'airGa naar voetnoot1). Malgré Blaise Pascal il revint plus ou moins (quoiqu'en admettant toujours le vide) à Descartes. | |
V. Modification de la machine à calcul de Pascal.Peu avant le 26 février 1660 (T. III, p. 26) Huygens reçut la machine arithmétique de Pascal, ou pascaline (pascalin), qui lui avait déjà été promise en juillet 1659 (T. II, p. 426) au moment où il en reçut le ‘dessein’ fait par Ch. Bellair ainsi que son explication du mouvement. Il renvoya la machine en août 1662 après la mort de l'inventeurGa naar voetnoot2). La page du Manuscrit A qui se rapporte à ce sujet doit avoir été écrite entre le 25 décembre 1659 et le 3 avril 1660, probablement peu de temps après que Huygens eut reçu la pascalineGa naar voetnoot3), quoique dans sa réponse à la première lettre de BellairGa naar voetnoot4) il semble déjà avoir proposé une construction différenteGa naar voetnoot5). Nous ignorons la date de la feuille séparée consacrée à ce sujet, mais attendu que Huygens ne revient plus nulle part sur la machine arithmétique (hormis dans le Manuscrit C où l'on trouve aux p. 212-214, datant de 1667 ou de 1668, quelques figures analogues à celles de la feuille séparée), il n'y a aucune raison pour ne pas la publier ici. Comme on peut le voir à p. 237 qui suit (note 2) nous la supposons écrite, sans pouvoir rien affirmer, en 1663 au plus tôt. | |
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VI. Expérience sur les sons d'une cloche.Dès sa jeunesse Huygens, à l'instar de son père qui excellait dans cet art, s'est beaucoup occupé de musique, comme on le constate aussi dans la CorrespondanceGa naar voetnoot6). Quoique son ‘Novus Cyclus harmonicus’Ga naar voetnoot7) date d'avant 1666, nous préférons publier plus tard tout ce qui se rapporte à la musique proprement dite. On peut voir aux p. 99 et 100 du T.V. d'une part qu'ici aussi les livresGa naar voetnoot8) de Mersenne ont eu une grande influence sur lui, d'autre part que c'est en partie grâce à son instigation qu'on commença à faire en 1664 à la ‘Royal Society’ des expériences sur la vibration des cordes, des ressorts et des corps durs en général. La figure qu'on trouve à la p. 148 du Manuscrit A et qui doit donc dater d'octobre 1659 ou d'un peu plus tôtGa naar voetnoot9) est le seul indice qu'il ait songé lui-même à faire des expériences de ce genre. Cette figure que nous reproduisons à la p. 339 qui suit ressemble à celles qu'on trouve dans un article de F. Melde du dix-neuvième siècleGa naar voetnoot10). | |
VII. Lumière.VII A. Réfraction de la lumière.Comme nous le disons dans l'Avertissement du Traité ‘De Coronis et Parheliis’ qu'on trouve plus loin dans ce Tome, Huygens fut amené, tant par la lecture de Descartes et d'autres philosophi naturales, que par une observation qu'il fit lui-même, à s'intéresser à la réfraction des rayons de lumière. Nous avons déjà publié dans le T. XIIIGa naar voetnoot11) la méthode suivie par lui en décembre 1652 pour calculer l'indice de réfraction de | |
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l'eau (et celui du verre) en partant de l'observation du diamètre de l'arc-en-ciel, ainsi que les méthodes plus directes de 1653 ou de plus tôt et de 1664. Au commencement de 1662 il reçut de son frère Lodewijk la copie d'une lettre de Fermat du 1 janvierGa naar voetnoot1) dans laquelle celui-ci démontre la loi de Snellius ou de Descartes en partant du ‘principe si commun et si estably que la nature agit tousjours par les voyes les plus courtes’ ce que Huygens qualifie de ‘pitoyable axiome’. Toutefois après avoir vu la démonstration de FermatGa naar voetnoot2) qu'il appelle le 22 juin 1662 ‘fort bonne et subtile’Ga naar voetnoot3) il dit avec plus de circonspection que ‘les principes qu'il suppose pour la refraction, qui ne regardent pas la geometrie mais la physique ne sont point du tout certains, sed plane precaria’Ga naar voetnoot4). Dans une page du Manuscrit B (voir la p. 340 qui suit) Huygens répète le calcul de Fermat. C'est par ce calcul, paraît-il, que tout en doutant très fortement de la valeur du principe physique fondamental (qui d'ailleurs n'avait été clairement formulé que pour la réflexion et la réfraction des rayons de lumière) il acquit plus ou moins la conviction, exprimée plus tard dans sa | |
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théorie à lui, que l'indice de réfraction est égal au quotient de la vitesse de la lumière dans le premier milieu par celle de la lumière dans le secondGa naar voetnoot5). Fermat avait déjà observé que l'indice de réfraction n'est pas égal à ce quotient chez Descartes, mais bien plutôt le contraireGa naar voetnoot6). | |
VII B. Anneaux dits de Newton.En août 1664Ga naar voetnoot7) et mars 1665Ga naar voetnoot8) Huygens reçut deux livres anglais, de BoyleGa naar voetnoot9) et de HookeGa naar voetnoot10), sur la théorie des couleurs. Dans la lettre à Moray du 19 août, où il écrit avoir reçu le livre de Boyle et l'avoir lu en entier, il fait aussi mention d'une observation à lui qui ne se trouve pas dans ce livreGa naar voetnoot11), ‘qui est de deux petits morceaux de verre d'un miroir plat, qui estant fortement pressez l'un contre l'autre soit | |
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qu'il y ait de l'eau entre deux ou rien que l'air, font veoir toutes les couleurs de l'Iris’, expériences que MorayGa naar voetnoot1) appelle à bon droit ‘considerables, quoy que bien simples’. Avant d'avoir lu la ‘Micrographia’, en janvier 1654, Huygens (songeant apparemment en premier lieu à la théorie des couleurs du Discours VIII des Météores de Descartes) se dit convaincu de l'impossibilité d'une application rationnelle des mathématiques au problème des couleurs; aux exhortations de Kinner à Löwenthurn il répond: ‘Certe ad Geometricas rationes minime pertinet’Ga naar voetnoot2). La ‘belle comparaison des couleurs aux consonnances’ qu'il dit en novembre 1661Ga naar voetnoot3) avoir récemment trouvé dans le livre de 1657 de de la Chambre sur la lumière ne semble pas l'avoir induit à réfléchir davantage sur ce sujet. D'après la théorie de Hooke, qui admet comme Descartes que la lumière consiste en un mouvement ou action d'une matière subtileGa naar voetnoot4) (chez Hooke - p. 66 et Fig. 6 de la Pl. VI - il est même question de ‘pulses’ se suivant à intervalles égaux), des couleurs se produisent dans les lames minces par suite d'une certaine interférence (pour employer ce mot moderne) entre les rayons réfléchis aux surfaces antérieure et postérieure d'une telle lame. Suivant Hooke il faut concevoir les rayons, dont la vitesse est finie, comme ayant une certaine largeur. Les surfaces d'onde des rayons sont généralement perpendiculaires à leur direction; dans ce cas les rayons sont blancs. Mais la réfraction a pour effet de donner à ces surfaces d'onde une position oblique par rapport à la direction des rayons et les prédispose ainsi à acquérir une couleur; or, notre oeil aperçoit effectivement des couleurs, lorsque les rayons ainsi déformés pénètrent dans la pupille, en longeant d'un côté une région obscure qui les affaiblit de ce côté. La couleur rouge ou jaune est aperçue, lorsque le côté le plus fort du rayon tombe le premier sur la rétine, la couleur indigo ou bleue lorsque c'est le côté le plus faible qui précèdeGa naar voetnoot5). Or, dans le cas des lames minces le rayon réfléchi à la surface postérieure, affaibli par | |
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la double traversée de la lame, se combine avec un rayon réfléchi à la surface antérieure en un rayon qui nous paraît unique, de telle manière que tantôt le rayon le plus fort et tantôt le rayon le plus faible précède: c'est là l'interférence qui produit les couleurs des lames minces. Hooke ne réussit pas à déterminer les très petites épaisseurs des lames de mica, de verre etc. qui montrent les couleurs, ni celles des fluides ou de l'air compris entre deux surfaces de verre et faisant voir les iris. C'est la détermination des épaisseurs correspondant à certaines couleurs dans le cas d'une couche d'air située entre deux lentilles ou entre une lentille et une surface plane fortement pressées l'une contre l'autre que Huygens se propose dans la Pièce qui suit (p. 341-348); il trouve ainsi une valeur, peu exacte il est vrai à cause de la déformation des lentilles, de l'épaisseur de la couche d'air qui ‘ramène la même couleur’. Il ne va pas plus loin et ne dit rien de la théorie du phénomène. Mais comme, tout en trouvant Hooke ‘un peu hardi a former des hypotheses’Ga naar voetnoot6), il appelle ‘belle .... sa pensée touchant la cause des couleurs’Ga naar voetnoot7), nous pouvons être assurés qu'il n'était en possession d'aucune hypothèse plus plausible (à moins qu'il ne faille attacher de l'importance à la Fig. 55, note 15 à la p. 344). C'est ce qui résulte aussi de sa lettre du 14 janvier 1673 à Oldenburg, où il dit, en faisant mention de Hooke, qu'à son avis il semble utile d'admettre l'existence de deux couleurs fondamentalesGa naar voetnoot8). La détermination de l'épaisseur (ou du moins de l'ordre de grandeur de l'épaisseur) de la couche d'airGa naar voetnoot9) qui ‘eundem colorem reducit’ par Huygens - première détermination expérimentale de cette grandeur - n'a jamais été publiée et il n'en a nulle part fait mention lui-même. Il ne s'est d'ailleurs plus guère occupé d'expériences de ce genre (voir toutefois la note 13 de la p. 343 qui suit). Newton fit ses premières expériences sur les couleurs en 1666. | |
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VIII. Magnétisme des briques et des ressorts d'acier des petites horloges.Les deux remarques, assez insignifiantes, sur ce sujet, qu'on trouvera à la p. 349 qui suit, nous donnent l'occasion de remarquer qu'avant 1666 Huygens ne s'est pas sérieusement occupé de la théorie du magnétisme. Sa lettre à Moray du 8 août 1664 (T. V, p. 101) fait voir que, comme le physicien Rohault qu'il avait vu faire des expériences sur ce sujet lors de son séjour à Paris de 1660-1661, il acceptait la théorie des courants de ‘matiere subtile’ ou ‘matiere magnetique’ (expression de Huygens), qu'il avait trouvée dans sa jeunesse dans la Pars Quarta des ‘Principia Philosophiae’ de Descartes. | |
IX. Thermometrie.Quoique nous ne possédions aucune Pièce se rapportant au thermomètre, nous ne voulons pas terminer cet exposé sans remarquer que dans sa lettre du 2 janvier 1665 à MorayGa naar voetnoot1) Huygens propose pour la première fois ‘de songer a une mesure universelle et determinee du froid et du chaud’ et de prendre ‘pour commencement le degrè de froid par le quel l'eau commence a geler, ou bien le degrè de chaud de l'eau bouillante’Ga naar voetnoot2). |
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