No 1996.
Christiaan Huygens à Lodewijk Huygens.
3 août 1674.
La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
A Paris ce 3 Aug. 1674.
J'ay leu avec une extreme satissaction ce que vous venez de me mander touchant l'heureux succes et les douceurs de vostre estat conjugalGa naar voetnoot1), a quoy s'accorde encore parfaitement ce que mon pere m'escrit par sa derniere lettre, de sorte que je puis vous en feliciter maintenant de certaine connoissance et non pas comme l'on fait aux Espoux in fieri, a qui l'on a plus de suject de souhaiter du bonheur que de ce se conjouir de celuy qui leur est arrivè. Il est vray qu'ayant il y a longtemps l'honneur de connoistre vostre chere consorte, je ne pouuois guere douter que vous n'eussiez toute sorte de contentement en la possedant; mais je ne laisse pas d'admirer que vous soyez tellement satissait que de prescher aux autres le mariage comme si c'estoit le souverain bien. Car je connois des gens qui, encore que bien mariez, en parlent plus moderement, et apres en avoir estalè tous les plaisirs et les avantages, en veulent bien advouer aussi les incommoditez. Pour moy je ne scay quel pouvoir auront quelque jour sur moy vos exhortations et vos exemples, mais tant que je seray en ce païsicy, je vous puis assurer que je cheriray la libertè sur toutes choses, et cela pour beaucoup de raisons. Je vois cependant, que malgrè tout ce que j'en proteste on ne laisse pas de faire courir des bruits au contraire, et qu'il en est venu jusqu'a mon Pere qui semblent luy donner quelqu'inquietude. Mais il n'a que faire d'apprehender, et se peut mocquer en toute seuretè de ces donneurs d'avis. A propos de mariage vous scaurez que le fils ainè de madame Caron espouse la fille d'un Joaillier appellè PitauGa naar voetnoot2),
homme assez riche a ce qu'on tient, et qui donne 60 mille livres a cette fille, mais d'ailleurs de condition peu relevée comme vous pouvez juger.
Cette affaire s'est conclue a mon insceu, ou du moins sans qu'on m'en ait demandè avis, mais la mere en a parlè a Monsieur Colbert qui connoist fort ce futur beaupere parce qu'il trafique continuellement a la Cour, et que toutes les pierreries du Roy passent par ses mains, et elle m'assure qu'il approuve ce mariage. Madame de la Fertè n'en a rien sceu, non plus que moy, qu'apres la première annonce faite et je crois que la noblesse de NormandieGa naar voetnoot3) ne sera pas bien aise de cette alliance. l'Espouse au reste est une fort jolie fille et unique avec 2 freres.