Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend7082. Aan prins Willem IIIGa naar voetnoot5). (K.A.)Mon fils, le Parisicen, trouvant ses forces assez passablement remises pour supporter la fatigue d'un voyage de quinze jours par terre, commence à se disposer à celuy de France, où on juge qu'une pension si considerable dont on le gratifie merite bien qu'il se rende à son devoir, autant que sa disposition le peut permettre. A quoy ne trouvant rien à repliquer, quelque desir que j'auroy bien de jouïr de sa sçavante et aymable conversation jusques à ce qu'il pust me veoir mourir, force m'est de consentir à me le veoir ravir, tres-esloigné et incapable que je suis de pouvoir luy procurer un entretien de deux mil escus par an dans sa patrie, dont il jouït à son ayse pardelà, non [plus] que de les luy faire trouver dans le partage de mon bien, le peu de terres dont il est composé pour la meilleure partie, estant reduit par les inondations et autres inconveniens de la guerre en tel estat qu'au lieu d'en tirer ce qui me faut pour achever de vivre honestement, je suis obligé de cercher à interest de quoy fournir l'enorme taxe dont je suis chargé sur les cahiers de la province, si je ne veux me veoir executer de jour à autre. | |
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Qui n'est pas pour laisser apres moy des enfans fort accomodez de ce que j'ay pû acquerir par un travail de plus de cinquante ans de suitte. Je voy d'ailleurs ce bon garçon assez desgousté du païs natal, par la longue persecution de l'innocence de son cadet, à qui la malice des pervers ne cesse de susciter tous les jours nouveaux embaras jusques a tascher s'il estoit possible d'empescher par voye de calomnies et faussetez insupportables, qu'il ne jouïsse de l'effect de deux arrests des deux Cours prononcez en sa faveur; chose non encor veuë depuis que la justice est administrée au Païs bas; et de semblables violences trouvent de l'appuy, au dernier deplaisir et scandale des gens d'honneur. Il seroit donc question de faire munir mondit Parisien d'un passeport, et c'est de quoy je viens tres-humblement supplier V.A. Bien entendu et tousjours sous ceste reserve, si elle n'a point de consideration au contraire sur ce que ce garçon va se remettre parmi les enemis. On est si prompt à blasmer et à criminaliser ce qui sort de ma pauvre famille, et ce que j'y connois de plus pur est si sujet à calomnie et interpretation sinistre, que j'ay subjet de craindre que ce fils mesme pourroit n'en estre pas exempt, luy qui n'est nullement porté à interrompre ses contemplations innocentes d'aucune affaire hors de sa vocation, moy mesme luy ayant tousjours defendu de s'en mesler ny de me servir de gazettier de Paris, comme nous avons bien un commerce plus doux à nous entretenir. Cependant tout me faict peur, et je sçauray fort bien me garder de rien resoudre en ce qui est de ce voyage que je ne soye bien informé et en repos de ce qu'il plaira à V.A. de m'en ordonner, et attendray qu'elle vueille m'en faire la grace par la main de Zeelhem. Il semble que les sçavans en France ont voulu faire bruict d'un epithalame latin que je m'estois avisé de faire sur le mariage de V.A. dans quelqu'heure de loisir qu'un peu de goutte aux pieds m'avoit causée à mon regret. Un de leurs plus celebres poetes en a faict une traduction par ordre du Roy qui est belle et polie et approchante du sens de l'original autant que la disparité des langues l'a pu permettre avec grace, la majesté de la latine rapportant tousjours quelque chose de plus nerveux et plus troussé. Une autre version a esté faicte de ceste chetive piece en Angleterre, mais qui n'approche nullement de ladite premiere, que Zeelhem aura l'honneur de monstrer à V.A., si elle daigne jetter la veuë sur la foible productiou d'un auteur de si peu. 20 Avril 1678. |
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