Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend7034. Aan prins Willem IIIGa naar voetnoot4). (K.A.)Dès l'entrée du proces suscité au drossart de Gornichem le monde avoit esté surpris de veoir, que ceste ville estant divisée en deux partis, l'un composé d'honestes gens, et des plus considerables de la bourgeoisie, l'autre gouvernée par un peintre mutin, ambitieux, du plus bas peuple et responsable de plusieurs charges mal administrées, qui au moyen d'un assortiment de compagnie de son calibre, avoit acquis la pluralité des voix au Conseil de la ville, on n'avoit rien voulu deferer aux depositions et protestations des premiers, reïterées à diverses fois en faveur de la verité et des comportemens du drossart, fils, disoit on, d'une famille où jamais le vice n'a esté appris, mais tousjours la vertu et la connoissance des belles sciences cultivé assez exemplairement. Et qu'au contraire, on avoit embrassé tout ce qui partoit de la rage et malice | |
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des derniers, jusques à les munir d'acte d'impunité de leurs propres delicts; le tout enfin suivi d'une suspension provisionelle, decretée, comme il paroissoit, sans aucunement distinguer, si les pretendus abus avoyent esté commis par malicc, on par imprudence et à l'induction fausse et dissimulée de ceux qui s'en sont declarez les premiers delateurs et accusateurs, comme est manifeste et tres-averé. Mais autre et bien plus grand a esté l'estonnement, quand on a veu depuis, que le drossart, pour abreger et sortir d'affaire par les plus courtes voyes, ayant demandé d'estre receu en soubmission, y a esté receu; que le fiscal, sur ce deuëment ouy, y a condescendu; que la Cour en suitte animée et poussée par divers ressorts - qu'il n'importe pas de nommer - à ne rien obmettre de la derniere rigueur, s'en est si bien acquittée, qu'en effet elle a chargé le drossart d'une sentence plus griefve que personne n'en eust sceu attendre, jusqu' à M. le raedtpensionnaire Fagel, qui à diverses fois et encor devant peu de jours a dit au drossart, que la Cour avoit eu tort de le mulcter au delà des gratuitez qu'il a touchées, pour offices rendus à quelques personnes, quoyque non marchandées. Et qu'apres tout ce parti impudent de Gornichem, faisant le formalizé de ce que par la mesme sentence le drossart avoit esté restabli en ses charges, a bien eu l'audace d'en décrier la Cour et, en effet, de luy cracher au visage, par un libelle impriméGa naar voetnoot1), rempli de tant de faussetez, d'injures et de calommies atroces, qu'enfin non seulement le drossart, pour son interest, mais la Cour mesme, pour le sien, s'est trouvée obligée de s'en defendre par un grand escrit arraissonné, et adressé à l'Assemblée de Hollande, laquelle par la menée desdicts facquins de Gornichem et le secours qu'ils y ont trouvé, a esté induitte à prendre connoissance d'un procedé, où la Cour avoit agi selon les formes, et la prattique et le pouvoir qu'elle tient de son instruction, et dont elle est en possession depuis que la Republique est Republique. Que finalement, nonobstant tant de justifications, tant fondées en raison, en droict et en usance, la trame a esté si bien conduitte, que, pour comble d'informalité, par resolution de l'Assemblée la Cour a esté rudoyée et stigmatisée en termes jugez indignes et peu supportables à un corps si venerable, avec ordre au fiscal, de rentamer proces contre le drossart absolument, et à la propre intervention du fiscal restabli en charge, et ce par mandement d'appel impetré du Grand Conseil, auquel il est constant qu'en cas de sentence criminelle, où la Cour a procedé extraordinairement, il ne compete aucune connoissance ni jurisdiction. Pendant ces entrefaictes le dernier estonnement des gens d'honneur, de sçavoir et de prattique judicielle est venu à surmonter tous les premiers, comme on a appris, qu'il a esté trouvé moyen de faire commettre personne tierce à la charge du drossart, tandis que, depuis son restablissement, il n'est rien arrivé, par où il en doibve ou puisse estre frustré; anomalie et irregularité, disent ils, non concevable et hors de tout exemple, en tant qu'opposée en diametre et destruisant la sentence d'une Cour, de laquelle le gouverneur mesme | |
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de la Province est le chef, et au nom duquel tous mandemens se depeschent, et toute justice est administrée. Il ne manque pas de nos amis et enemis, qui me veulent faire conclurre, que par tant de prejugez, et nommement par ce dernier, il paroistroit qu'en somme il auroit esté conceu une telle aversion du drossart, ou peut estre de moy, qui en suis le triste pere, qu'on ne voudroit souffrir qu'il jouïst, comme faict le moindre sujet de l'Estat, de ce que la Justice luy a adjugé; ains, au contraire, que le dessein seroit de frayer ainsi le chemin à la cheute totale de ce malheureux, comme en prescrivant des maintenant au Grand Conseil à quoy on desire qu'il se determine; mais je m'obstine à ne recevoir de semblables impressions, fondé que je me tiens sur la grande bonté, justice et generosité de V.A., ne cessant d'esperer, qu'elle daigne tousjours me considerer comme un ancien domestique, qui des quatre vingts années, que je viens d'atteindre, il y a un mois, en auray tantost employé jusqu'à cinquante deux au service de sa Maison, avec une fidelité, qui, grace à Dieu, a tousjours paru sans tache ni reproche, et suis fort resolu d'y continuer de mesme, pour le peu de jours que j'ay de reste; au bout desquels, si par la grace de V.A. il m'est permis d'entrer au cercueil, sans le regret de veoir le nom de ma famille flestri, au gré des pervers, qui desjà me font insulte, de ce qu'ils me trouvent sans secours où je croyois estre en quelque droict d'en pouvoir esperer, ce seroit la consolation du monde, que je pourrois souhaitter la plus grande. Que si, au contraire, tout cela tourne à neant, et que V.A. ayt d'autres visées, en ce qui est de cest' affaire et de la disposition de ceste charge, pour en gratifier peut estre quelqu'un de ceux, qu'on a veu de longtemps pretendre à bastir sur la ruine du possesseur, je sçay bien, que c'est à mon fils, qui ne la tient que de sa pure bonté, à se soubmettre humblement à ses volontez, et se veoir patiemment defaire par qui seul l'a faict. Sur quoy nous n'avons qu'à attendre et respecter les ordres de V.A. Ce qu'il m'a semblé mieux de luy representer par escrit, et avant son retour, que de l'en importuner de bouche, qui est ce que j'evite tousjours, avec le respect que je doibs, en choses qui me concernent ou aucun des miens. 5 Octob. 1676. |
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