Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6806. S. ChiezeGa naar voetnoot3). (L.B.)aant.Bien que Messieurs les Espaignols soyent naturellement plus lentz, et de moins bonne volonté que M.rs les Anglois à payer leurs debtes; que la ou vous estes on soit desja entré en payement, et qu'il ne s'agisse plus que de quelque formalité; que Londres soit incomparablement plus beau et plus divertissant que Madrit, j'avoue pourtant, Monsieur, que vostre patience s'exerce plus fortement que la mienne, et que vous devez autant vous impatienter de vous voir à la porte de vostre maison, ou la santé et la prosperité abondent, sans y pouvoir entrer, que j'ay de quoy me consoler de me voir esloigné de la mienne qui n'auroit pour moy rien que de triste. Un fils unique mort, une mere tres infirme sont des objetz qu'on soustient mieux de loin que de pres. Ainsy, Monsieur, me voicy pour encores assez loin du cas que vous predisoit le bonhomme BarleusGa naar voetnoot4), puisque despuis six ans le ciel me tient sur le mesme degré de paternité, et qu'a mesme qu'il m'envoye du nouveau fruit, il reprend les mursGa naar voetnoot5). Je suis maintenant le pere aux deux filles, etme console sur l'exemple de M.r de Saint AnnelantGa naar voetnoot6); at quem deum? Si je vous avois creu encore à Londres dans le tems du despart de M.r de Beverning, je n'aurois pas manque de vous faire scavoir en particulier de quel terme d'oracle on s'estoit servy icy pour le congedier, mais comme ce destail estoit long, je creus que c'estoit assez pour tout le Conseil, ou je vous | |
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croyois present, de la lettre que j'en escrivis à S.A.; je ne doute pas qu'on ne vous l'ayt fait scavoir. Mais si par malheur le peu de santé de M.r de Buysero vous a laissé ignorer tout ce qui ne concernoit pas vostre negociation, je vous diray succinctement que, comme M.r de Beverning tiroit à M.rs les ministres d'icy l'espée dans les reins, leur intimant à toute heure le terme precix de son despart, les resolutions prises par ses maistres au subject de l'affaire de S.A. demandant des responses precises, et protestant de prendre leur silence pour un reffus, ces Messieurs estourdis d'une sollicitation si contraire à l'humeur de la nation, respondirent pour une derniere defaite, que S.M. venant d'apprendre par lettres du comte de Monterey, qu'il y avoit à Bruxelles des deputez de S.A. qui travailloyent sur ceste matiere avec des commissaires, qu'elle avoit nommez, ne pouvoit prendre aucune resolution fixe sur une affaire qui se traittoit en deux lieux, jusques à ce qu'elle fut informée de ce qui se seroit passé en cette conference des Pays bas. Nous eusmes beau, M.r l'ambassadeur et moy, nous rescrier sur le peu d'apparence d'un pareil advis, protestant des suittes qu'une si fausse supposition pourroit avoir, il n'en fut autre chose, sinon que M.r de Beverning partit le 13 Juillet, fort outré tantost contre le faux fuyant qu'avoyent pris ces gens icy pour se deslivrer de luy, et tantost contre les personnes qui, estans à Bruxelles de la part de S.A., n'avoyent jamais escrit icy le moindre petit mot d'advis, quoyqu'à en bien juger nous demeurassions d'accord, M.r l'ambassadeur et moy, de croire qu'il n'en estoit rien. Il y a paru dans la suitte, et le Conseil d'Estat commençant d'apprehender l'esclat que fairoit en Hollande le rapport de M.r l'ambassadeur, et le scandale d'une si meschante defaite, a voulu du despuis m'amadouer par de belles paroles, et des propositions que j'ay connu estre d'aussy meschante foy, puisque l'on s'amusoit à les fonder encor sur cette pretendue conference de Bruxelles. Et comme je venois d'apprendre par lettre de Mons.r Buysero, qu'il n'en estoit absolument rien, je fus annoncer franchement au marquis de la Fuente, mon commissaire, et à Don Diego de la Torre, secretaire d'estat, qui m'avoyent voulu exorter d'escrire à S.A. de lettres un peu adoucies, sur les protestations qu'ils me faisoient de la bonne volonté de S.M. pour la satisfaction de S.A. soit en terres, soit en tels autres moyens praticables que je voudrois proposer, je leur fus annoncer, dis je, que quelque passion que je leur eusse tesmoigné pour les convenances de cette Couronne, dont j'avois l'honneur d'estre à demy subjet, ils ne devoient pas me croire un instrument propre à tromper mon Maistre, et à le destourner de prendre pour sa satisfaction les voyes qui luy alloient estre ouvertes, reprochant en face à l'un et à l'autre la fausseté du fondement qu'ils avoyent pris pour chasser M.r l'ambassadeur, et qu'inutilement s'en servoient ils encore pour m'amuser, moy qui ne leur demandois rien, et qui [n']attendois que la fin des chaleurs pour sortir de cette cour. Il y a pres de trois semaines de cette tentative despuis laquelle ils me laissent en repos, attendant avec le flegme espaignol ce que produira le retour à la Haye et le rapport de M.r de Beverning. Il estoit party fort dans le sentiment de pousser les choses, et de ne plus mesnager ces gens icy, sur lesquelz il n'y a nul fondement à faire, pour le general ny pour le particulier, ou qu'en tout cas, accordant à S.A. de lettres de represaille, on en suspendit l'execution pour quelques mois, affin de donner à ces gens icy encor ce dernier tems de souger à eux. Mais je crains que le | |
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voisinage des troupes de la France, et le dessein qu'elles font paroîstre sur Coloigne ne rallentissent les espritz et les mouvementz de pardela. Au reste, Monsieur, bien que je vous sois tres obligé de vostre epigramme sur l'embrasement des manuscrits de l'EscurialGa naar voetnoot1), il n'auroit pas esté juste de priver l'Espaigne d'une si belle consolation. Je l'ay desja faite voir à bien de gens; l'ambassadeur de l'Empereur, l'envoyé d'Angleterre et d'autres personnes en ont voulu avoir copie; j'en ay envoyé copie aussy au coronista de D. Juan d'Autriche à Saragose, pour la faire voir à S.A., et je prettens lundy prochain afficher vostre epigramme dans la mesme biblioteque de l'Escurial, pour le soulagement, la consolation et l'honneur des bienheureux Peres, dont pas un ne s'est avisé de pleurer doctement la perte de tant de beaux ouvrages Il est vray qu'elle n'est pas si grande qu'on avoit creu, les plus considerables manuscritz ayant esté sauvez; l'alcoran et les oeuvres de S.te Terese sont les principaux incendiez. Je vous en diray toutes les particularitez à mon retour, apres avoir reveré les cendres d'un si superbe castimene, que je ne m'estois pas avisé encor d'aller visiter, semblable en cella à beaucoup de cavalliers et grands d'Espaigne, et entr'autres au connestable qui n'a veu de sa vie l'Escurial..... A Madrit, le 2e Septemb. 1671. |
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