Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6763. Aan M. de WilhemGa naar voetnoot1). (K.A.)Vous estes bien loin, mon bon nepveu, pour nous donner une adresse si incertaine pour vous faire tenir de nos nouvelles. Les enseignes des auberges ne servent point à cela; il faut trouver le comptoir de marchands affidez, pour y establir vos correspondences. Comment sçavons nous qui est le maistre de la Montagne d'or, et comment peut on fier à un estranger inconnu des pacquets, où il y pourroit avoir des lettres d'eschange, dont il est si facile d'abuser. Je suis d'ailleurs en peine, de ce que vous vous trouvez à Rome dans la saison où chascun a accoustumé de la quitter. Je ne sçay avec quelles gens vous vous advisez, mais tout cela est assez mal arraisonné à mon advis, quoy qu'en effect, n'ayant jamais passé si avant en Italie, je ne suis guere instruit des precautions dont il importe d'y user. Seulement ay-je ouy dire, que ces mois icy sont dangereux à Rome. Je ne veux pas improuver tout à faict les raisons que vous m'avez alleguées pour justifier ceste courvée. Mais je seray tousjours d'advis, que plus vous l'abregerez et mieux il vaudra, ne voyant pas, quel sera ce grand retour que vous en rapporterez, pour une despense considerable, et qui, peut estre, n'est pas vostre faict. En somme ce sera la langue, qu'il faict bon sçavoir, mais moy et mes enfans l'avons apprise pour rien et sans bouger de chez nous, et croyons en sçavoir ce qui nous faut. Pour le plaisir de voyager je ne sçaurois vous l'envier, mais apres vous estre establi icy dans de beaux commencemens d'une profession honorable, ceste saillie n'a guere pleu à pas un de vos amis, et je vous laisse penser si S.A. se pourroit fort plaire à entendre que son advocat s'est allé promener en Italie, sans dire mot, et si c'est le moyen de rentrer dans cest employ au retour. Vous estiez dans un chemin que tous les gens d'honneur ont approuvé, et de gayeté de coeur vous avez tourné le dos à tout, soubs pretexte de je ne sçay quelle indisposition, à la guerison de laquelle en tout cas, vous pouviez mieux entendre (?) icy et avec plus de seurté, que loin de chez vous et des vostres, où une maladie vous surprenant tout de bon, voyez où vous en seriez. Or j'espere que le bon Dieu vous en garentira et vous ramene en parfaicte santé, pour vous appliquer non pas tant ad jucundum qu'ad honestum et utile, comme a tousjours faict vostre bon pere, qui en effect a voyagé aussi, et loing et longtemps, mais le jucundum et l'honestum et l'utile s'y rencontroyent ensemble; sans cela les voyages ne sont que le faict de gens opulens et largement à leur aise. Ce qui ne s'estant pas trouvé en moy en ma jeunesse, il m'a esté bien force de m'en passer, et encor voyez vous à quoy je suis parvenu, en apprenant dans la patrie ce que les riches peuvent aller chercher dehors. Vostre voyage de Naples ne peut gueres | |
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durer. On n'y faict pas d'ordinaire grand sejour; ainsi en revenant vers Venise, où aussi on peut tout veoir en peu de sepmaines, comme j'ay faict, vous vous trouverez sur le chemin du logis. Je pense n'avoir que faire de vous exhorter à bien observer tout ce qu'il y a de remarquable partout. Ce doibt estre vostre dessein, et je m'asseure que c'est vostre envie, pour ne revenir pas si despourveu de connoissance, comme je voy que sont quantité de jeunes gens, qui ont esté plus soigneux de s'informer des bons vins d'Italie, que des gouvernemens des estats et des interests des princes. Si au retour à Rome, vous voulez prendre la peine d'employer quelque homme entendu à m'achepter une demie douzaine de pacquets de cordes fines de luth, la moitié blanches, et la moitié bleues, ou pavonazze, vous me ferez plaisir, et serez rembourssé promptement. Je croy que le pacquet pardelà revient à quelques quarante ou cinquante sols de nostre argent. Je serois content de payer au double, si on vouloit permettre qu'un expert les pust choisir sur le mestier, et avant qu'elles soyent formées en pacquets, pour n'estre pas sujet à en avoir des fausses. Je scay que des curieux en ont usé ainsi, et souhaitterois fort de pouvoir faire de mesme. Il vault la peine d'essayer, s'il y a moyen d'y parvenir. - Je ne sçay, si vous avez occasion d'approcher la Reine de SuedeGa naar voetnoot1). Je crois qu'elle ne haït pas l'abord des gens de nostre pais, en parlant la langue, comme sa naturelle. Si vous vous declariez mon nepveu, peut estre se souviendroit elle encor de moy, qui possede, comme vous scavez, son portraict du don de S.M.té. Elle vous dira bien, si elle a encor dessein de veoir la Hollande, comme icy on en parle parfois. Surtout je souhaitte que vous vous informiez de nostre Sig.ra Anna Bergerotti, que vous avez connu à Paris. Elle est mariée à quelque marquis, à ce qu'on dit; Dieu sçait de quel gros marquisat il est souverain. Ne manquez pas, s'il vous plaist, de la chercher, pour luy faire mes baisemains, et scavoir bien exactement en quel estat elle est, et s'il y aura moyen d'entretenir encor avec elle quelque correspondance par lettres. Cela me viendroit à poinct pour quelque commerce musical dont j'ay besoin en ce pais là. - Adieu, Mons.r mon cher nepveu, et recevez tout ce que je vous remonstre comme d'un oncle qui ne vise qu'à vostre bien, et se pourroit bien passer de ceste peine, s'il ne cherissoit, comme il fera tousjours, vos interests. Le bon Dieu vous guide en tout et partout. Je n'ay que faire de signer; vous connoissez ma main, et coeur, j'espere. A la Haye, ce 10 Juillet 1670. |
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