Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6464. Aan den keurvorst Van de PaltsGa naar voetnoot4). (K.A.).J'ay creu ne me pouvoir trop esloigner des lieux où la grande bonté de V.A.E. vient de me combler de tant de faveursGa naar voetnoot5), sans me donner l'honneur de luy rendre compte du profond ressentiment que j'en garde, et que j'en imprimeray dans les esprits de mes enfans, qui, peut estre, apres moy seront trouvé capables d'acquitter en quelque façon la debte de leur pere, au moyen de leurs tres-humbles et tres-obeïssans services, dont V.A. aura tousjours à disposer, comme dans une famille qui luy demeure acquise par toute sorte de respects. Le jour que le pauvre M. SpanheimGa naar voetnoot6) fut delivré de moy à Worms, j'arrivay à Mayence, où ayant esté obligé de me donner à connoistre à des officiers qui ont la charge de ces enquestes, et sachant en suitte que M. l'Elec- | |
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teurGa naar voetnoot1) avoit tesmoigné de vouloir bien me veoir, comme le lendemain, qui fut hier, j'estois sur le point de m'acheminer vers icy, je jugeay ne pouvoir me passer bonnement de luy faire demander audience pour un quart d'heure de compliment. Sur quoy S.A. m'envoyant promptement son carosse, elle m'accueillit avec beaucoup de douceur et de civilité, et nous nous engageames peu à peu dans le detail de tant de choses, qu'à la fin il fut question de prendre des sieges, et lors, apres m'avoir questionné amplement sur ce qui est de la conduitte dont j'ay usé au restablissement des affaires d'Orange et de l'estat où j'avois laissé la cour de France, ce Prince voulut tout de bon satisfaire à la curiosité que j'avois de sçavoir ses pensées sur le subject de nos deux guerres d'Angleterre et de Munster, dont il blasmoit les desseins esgalement, se tenant bien asseuré, dit il, que la premiere ne partoit pas des mouvemens du Roy de la Grande Bretaigne, mais qu'il s'y trouvoit emporté à contretemps et hors de saison par les folles et dangereuses instances de ses marchands, desesperez et jaloux de la prosperité d'Hollande, à quoy la noblesse se joignoit facilement par envie de mener les mains et d'avoir occasion de paroistre ce qu'elle est. Cependant, que toute la Chrestienté en souffre, ne se pouvant imaginer aucun mouvement qui luy soit plus universellement prejudiciable et mineux (?). Pour l'Evesque de MunsterGa naar voetnoot2), qu'il en avoit esté sollicité fortement pour quelque nerf de secours, mais qu'il en estoit demeuré sur le refus absolu. Qu'il luy avoit bien avoué son devoir en reconnoissance de l'ayde qu'il en avoit receue lors de l'affaire d'Erffurt, mais que pour le present il s'estoit couvert du pretexte du demeslé qu'il a avec V.A. et, au fonds, quand cestuy ci s'accommoderoit dans le jour mesme, jamais il ne presteroit un seul soldat audit Evesque, tenant son procedé tout à fait imprudent, inique et hors de propos, sans toutefois avoir pû jusques ores en penetrer entierement le dessein et le mystere. Vous pourrez bien croire, Monseigneur, que par ce chemin là nous tombasmes aysement dans celuy des differens du Wiltfang et de Ladenbourg, et que ce fut là que ce Seigneur prist l'essor pour me justifier les procedures, qu'il nomma inevitables, de luy et de ses associez. Ce deduit veritablement fut bien long, mais il le couppa, en desirant que je voulusse, en chemin faisant, me divertir à la lecture des escrits de son costé, dont il me feroit avoir des exemplaires avant partir. Cela fut faict promptement, comme V.A.E. verra, s'il luy plaist, par les deux pieces cy joinctes. J'ay de la peine à croire, Monseigneur, qu'au moins la response au Roy de SuedeGa naar voetnoot3) n'ayt desjà passé par vos mains, mais en tout cas, j'ay voulu me descharger de ce devoir, pour si, peut estre, la grande deduction n'avoit encor paru parmi ceux du Conseil de V.A. Je ne sçay si du costé de Mayence on a faict assez prudemment, en mettant au jour de si bonn' heure tout ce qu'on semble avoir à dire à son temps ou devant l'Empereur ou dans les conferences d'accommodement. C'est, diroit on, assez instruire sa partie contre quoy elle se doibt armer. Au reste il y a bien là des choses qui donneront dans la veüe au monde, mais V.A. sçaura juger si la substance en est aussi solide que la forme, et le | |
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debit en semble plausible, et ne manquera pas de beaucoup de bon debut sur plusieurs points. Pour moy, Monseigneur, quoyque je ne doibve m'ingerer aux affaires qui ne concernent pas mon entremise, et où on n'a aucunement besoin de mes sots advis, je ne sçaurois encor me desdire de l'inclination que j'ay eüe d'abord pour les moyens d'accommodement. Aussi S.A. de Mayence me declara à diverses fois, que si V.A. s'y disposoit, elle les trouveroit tout portez à se relascher en bien de choses; si elle choisissoit la voye des armes, qu'elle trouveroit à qui parler, et plus qu'il ne seroit expedient pour le bien de ses affaires et, entre autres choses, qu'elle sçavoit de bonne science que M. l'Electeur de Brandenbourg n'envoyeroit jamais appuyer d'aucun secours une cause qui luy deplaisoit, ni, peut estre, la Suede, mieux informée. Qu'il ne faisoit pas bon se roidir sur un dessein que les plus proches amis et parens ne sçauroyent gouster, mais que V.A. avoit naturellement plus de pente ad modos acquirendi qu'à ouvrir benignement la main aux occurrences raisonnables. Et à ce propos il s'emancipa de raisonner sur les entrefaictes de V.A. avec M. le Prince RupertGa naar voetnoot1), qui avoit souvent eu son secours à luy, et presentement ne cercheoit pas mieux, que d'accourir à luy en ceste occasion, comme il s'estoit bien offert en d'autres. Mais que, pour luy, jamais il ne porteroit la main à commettre deux grands Princes freres, qu'il desiroit veoir vivre en concorde fraternelle et se conserver tousjours pour amis. - Vous voyez, Monseigneur, comme je ne me retien pas d'exposer avec franchise tout ce qui m'a esté dit, sans defense de le rapporter. J'espere, que V.A. recevra cela mesme pour une marque de ma candeur et fidelité, dont elle trouvera tousjours de semblables preuves en toutes occurrences de son service, si ses commandemens ne brident le trop de liberté dont elle pourroit juger que j'use temerairement. Elle n'aura qu'à me regler, à me donner des coups de mords ou d'esperon, et sera obeïe avec tout le respect et la soumission que luy doibt ..... Francfort, 7/17 Sept. 1665. Parmi ces discours et les repliques que j'y meslay parfois M. l'Electeur de Mayence apperceut enfin que je debvois avoir eu l'honneur de veoir V.A., ce que je n'avois pas faict paroistre d'abord. |
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