Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6423. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot5). (H.A.)Apres que par ma derniere V.A. a veu comme je me suis demelé de tous les complimens publiqs en ceste cour, elle jugera bien qu'il ne me tient plus à guere de chose que je ne me mette en chemin pour le voyage d'Orange. En effect j'ay escrit vers là que je tascheray de partir dans la sepmaine prochaine, s'il est aucunement possible. Il y a deux choses qui me tienent en doute de ceste possibilité, la premiere ce sont les grandes eaux, qui ont tellement inondé les passages, d'ailleurs assez impassables par les bouës, qu'un seigneur de qualité a mis avec son carosse et huict chevaux dixhuict jours entre icy et Lion, où il n'y en a que neuf ou dix, et encor a souffert les dernieres incommoditez et hazards en chemin. Ma deuxiesme accroche, et qui pese plus, est l'envie que j'ay de vuider tout icy avec le commandeur de Gault avant que partir, et voyci desjà deux jours de suitte que M. Chieze - qui arriva dimanche passé - et VlackGa naar voetnoot6) ont esté le chercher de ma part en vain, ce grand seigneur se trouvant tousjours ou enfermé à lire son breviaire, ou apres à faire des depesches, qui empeschent les gens d'en approcher. Car aussi void on sa maison remplie de gens qui souhaittent de le veoir et solliciter, en quoy il faut le considerer comme une lune, qui se remplit par l'aspect de son soleil, M. Colbert, duquel chacun tache d'approcher, soit par la porte, ou par la fenestre. Si cependant les difficultez de veoir cedit grand seigneur se continuent, soit par hazard, ou par artifice et en quelque dessein de nous lanterner, M. de Lionne n'est que de l'autre costé de la rue et je sçauray bien y avoir mon recours. Au fonds il ne faut point doubter, que cest homme depité et desarçonné ne tasche de nous chicaner au dernier point. Mais en cela je suivray les ordres que V.A. me donne tres prudemment, et ne m'attacheray point à de petites choses, où il est question d'entrer en possession du tout. Il y a bien des jours que je n'ay veu M. de Lionne; ceux qui sont hors d'affaires n'ont pas bonne grace à tourmenter des gens de sa vocation de visi- | |
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tes superflues. Aussi m'en suis-je retenu, jusques à ce que je sceusse quel language V.A. auroit aggreable que je luy pûsse tenir touchant la reconnoissance de ses bontez. A present que V.A. vient de m'autorizer pour cela, et m'ordonne de luy dire que c'est qu'on pourroit luy offrir de bonne grace, je feray on je trouveray occasion de le veoir, et luy tesmoigneray les grands ressentimens que V.A. a de toutes les faveurs dont il nous a obligez, en le priant d'avoir aggreable qu'on pourvoye son escuirie d'un bel attellage de six ou sept beaux chevaux de carosse. Je ne sçay comme il se comportera à ceste ouverture; s'il ne s'en defend pas trop, je le prieray de me dire, quelle sorte et quel poil de bestes revienent le plus à son gout, et puis en donneray advis à V.A., qui, je croy, ne trouvera pas ce present mal sortable à un homme de sa condition; et je pense qu'en Hollande on pourra fournir quelque chose de bon, pour la somme d'environ quatre mil francs. M. Chieze a esté rendre la lettre de V.A. à Mons.r l'ambassadeur d'AngleterreGa naar voetnoot1) et aura l'honneur de rapporter à V.A., comme il ne l'a pas trouvé qu'en bonn' humeur. Pour ayder à cela j'avois un jour auparavant esté luy monstrer la lettre originelle du Roy son maistre au Parlement d'Orange dont j'ay parlé en de mes precedentes, et mesmes luy en ay laissé copie, en l'instruisant de ce qui estoit de ce traicté de la Tutele dont ladite lettre faict mention; choses si esloignées de sa connoissance, que je fus obligé de les luy apprendre dès la premiere source, de sorte qu'il ne faut pas s'estonner de ses hezitations passées, qui hormais sont bien evanouies. J'ay aussi encor assez à m'occuper icy avec nos fermiers generaulx, qui ne sont pas tousjours prompts à se conformer au traicté de la ferme, qu'ils maudissent cent fois comme rigoureux en effect, et conclu, non pas avec eux, mais avec d'autres qui leur ont cedé leurs droicts. Ainsi nous avons beaucoup à estriver ensemble. Mais enfin je ne cesse point que S.A. et son droict ne gaigne. Il me reste à scavoir ce que V.A. entend qu'on fasse de l'argent qui pourra demeurer entre mes mains, quand l'ordonnance qu'a apporté M. Chieze sera payée. V.A. me faict trop d'honneur de la satisfaction que sa bonté luy faict trouver en mes services. C'est mon debvoir de les rendre, mais ce n'est pas tout; je les rends avec ardeur et zele, et, Dieu sçait, avec fidelité et ne finiray point qu'en usant tousjours ainsi, de quoy je supplie tres-humblement V.A. de prendre une fois pour toutes une impression qui dure, et ose bien l'asseurer qu'elle ne s'y trouvera jamais trompée. Je luy rens graces tres-humbles de ce qu'elle a voulu trouver bon qu'un de mes parens m'accompagnastGa naar voetnoot2). Ce jeune nepveu, de qui la taille m'a surpris, vient d'arriver justement au moment que j'allois finir ceste lettre. Il y a eu de grands bruits à Orange, mais ce ne sont que des querelles particulieres, provenues de folies de femmes, et, ce qui est de bon, tous les bataillans papistes entre eux. Encor y a on bien osé deliberer de deputer à moy, voire au Roy mesme. Il ne se peut rien veoir de plus enragé que ce peuple là. J'en ay des mains pleines de papier, qu'il ne vault pas la peine de lire, non que d'en rompre la teste à V.A. A Paris, 6e Mars 1665. |
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