Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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6354. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot1). (H.A.)Je n'ay garde pour ceste fois d'importuner V.A. de fort longs recits, la matiere me manque et le courage. Ce terrible coup dont l'Estat, Vos Alt.s, la Maison, et tous les gens de bien vienent d'estre frappez en la saison la plus malheureuse pour tel accident, m'a tellement estourdi que je ne puis m'en ravoir. Plus j'y pense et plus j'y rencontre de desastresGa naar voetnoot2), d'inconveniens, et de facheuses suites. Dieu veuille avoir pitié de nous; peu à peu il ne nous restera que son bras, sur lequel je voy qu'il nous veut apprendre à nous fier, tout le reste n'estant que fumée et nuage incertain. Je le prie d'inspirer V.A. de ce qu'elle a besoin de constance en de si rudes secousses vers la derniere periode de ses jours, que j'espere que S.A. verra prolongez pour sa consolation d'une perte si sensible. Comme j'ay commencé à dire je me trouve hors de matiere digne de l'entretien de V.A. dans l'attente de ses ordres, sur ce qui me reste à faire ou à laisser icy. V.A. aura peut estre eu le loisir de veoir par mes dernieres quel en est le sentiment de M. Boreel, qui est homme de bon sens, et non-obstant son age d'un raisonnement tres-vigoureux. J'eus hier occasion d'en entretenir mylord Hollis, quoyqu'un peu indisposé, et le mis aucunement hors de replique en luy faisant concevoir d'un costé la honte qu'il y a pour toute la Tutele en ce que trois ans de suitte on est en queste inutile d'une justice toute notoire sur une chose de neant, et de l'autre, combien est petite l'apparence de rien obtenir de ce Roy icy du pied que l'on s'y prend, soit que son traicté s'acheve ou demeure sans conclusion, à quoy il ne faut que les deux exemples si recents de nostre Estat et de S.A.E.le qui après de beaux et de grands traictez conclus, se voyant refusez de la mesme bagatelle aussi bien que nous, à tout cela ce bon Seigneur ne scait qu'oppos[er]Ga naar voetnoot3) si non en general, que le Roy son Maistre un de ces jours sera plus consideré, et là dedans je voy q[u'il] faict des reflexions sur le succes de la guerre cont[re] nous, dont il doubte aussi peu qu'on faict à Londre[s] et mesme en tire des consequences indisputables à l'avantage de S.A. Mais moy sans m'amuser à des contemplations si profondes, et peut estre si creuses, j'insiste simplement sur mon point et demande de que[l] front il est possible que nous continuions d'estre icy dans ceste attente et moy à charge tant de l'honneur que de la boursse de mon Maistre, sans sçavoir plus que respondre, quand on me demande, quasi en se mocquant, combien d'années je pretens encore demeurer en France, et c'est là un point qui ne se peut resoudre par des petites defaictes generales et flottantes. Je touchay à cest ambassadeur un mot du discours que V.A. a veu que m'avoit tenu M.r de Lionne, sur ce que le Roy pourroit nous prier de mettre un gouverneur catholique; là dessus il repartit assez judicieusement ouy, mais premierement le Roy devroit faire la restitution absolue, et cela faict, nous faire ceste priere. Aultrc fenestre, à mon advis, à laquelle il vaudroit la peine de penser. Bref, je rapporte tout ce que je rencontre; V.A. me chargera des commandemens qu'elle trouvera | |
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justes et raisonnables. J'ay dit à l'ambassadeur que je ne les pourrois attendre que par le prochain, à cause du funeste accident arrivé, dont il tesmoigna d'estre fort touché. J'ay faict copier ces lettres d'Orange du 2 de ce moisGa naar voetnoot1) pour si V.A. pourroit avoir la patience de veoir le destail des mechancetez qui s'y font et fomentent, tant par le chasteau que par nos propres gens. Comme j'acheve d'escrire arrive celle du 5e de SauzinGa naar voetnoot2), qui m'en promet plus de particularitéz par le prochain ordinaire. Ce qu'il dit dans la mesme lettre des discours tenus entre luy, et les S.rs de Soubiras et Lubieres touchant la majorité de S.A. est notable. V.A. y pensera selon sa grande sagesse. Pour moy, je seroy d'advis, qu'il n'appartient non plus à ces Messieurs de nous declarer des majoritez que des regences et que c'est de chez la Tutele qu'ils doibvent attendre qu'on leur die quand le Prince sera en age. M.r de Lionne vient de me faire sçavoir qu'il me rendra satisfaict en ce qui est de la reforme de l'arrestGa naar voetnoot3). On me console d'Angleterre de quelques debvoirs effectifs qu'on espere de faire aupres du grand thresorier, mais quand je considere la conjuncture et comme le Roy ne cesse de charger la ville d'emprunts pour ceste malheureuse guerre, j'ay bien de la peine à m'en promettre grand' chose ..... A Paris, ce 14 Novembre 1664. |
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