Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6350. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot5). (H.A.)aant.J'ay eu l'honneur de marquer à V.A. dans ma derniere du 31me OctobreGa naar voetnoot6) les responses que M. l'ambassadeur d'Angleterre m'avoit faictes sur quelques unes de mes propositions. Il eust esté bien à propos que V.A. et Messieurs du Conseil en eussent pû estre informez avant que se resoudre sur l'advis que j'attens par le prochain ordinaire, mais cela n'ayant apparemment pû estre, il restera de veoir si V.A. trouvera necessaire de m'en dire autre chose par une depesche suivante. Apres plusieurs visites faillies j'ay enfin trouvé tant soit peu de loisir pour informer M. de Lionne des prejudices, dont S.A. se trouve chargé par le dernier arrest du Conseil d'Estat, et apres les luy avoir deduiet par ordre et aucunement bien faict comprendre, luy ay demandé s'il n'y auroit pas moyen de reformer cest arrest en sorte que le Roy y trouvast son compte, sans d'un costé nous donner un baiser et de l'autre deux ou trois soufflets, que pour faciliter cela, je pourrois moy mesme faire le project d'un arrest que peut estre on ne trouveroit pas desraisonnable. Apres plusieurs discours qu'il n'est pas necessaire de repeter icy, et qui se trouveront estenduz en mon rapport, il eut la bonté de me dire, qu'il estoit content de me faire plaisir, qu'il presenteroit ce que je minuterois au Roy et au Conseil, sans me vouloir respondre du succes, mais bien de tout le bon office qu'il y pourroit apporter. | |
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Apres cela, quoyque force monde s'empressast pour le veoir, je le portay sur le discours de l'affaire principale, et luy demanday, si à la fin on ne se lasseroit pas de detenir le bien d'orphelin, et s'il n'y avoit pas moyen d'en faire connoistre au Roy d'un costé l'injustice et de l'autre le grand tort que ceste disgrace faict à S.A. chez nous, le voyant si peu consideré et si malmené par le plus relevé des Princes ses parens, et duquel il devoit tirer le plus d'avantage et le plus beau lustre à sa Maison, etc. Il me dict que je scavoy à quoy il tenoit, que le Roy me l'avoit tant de fois expliqué en personne, que Sa Maj.té estoit portée à proteger les catholiques et pour cela desiroit qu'il y eust un homme à Orange qui en eust soin etc. Je repliquoy qu'en effect le Roy me l'avoit dit souvent, mais que je croyois que c'estoit plustost pour l'avoir dit une fois, que pour aucune bonne raison qu'il y peust trouver; car pour ce qui estoit du soin des catholiques, que le Roy pourroit en avoir en ses royaumes, mais non pas chez autruy, en tout cas qu'à Orange il y a un evesque et autres officiers d'eglise, que le Parlement et le Bureau, que le magistrat, tout y est miparti de religion, apres quoy qu'est ce qu'on pouvoit imaginer qui pourroit mesarriver aux catholiques. N'ayant rien à dire là dessus, comme je sçay qu'en son coeur il est tres-persuadé du tort qu'a son Maistre, il s'escria à la fin: Mais je ne sçay que diable que c'est que vous vous opiniastrez sur une bagatelle, et pourquoy vous refusez un grand Roy, qui vous prie de faire pour l'amour de luy une chose qui ne vous importe en rien. Je dis que je n'avoy encor jamais entendu parler de priere. Et bien, fit il, procurons que cela se propose ainsy. Je respondis, que tout cecy n'estoyent que des discours de mon chef, qui n'avoy aucun pouvoir de rien determiner sans ordre, et là dessus une dame entrant nous interrompit à mon regret, mais c'est chose à quoy on est subject en ces conversations là qui ne peuvent gueres durer. Cependant V.A. void, que si on nous ferme la porte, il s'ouvre cà et là quelque fenestre pour entrer chez nous et peust estre, si j'estoy Prince d'Orange, je me disposerois à choisir de quelques grands maux le moindre plustost que d'abandonner mon bien et mes subjects. Mais je n'ay garde de m'engager, comme V.A. void, ni en faict ni en parole à chose non comprise dans mes instructions, ayant trop bien retenu, comme il a esté entendu que je m'estois fourvoyé, quand j'avoy faict ouverture icy que pour faire voir an Roy que nous n'avions intention que de continuer à vivre en parfaicte intelligencc avec S.M., nous ordonnerions à nos gouverneurs de venir luy faire la reverence en passant avec offres et occurrences de bon voisinage entre nous et les gouverneurs de là autour. J'ai si peu d'esprit, qu'encor à present je ne puis concevoir que nous eussions à craindre de sortir d'affaire par une voye si innocente, mais le mal est, que nous n'en sommes pas dans la peine, comme on a veu qu'on n'a eu garde de nous y prendre au mot. Revenu de chez M. de Lionne je me suis appliqué à mettre premierement quelques marques en marge de l'arrest, touchant les prejudices que nous y trouvons, et puis en ay formé un à ma fantasie avec le moindre changement que j'ay pû et sans particulariser des choses assez comprises, soubz la revocation des arrests dont il s'agit, pour d'autant moins choquer M. le Tellier, comme ami de Beauregard, et M. Colbert, comme patron du commandeur de Gaut, qui font à deux le vent et la marée contre laquelle nous avons à travailler. Je me donne l'honneur d'envoyer copie de tout à V.A. comme aussi de | |
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la lettre dans laquelle j'ay envoyé ces pieces à M. de Lionne aujourdhuy matin de bonn'heure. La reparation d'une chose est plus difficile que la premiere instance de beaucoup, mais pour cela je ne puis demeurer en faute d'aucun devoir. Je passe à ces treilles pour ajouster icy, que m'estant depuis ma derniere abouché plus amplement avec M. Boreel, son discours a tendu là en somme que c'est une trop grande honte au Roy de la Grande Bretaigne, à S. Altesse Electorale, à Messieurs les Estats Generaux et à tous ceux qui se sont meslés de cette affaire d'Orange, de l'avoir veu traisner inutilement trois ans entiers de suitte, qu'il est necessaire d'en sortir du mieux qu'on peut, s'il n'y a moyen de le faire si bien qu'on voudroit, qu'en s'obstinant ric à ric contre ce Prince icy. L'experience qu'il en a, luy faict nous asseurer que jamais on n'en viendra à bout, et finalement que c'est en vain qu'on se promet des grands exploicts d'Angleterre, qui apres tout scait bien, que ce n'est pas un subject pour elle à rompre avec un Roy de France, de sorte qu'à son advis, il faudroit songer à des expediens pour r'avoir son bien le moins mal qu'il seroit possible, ou bien quitter là le tout et se retirer. Ces entretiens nous ont remis en memoire entre autres choses les vains efforts que la mesme Angleterre a autrefois employéz à la restitution du Palatinat. A Paris, ce 7e Novembre 1664. |
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