Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5798. Aan H. de LionneGa naar voetnoot2). (H.A.)Je ne sçauroy me ravoir de l'estonnement où vous m'avez mis, quand je vous ay veu soupçonner que le Roy desireroit que nous n'eussions à mettre un gouverneur à Orange qui ne fust catholiqueGa naar voetnoot3). Et certes quand je considere ce qu'on vient de faire souffrir à M. le Prince, non seulement en son chasteau, mais depuis encor aux petits bastions de sa pauvre villette, et finalement - ce qui a plus surprins le monde que tout le reste - en la destruction de ces meschans bastions de pierre qui estoyent non munimenta, mais monumenta de nostre antiquité, et comme tels servoyent de quelque foible ornement à la place, comme Mess.rs le president OppèdeGa naar voetnoot4) et le chevalier de ClairvilleGa naar voetnoot5) m'ont asseuré qu'il s'en void à toutes petites villes et bourgs de ces quartiers là, quand je considere, dis je, Monsieur, tout ce traictement inopiné et qui auroit eu un peu meilleure grace à l'encontre de quelque criminel ou soupçonné de rebellion qu'envers un jeune Prince orphelin d'Orange, qui a l'honneur d'appartenir au Roy de si pres que vous sçavez, j'ay de la peine à m'imaginer d'où c'est qu'il est possiblc que ceux qui ont occasion de donner des conseils au Roy, puissent aller trouver des raisons par lesquelles S.M. soit persuadée qu'il est ou juste, ou honorable, ou necessaire de prescrire au Prince de quelles gens il se doibt servir dans sa maison, où dorenavant il ne reste plus en effect qu'une surintendance de son Estat, de sa justice et de son domaine. Que ceste contraincte ne sçauroit estre juste, Monsieur, vous le pouvez mieux juger que personne, qui sçavez que selon la plus naturelle regle de tout le droict qui dicte que chascun est le maistre chez soy, en toutes terres enclavées dans les jurisdictions estrangeres la disposition domestique demeure tousjours franche et incontestable au Seigneur. Ainsi nous avons des terres Liegeoises au coeur de nostre Estat, mais nous n'avons garde de regler les proprietaires en ce qui est de la qualité ou condition de leurs officiers. Nous possedons Ravestein entre autres, mais on n'a jamais songé à prescrire au Duc de Newburg de mettre des officiers en sa terre d'autre religion que de la sienne. Encor, Monsieur, sçavez vous, que chez nous il y a des considerations | |
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d'Estat qui nous doibvent donner de l'inquietude au regard de tout ce qui faict profession de la religion Romaine, parce que nos anciens enemis en sont, comme en effect nous avons veu de fascheuses suittes de ceste dependance et fort souvent. Mais vous n'apprendrez pas que tout cela ayt esté capable de nous faire empieter sur les droicts domestiques de personne, ou de luy penser donner la loy chez luy. Mesmes il n'y a seigneur feodal qui songe à pouvoir regler la dedans le moindre de ses vassaux. Ainsi il est vray que S.A. mon Maistre releve le fief de la comté de Lingen de la province d'Overijssel, mais pour cela les Estats de ceste province n'oseroyent presumer de l'obliger à aucune subjection, en ce qui regarde la disposition de ses charges quand il les donneroit à Turc ou More. Aussi ne croy-je pas que le moindre gentilhomme de France se trouve limité à ce point là dans l'estendue de son patrimoine, tant s'en faut que l'on puisse attendre cela de l'incomparable sagesse du Roy à l'endroict d'un Prince estranger. Il est vray, Monsieur, que pour le regard d'Orange, environné qu'il est de tout l'Estat du Roy, les defuncts Seigneurs Princes ont tousjours eu soin d'envoyer faire la reverence au Roy par chaque gouverneur qu'ils y ont commis, pour offrir leur tres-humble service à S.M.té et luy donner à connoistre avec combien de candeur et de sincerité ils entendoyent vivre et entretenir toute bonne intelligence avec la France. Mais vous ne croirez pas, qu'il soit raisonnable que des debvoirs de civilité tendent au prejudice de celuy qui s'en acquitte, et en suitte ne sçauriez doubter que chez nous l'on ne demeure tresresolu de continuer tousjours ces mesmes respects envers le Roy. Ne venons nous pas, Monsieur, d'en donner une nouvelle preuve, quand j'ay eu ordre de remonstrer à S M., sur qui les Princes composans la Tutele de S.A. avoyent jetté les yeux pour ceste charge? Et, apres tout, y a il moyen d'y employer personne dans laquelle il concourre plus de fortes circonstances à la rendre aggreable au Roy, et comme j'ay eu l'honneur de dire à S.M.té, si cest homme estoit ou en intention ou en pouvoir de nuire à son service du costé d'Orange, a elle pas entre ses mains une caution tres-suffisante pour la mettre en repos de ses malversations? Et quand ceste caution manqueroit, le Roy, qui nous a bien trouvez dans nostre fort, nous perdroit il de veuë dans la foiblesse où il nous a reduits, et serions nous si insensez, soit forts ou foibles, que de songer à deplaire à S.M. à laquelle nous tenons par tant de liens, pour gratifier - car c'est ce qu'il semble qu'on apprehende - quelques subjects de la religion au prejudice de ceux d'un autre sentiment? Non, Monsieur, et je veux encor, s'il vous plaist, vous rememorer icy ce que vous avez eu la patience de m'entendre plusieurs fois vous dire de bouche, que deux articles des instructions de nos gouverneurs en ont tousjours esté les premiers ingrediens, l'un, qu'en cas de remuement en France, fust ce pour le suject de ceux de la religion ou autre, s'ils ne pouvoyent se conserver neutres, ils eussent tousjours à embrasser le parti du Roy à l'exclusion de qui que ce fust, l'autre que dans la principauté ils eussent à se comporter indifferemment à l'endroict des subjects de S.A. en les considerans tous comme ses enfans, et sans faire la moindre reflexion sur leurs sentimens en matiere de religion, ains au contraire en taschant de les faire tous vivre fraternellement ensemble, et de ne les porter qu'à se vaincre en fidelité et obeïssance envers leur Prince et Seigneur legitime. | |
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Aussi, Monsieur, vous puis-je bien asseurer, et mesmes, s'il vous plaist, vous le feray veoir par escrit, que dans les ordres que j'ay de m'y transporter, pour donner quelqu'ordre aux affaires du Maistre, tout cela se trouve comprins en grosses lettres, et Dieu sçait que si ainsy n'estoit, j'auroy bien eu de la repugnance pour cest employ. Ce prone est long, je l'advouë, pour un subject si clair et si raisonnable, mais comme en langue estrangere on ne s'explique que du mieux qu'on peut, j'espere, Monsieur, qu'en suitte des bontez dont vous m'avez tant voulu rendre vostre redevable, moy qui ne vous ay jamais tendu qu'à importunité, vous serez encor content de m'avoir veu produire une fois pour toutes ce que le debvoir de ma charge m'oblige de representer sur une matiere qui, non sans cause, se trouvera plus sensible au coeur de leurs Altesses que tout ce qui est arrivé jusqu'à present à ceste pauvre principauté. Soyez si bon, de grace, que d'ayder à m'y envoyer au plustost, ne fust-ce que pour me faire prevenir les grandes douleurs, qui sont fort contraires à ma complexion. Vous vous mocquerez de ce que j'ose estaller mon chetif interest apres les plus importans de mon Maistre, mais vous estes coupable de mes fautes, et n'y a liberté dont il ne semble que je puisse user, depuis que vous m'avez permis celle dont je vous supplie de me continuer tousjours l'honneur et la faveur, c'est de me dire ..... Par[is], 26e Avril 1662. Un catholique est gouverneur dans BredaGa naar voetnoot1); Orange est il bien comparable à cela? |
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