Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend2266. R. DescartesGa naar voetnoot5).Si vous n'aviez jamais dit aucun bien de moy, je n'aurois peut-estre jamais eu de familiarité avec aucun prestre de ces quartiers, car je n'en ay qu'avec deux, dont l'un est M. Bannius, de qui j'ay acquis la connoissance par l'estime qu'il avoit oüy que vous faisiez du petit traitté de musique qui est autresfois eschappé de mes mains, et l'autre est son intime amy, M. BloemertGa naar voetnoot6), que j'ay aussi connu par mesme occasion. Ce que je n'écris pas à dessein de vous en faire des reproches; car, au contraire, je les ay trouvez si braves gens, si vertueux, et si exempts des qualitez pour lesquelles j'ay coustume en ce païs d'éviter la frequentation de ceux de leur robe, que je conte leur connoissance entre les obligations que je vous ay. Mais je suis bien aise d'avoir ce pretexte, pour excuser un peu l'importunité de la priere que j'ay icy à vous faire en leur faveur. Ils desirent une grace de son Altesse, et pensent la pouvoir obtenir de sa clemence par vostre intercession. Je ne sçay point le particulier de leur affaire; mais si vous permettez à M. Bloemert de vous en entretenir, je m'assure qu'il vous l'exposera en telle sorte, que vous ne trouverez rien d'incivil en sa requeste, ny moins de prudence et de raison en ses discours, qu'il y a d'art et de beauté dans les airs que compose son amy. Et je diray seulement icy, que je croy les avoir assez frequentez, pour connoistre qu'ils ne sont pas de ces simples qui se persuadent qu'on ne peut estre bon catholique qu'en favorisant le party du Roy qu'on nomme catholique, ny de ces seditieux qui le persuadent aux simples; et qu'ils sont trop dans le bon sens et dans les maximes de la bonne morale. A quoy j'adjouste qu'ils sont icy trop accommodez et trop à leur aise, dans la mediocrité de leur condition ecclesiastique, et qu'ils cherissent trop leur liberté, pour n'estre pas bien affectionnez à l'Estat dans lequel ils vivent. Que si on leur impute à crime d'estre papistes, je veux dire de recevoir leur mission du Pape, et de le reconnaistre en mesme façon que font les catholiques de France et de tous les autres païs où il y en a, sans que cela donne de jalousie aux souverains qui y commandent, c'est un crime si commun, et si essentiel à ceux de leur profession, que je ne me sçaurois persuader | |
[pagina 511]
| |
qu'on le veüille punir à la rigueur en tous ceux qui en sont coupables; et si quelques-uns en peuvent estre exceptez, je m'assure qu'il n'y en a point qui le meritent mieux que ceux-cy, ny pour qui vous puissiez plus utilement vous employer envers son Altesse; et j'ose dire que ce seroit un grand bien pour le païs, que tous ceux de leur religion leur ressemblassent. Vous trouverez peut-estre estrange que je vous écrive de la sorte de cette affaire, principalement si vous sçavez que je le fais de mon mouvement, sans qu'ils m'en ayent requis, et nonobstant que je juge qu'ils ont plusieurs autres amis, dont ils peuvent penser que les prieres auroient plus de force envers vous que les miennes, et mesme que je sçay que l'un d'eux vous est tres-connu; mais je vous diray, qu'outre l'estime tres particuliere que je fais d'eux, et le desir que j'ay de les servir, je considere aussi en cecy mon propre interest; car il y en a en France, entre mes faiseurs d'objections, qui me reprochent la demeure de ce païs, à cause que l'exercice de ma religion n'y est pas libre; mesmes ils disent que je ne suis pas, en cela, si excusable que ceux qui portent les armes pour la deffense de cet Estat, pour ce que les interests en sont joints à ceux de la France, et que je pourrois faire partout ailleurs le mesme que je fais icy. A quoy je n'ay rien de meilleur à répondre, sinon qu'ayant icy la libre frequentation et l'amitié de quelques ecclesiastiques, je ne sens point que ma conscience y soit contrainte. Mais si ces ecclesiastiques estoient estimez coupables, je n'espere pas en trouver d'autres plus innocens en ce païs, ny dont la frequentation soit plus permise à un homme qui aime si passionnément le repos, qu'il veut éviter mesme les ombres de tout ce qui pourroit le troubler, mais qui n'est pas pour cela moins passionné pour le service de tous ceux qui luy témoignent de l'affection, et vous m'en avez desja témoigné en tant d'occasions, qu'encore que je ne pourrois rien obtenir de vous en celle-cy, je ne laisserois pas d'estre toute ma vie .....Ga naar voetnoot1). |
|