Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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2157. Aan J.L. Guez de BalzacGa naar voetnoot1). (K.A.)Quand vous m'auriez prins pour l'autheur de l'Infanticide et de la censure de voz censures, vous ne sçauriez me chastier de rien de plus cruel que le silence dont vous me persecutez il y a, ce me semble, pres de quarante ans. Pour tesmoigner ce que M. de St. SurinGa naar voetnoot2) pouvoit sur vostre esprit, vous m'avez receu comme à disner chez vous et faict gouster les premieres douceurs de vostre amitié; pour monstrer ce qu'on a perdu en les perdant, vous m'avez faict sortir avec opprobre de ce festin, où vous souffrez les honestes gens, où je me tenoy du nombre des conviez, et où j'avoy desjà la main dans un plat et l'oeil dans beaucoup d'autres. Il n'est point de Tantale qui en ayt tant souffert. Depuis cet exil vous avez sceu l'esclat de foudre qui m'a frappé, et ne vous en estes point esmeu. Vous m'avez sceu en larmes, ϰαὶ ἀϕέστηϰας μαϰρόϑεν, et avez mieux aymé faire force à vostre naturel que charité à l'affligé. Il n'est point d'Espagnol qui s'obstinast de la sorte contre un enemi d'estat. Et, s'il fault tout dire, vous avez sceu de M. d'AiguebaireGa naar voetnoot3), combien je suis esloigné d'avoir merité ces rigueurs. Enfin, Monsieur, voylà ma bile vomie. Si en mesme temps je pouvoy triompher de la melancholie, produicte en grand' partie par voz froideurs, il me resteroit un phlegme mediocre, mais capable de supporter de plus rudes injustices, et du sang suffisamment, à m'esgayer aveq vous sur des matieres moins malplaisantes. En attendant veoir quel visage vous retournerez à me faire, je viens au devant de vous aveq toute la maison que j'ay achevé de bastir à la Haye, pour vous faire veoir que, tout chassé que je suis de la vostre, il me demeure encor assez d'impression et de reverence de la premiere amitié gratuite, dont vous m'avez honoré, pour vous ouvrir la miene, et m'estimer heureux au point de n'en pouvoir souhaitter davantage, quand vous daigneriez vili succedere tecto, et prendriez la peine de venir apprendre dans nos bouës ce que valent voz collines, et dans noz marais gelez ce que vous debvez au Dieu qui vous a faict naistre sur la mousse des fontaines. C'est, Monsieur, le franc dessein de vous en convier qui me porte à vous demander la patience de contempler les pieces de ce bastiment. J'advouë, et vous n'aurez point de peine à me l'accorder, que tout ce que je vous represente ne vault qu'une cabane en France, que j'imagine comme un grand voisinage de palaiz, mais vous me permettrez de vous asseurer, que ma situation supplée aux plus grands defaults de ma structure et que, peut estre, à la Haye, qu'on repute des moins mauvaiz villages du monde, il ne s'en trouve gueres de meilleures. Ainsi, Monsieur, quand les difformitez du dedans vous desgouteront de l'appartement, que je tiens prest à vous loger, vous en trouverez le remede à la fenestre, en vous divertissant sur une illustre plaine, rebordée de deux rangs de tilieux et ceinte d'une rue de largeur magnifique qui, embellie de beaucoup de bons bastiments de mon costé, s'estend en ligne droicte à pres de 2000 pas, oû des saillies de mes galeries la flanquent et, si j'avoy des heures à perdre, m'en fourniroit la matiere en un passage infini des meilleures compagnies de la cour voisine, tant en carosse qu'à pied. Si tout cela ne vous esbransle non plus que mes calamitez, je vous supplie, Monsieur, qu'au moins vous m'accordiez la faveur de me veoir de loing en ces tableaux et que, si vous me laissez au desespoir de jouïr de vous entre mes murailles, vous m'obligiez de censurer mon architecture sur leurs ombres et de m'y marquer les faultes qui vous font horreur d'en approcher. Tout ce qu'il y a de reparable sera corrigé à vostre goust, et en un païs, où on commence à se picquer de ceste science, sans me compter, vous aurez obligé des peuples, dont il est certain que la meilleure part faict tant d'estat de vous, que voz opinions y vaudront des arrests. De mon costé j'ay esté sur le point de faire parler ces figures par une sorte de dissertation latine, où, possible, je me fusse ingeré en des remarques considerables sur le subject de l'architecture anciene et moderne, en quoy il me semble qu'il reste encor à dire, quod qui ante nos fuere, multa agentes, non peregerunt, ut quidem nulli nato post mille saecula praeclusa sit occasio aliquid adhuc adjiciendi. Mais tant d'ennemiz conjurez de mes estudes, qui sont les occupations publiques, m'en ont faict desister jusques à present. Si la campagne où nous venons d'entrer m'en donne tant soit peu de loisir, je reprendray les | |
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erres de ce que j'en avoy esbauché, et au bout de mon dessein vous feray encor arbitre de mes songes, afin que, si vous resistez à tant de semonce et que ni mon bien, ni mon mal ne vous altere, je me donne au moins le contentement de vous dire souvent, ce qui sera tousjours veritable, que je suis sans reserve ..... Au camp soubs le fort de Philippine en Flandre, 6e de Juillet 1639. |
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