Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend2141. R. DescartesGa naar voetnoot3).Vous avez un extréme pouvoir sur moy, et j'ay grande honte de ne pas faire ce que vous témoignez desirer. Mais il faut, s'il vous plaist, que vous excusiez ma desobeïssance, puisque c'est l'estime que je fais de vous qui la cause, et que vous me permettiez de vous dire que, bien que les raisons pour lesquelles vous me mandez que je dois publier mes réveries soient tresfortes pour l'interest de mes réveries mesmes, c'est à dire pour faire qu'elles soient plus aisement receuës et mieux entenduës, je n'examineray point celles que vous apportez, car vostre authorité est suffisante pour me les faire croire tres-fortes; mais je diray seulement que, les raisons qui m'ont cy-devant empesché de faire ce que vous me voulez persuader, n'estant point changées, je ne sçaurois aussi changer de resolution, sans témoigner une inconstance qui ne doit pas entrer en l'ame d'un philosophe. Et cependant je n'ay pas juré de ne permettre point que mon Monde voye le jour pendant ma vie, comme je n'ay point aussi juré de faire qu'il le voye aprés ma mort, mais que j'ay dessein, tant en cela qu'en toute autre chose, de me regler selon les occurrences, et de suivre, autant que je pourray, les conseils les plus seurs et les plus tranquilles. Et pour la mort, dont vous m'avertissez, quoyque je sçache assez qu'elle peut à chaque moment me surprendre, je me sens toutesfois encore, graces à Dieu, les dents si bonne[s] et si fortes, que je ne pense pas la devoir craindre de plus de trente ans, si ce n'est qu'elle me surprenne. Et comme on laisse les fruits sur les arbres aussi longtemps qu'ils y peuvent devenir meilleurs, nonobstant qu'on sçache bien que les vents et la gresle, et plusieurs autres hazards les peuvent perdre à chaque moment qu'ils y demeurent, ainsi je croy que mon Monde est de ces fruits qu'on doit laisser meurir sur l'arbre, et qui ne peuvent trop tard estre cueillis. Apres tout, je m'asseure que c'est plutost pour me gratifier, que vous m'invitez à le publier, que pour aucune autre occasion; car vous jugez bien que je n'aurois pas pris la peine de l'écrire, si ce n'estoit à dessein de le faire voir, et que par consequent je n'y manqueray pas, si jamais j'y trouve mon compte, et que je le puisse faire sans mettre au hazard la tranquillité dont je jouïs. C'est pourquoy, encore que cela n'arrive pas si tost, vous ne laisserez pas, s'il vous plaist, de me croire ..... (Juin 1639)Ga naar voetnoot4). |
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