Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend1793. Aan R. DescartesGa naar voetnoot8). (K.A.)Il m'est arrivé par la faveur de M. Alphonse PolottiGa naar voetnoot9) de veoir une copie vicieuse de ce qui s'est passé entre vous et le philosophe de LouvainGa naar voetnoot4), maladvisé lecteur de vostre livre. Je ne sçay si je vous pardonneray qu'il m'ayt fallu mendier ce pain d'autre main que de la vostre, mais pour à present je ne suis pas resolu d'en interrompre mon discours, qui tend à vous sig- | |
[pagina 345]
| |
nifier que, ne trouvant pas la courtoisie gratuite partout, force m'a esté de vous acheter pour vostre argent et de promettre en recompense voz Mechaniques audit S.r Pollotti, qui me les demande aveq reproche de perfidie, si j'y manque. La chose donq, comme vous voyez, est en son entier, et m'est loisible encor de vous obeïr, à la charge de passer pour fourbe. A cela ne tienne. Mais en me tesmoignant, s'il vous plaist, ce qui est de vostre inclination absolue et sans reserve, je vous supplie d'y adjouster si vous trouvez hors de propos l'ouverture que je fay, de veoir ces Mechaniques achevez de tout point, avant que leur ouvrir la carriere du monde, et ne laisser rien à dire aux sçavants, ni à souhaitter aux apprentifs de ceste jolie estude journaliere, que vous aurez illustré le premier, et sorti de l'embarassante obscurité des Italiens, qui faciunt non intelligendo, etc. Je n'entens pas vous importuner; d'abord je vous ay limité l'espace de trois fueillets; icy vous aurez celuy de trois années, s'il en est besoin; mais qu'il nous soit permis d'esperer qu'un jour vous mettrez la derniere main au traicté. Car à ne faire point de consideration de mes interests, qui sont ceux du publiq, d'autres plus importants, qui sont les vostres, me font juger qu'il ne doibt rien sortir d'imparfaict de chez vous. Mais j'attens vostre loy et tiens mon prejugé en suspens. Pardonnez moy, Monsieur, si le goust que vous m'avez donné d'encor quelques points de consideration, demeurez à vuider par faulte de place dans mes trois fueillets, m'ont esmeu cette salive et porté mon avarice à vous les demander à loisir. Peut estre que dans les trois ans que je determine, vous n'y perdrez que trois jours en somme, et vous voyez quelle minute c'est du siecle que vous avez resolu de vivre, outre que vous n'en avez pas refusé davantage à l'impertinence de Louvain, ainsi fault-il que je baptize leur foiblesse en passant. Car, sans flatterie, Monsieur, jamais la sagesse que vous avez estudiée n'a paru à plus vives enseignes, que quand vous avez commandé à vostre indignation tres-juste de confondre tant d'ignorance aveq tant de retenue. Je ne sçay si la philosophie aveugle du S.r FromondusGa naar voetnoot1) ne l'aura pas conduict au precipice d'une replique, ubi amplius poenarum exigat; mais quoy qu'il en soit, je vous supplie que la communication ne me soit desniée de ce dont vous me tiendrez pour juge competent et capable. Je suis ravi de veoir quels soufflets je meriteroy, si je m'emancipoye à vous donner la question si rude et mal fondée, et comme vous vous en ressentiriez aveq des longanimitez incomparables, mais le seray bien plus, si un jour la patience vous eschappe, et qu'éveillé à l'abboy de tant de lourds mastins, vous resoudiez à les foüetter de vostre philosophie toute accomplie, pour gaigner enfin le repos qui, tant que cela n'arrive, ne vous demeurera jamais entier. Et en effect, Monsieur, à quel propos nous cachez vous la chandelle sub modio, qui dans ces tenebres d'erreur ne cessons de nous choquer de contradictions infinies? Je dis, quand voudrez vous avoir pitié du monde esgaré? Si cela vous peut toucher, on m'escrase dans la presse des opinions; les nouveaux phaenomenes m'accablent de jour à autre. Quelle justice vous faict resoudre de vivre heureux tant d'années et de ne subvenir pas à l'indigence de vostre prochain, pour ce peu d'aage qu'il peut esperer? Voulez vous veoir le pain noir dont il se nourrit? Voyez comme il en va cercher jusque chez les moines, et apprenez à regretter, s'il vous plaist, que si vous tenez tousjours la verité en sequestre, tantost nous serons aussi heretiques que le CampanellaGa naar voetnoot2) dont je vous envoye le sommaire en cholere, et pour peine de voz rigueurs, vous condamnant, s'il vous est nouveau, à y jetter la veuë, pour me dire au moins si, en attente du flambeau de voz verités, il m'est permis de courrir un peu apres ce feu follet, et où c'est que je pourroy aboutir en ne cessant de le suivre. Enfin, pour achever de vous demander des solutions, il fault que ceste lettre se conclue, car je sens qu'il m'en naist dans la plume. Je me l'arrache donq par force, et quoyque bien ayse de vous avoir donné subject de parler, je proteste de veoir aveq honte et regret jusqu'à ma quatriesme page remplie, à vous destourner d'avec vous, qui est la meilleure compagnie du monde; mais apres Fromondus il n'y a pas d'offence considerable. Lisez-moy tousjours apres luy, s'il vous plaist, et me croyez devant tout ..... A la Haye, ce 2e de Febvr. 1638. |
|