Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend1277. R. DescartesGa naar voetnoot3).Vous m'obligés au dela de tout ce que je sçaurois exprimer, et j'admire que parmy tant d'occupations importantes, vous daigniés estendre vos soins jusques aux plus particulieres circonstances qui concernent l'impression de la DioptriqueGa naar voetnoot4). C'est un exces de courtoisie et une franchise qui vous causera peut estre plus d'importunité que vous ne craignés. Car pour payement de ce que je tascheray de suivre de point en point les instructions que vous m'avés fait la faveur de me donner touchant ces choses exterieures, j'auray l'effronterie de vous demander aussy vos corrections touchant le dedans de mes escrits avant que je les abandonne a un imprimeur, au moins si je vous puis trouver cet hyver en quelque sejour plus accessible que celuy ou vous estes, et ou j'aye moyen d'avoir audience. Trois matinées que j'ay eu l'honneur de converser avec vousGa naar voetnoot5) m'ont laissé telle impression de l'excellence de vostre esprit et de la solidité de vos jugemens, que sans rien deguiser de la verité, je ne sçache personne au reste du monde a qui je me fie tant qu'a vous, pour bien decouvrir toutes mes fautes, et vostre bienvueillance et la docilité que vous esprouverés en moy me font esperer que vous aymerés mieux que je les sçache et que je les oste, que non pas qu'elles soyent veues par le public. J'ay dessein d'ajouster les Meteores a la Dioptrique, et j'y ay travaillé assés diligemment les deux ou trois premiers mois de cet esté, a cause que j'y trouvois plusieurs difficultés que je n'avois encore jamais examinées, et que je demeslois avec plaisir. Mais il fault que je vous fasse des plaintes de mon humeur; sitost que je n'ay plus esperé d'y rien apprendre, ne restant plus qu'a les mettre au net, il m'a esté impossible d'en prendre la peine, non plus que de faire une preface que j'y veux joindre, ce qui sera cause que j'attendray encore deux ou trois mois avant que de parler au libraire. Il n'appartient qu'a vous d'avoir ensemble de la promptitude et de la patience, et de sçavoir joindre l'adresse de la main a celle de l'esprit. La distance de quatorze poulces pour l'hyperbole que vous avés pris la peine de tracer est extremement bien choisie, car c'est l'une des plus grandes qui se puisse commodement descrire sans machine, et l'une des moindres qui puisse servir pour une lunette un peu meilleure que les communes. Mais je me deffie de l'industrie du tourneur, et pour les cercles de fautes que j'apprehende, j'en ay vù autrefois l'experience en un verre taillé de cette sorte, qui ne laissoit pas de brusler avec beaucoup de force. Que si le vostre reussit, je croy qu'on en pourra faire une lunette, en y adjoustant environ a la distance d'un pied un verre concave taillé a la façon ordinaire; car vous sçavés que plus les verres s'appliquent proche de l'oeil, moins il est necessaire que leur figure soit exacte. Mais | |
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l'effect de cette lunette ne sera pas de faire lire une lettre d'une lieue; tout son mieux sera de faire paroistre les objets 15 ou 20 fois plus proches qu'ils ne seront, c'est a dire d'autant que sa longeur surpasse le diametre de nostre oeil. Au reste vostre travail d'avoir tracé vous mesme une hyperbole est bien inutile, puisque la figure circulaire est la meilleure, et il y a bien plus de raison de croyre en cecy l'authorité d'un professeur appuiée de toutes les experiences des artisans, que les imaginations d'un hermite, qui confesse ingenuement qu'il n'a jamais fait aucune espreuve de ce qu'il dit, outre que la theorie de Galilee et de Scheiner, qui apprés Kepler sont les plus celebres en cette matiereGa naar voetnoot1), ne va point au dela des sections de cercles. Et certes je m'en estonneroîs, si je n'avois vû tout de mesme de bons musiciens qui ne veulent pas encore croire que les consonances se doivent expliquer par des nombres rationaux, ce qui a esté, si je m'en souviens, l'erreur de StevinGa naar voetnoot2), qui ne laissoit pas d'estre habile en autre chose. Ainsy on voit bien plus de gens capables d'introduire dans les mathematiques les conjectures des philosophes, que de ceux qui peuvent introduire la certitude et l'evidence des demonstrations mathematiques dans des matieres de philosophie, telles que sont les sons et la lumiere. Je suis ..... D'Utrecht, ce 1 Nov. 1635. |
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