Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VI 1577-1579

Lettre DCCLXX.
Le Cardinal de Granvelle à M. de Bellefontaine. Affaires des Pays-Bas. (MS. B. B. I. p. 103).

*_** Le Cardinal avoit constamment désiré que la paix pût être maintenue ou rétablie: le 2 août il écrit à M. de Bellefontaine: ‘...Je me doubte que le Roy ne se laisse abuser d'eulx⁽¹⁾, comme du passé, tant en la relation qu'ilz luy firent des affaires, que en luy donnant vains espoirs, qu'a esté le chemin par lequel l'on n'a entretenu¹ tant d'années les vrays résolutions, dont est succédé le désespoir et rage de ceulx des Pays-d'enbas, tant contre les Espagnolz que contre les Bourguignons’ (MS. B.B.I. p. 99).

...Je voys peu d'apparence de ce que l'on disoit des emprinses sur Besençon; cela cessera, puisque Casimirus n'arme, et que la paix est faicte en France, [orde²] et honteuse pour le roy très-Chrestien et ceulx qui luy conseillent; Dieu doint qu'il ne luy couste la vie, et que pour se descharger de gens de guerre, ilz ne les jectent sur nous, pour nous plus embrouller les affaires des Pays-d'enbas, que sont aux pires termes que l'on sçauroit penser. Le Roy le 28^me d'aoust s'estoit résolu du tout à la clémence et commandoit que nullement

(1) d'culx; Roda et Sancho d'Avila.

1 tenn, suivi. Ou peut-être faut-il live ha entretenu, ce dernier mot ètant pris alors dans le sens de differé, arrèté.

2 vilaine.

[p. 204]

⁺les Espagnolz ne retornassent, veullant faire accomplir tout ce qu'estoit traicté, pourveu seullement que les Estatz observassent ce qu'ilz ont promis aux deux pointz de la religion et dehue obéissance à sa Majesté; mais ayant despuis entendu ce d'Anvers⁽¹⁾ et la reste succédée à ceste suyte, il ha changé du tout de délibération et s'est résolu aux armes, à mon advis, en bien malvaise saison⁽²⁾, et s'encheminent non seullement les Espagnols venuz des Pays-d'embas, pour y retourner, mais 3000 de ceulx de l'armée de mer, et se lèvera grand nombre d'Italiens, oultre les Allemans de cheval et de pied que s'apprestent en Allemaigne; si est-ce que le 18^me du moys passé sa Majesté disoit encoires que, si ceulx des Pays-d'embas se recougnoissent¹ et qu'ilz accomplissent les deux pointz susdits, encoires retireroit-elle les armes; et le Signeur Don Joan, voyant que de luy l'on avoit prins diffidence, désiroit que sa Majesté envoya aultre personne du sang, et peult-estre y fut allé Madame de Parme, que pour l'affection qu'elle ha aux Pays-d'embas et au service du maistre, s'estoit oufferte⁽³⁾ à y aller pour procurer

+ 1577. Octobre.

(1) ce d'Anvers. Voyez p. 112.

(2) m. saison. ‘Valde miror Hispanos, jam appetente hyeme, tanto conatu bellum moliri, sed credo ipsos metuere ne Arausius suas res per hyemem confirmet, si nihil ei facessant negotii, vel forte... suscipienda in autumno expeditio rejecta est in hyemem, ob rei pecuniariae rationes non satis explicatas: Lang. ad Sydn. p. 288.

1 repentent.

(3) offerte. Toutefois pas spontanément: ‘Rex sororem Margaritam Austriacam cum Alexandro filio in Belgium submittere decrevit... Igitur Granvellano Cardinali Romae agenti mandat ut Margaritae ad Belgas reditum persuadeat:’ Str. 555. Le Prince de Parme ne se fit pas attendre; sa mere n'arriva qu'en 1580.

[p. 205]

⁺accord entre le Signeur Don Joan et les Estatz; mais je ne sçay ce que dira maintenant sa Majesté, que les Estatz ont appellé le Prince d'Oranges et se gouvernent à sa voulonté; si Dieu l'inspiroit à bon accord, ce seroit son prouffit, se réconciliant avec sa Majesté, et se procurant, a près tant de troubles, asseuré repoz pour soy et pour les siens... 18 octobre 1577.

+ 1577. Octobre.