Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome V 1574-1577
(1838)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre DCXXVI.
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Ga naar margenoot+Monsieur le Prélat. Vous aurez entendue la bonne résolution que Monsgr le Duc d'Allençon a prise pour vous secourir contre les Espaignols, et d'aultant que je ne fai doubte, comme desjà j'en ai esté adverti par aulcuns de mes amis, que plusieurs entreront en divers discours touchant ceste venue, il m'a semblé bon de vous escrire mon advis sur ce faict, pour le communicquer où vous cognoistrez estre de besoing. C'est que, pour éviter toutes occasions de discorde qui pourroit advenir, il est de besoing d'advancer nostre conjunction, à quoi je vous prie de vouloir tenir la main, comme vous sçavez l'affaire le requérir. Davantaige, quant à la deffiance naturelle que la pluspart de nostre nation ont de la nation Françoise, puisque les affaires que nous avons à démesler avecq les Espaignols se présentent au milieu du païs, les conduisant droict vers l'ennemi, comme ils ne fauldront de le demander, nous ne serons en peine de nous tenir sur nos gardes pour nos villes de frontière; que si l'occasion s'offroit, on pour le mauvais tems d'hyver, ou pour quelques accidents de la guerre, qui est subjecte à beaucoup de révolutions, de les placer en garnisons, je ne veoi pas que, leur donnant leur garnison dedans les grandes villes du milieu du païs, comme Louvain, Malines, Tilmonde, Anguien, Nivelles et semblables, les répartissants commodément, ils nous en peult arriver aulcun inconvénient, ni qu'à bon droict quelcung en peult entrer en jalousie; comme aussi ceste nation qui demande surtout d'estre caressée et honorée, n'auroit aulcune occasion de mescontentement. Là-dessus, Monsr le Prélat, je vous dirai que, se présentant une si bonne occasion, qu'il ne la fault aulcunement laisser escouler, et pour tant il | |
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Ga naar margenoot+fault donner le plus honeste contentement au dict Seignr Duc que faire se pourra; car, si sur cest esté le Roi nous venoit sur les bras avecq une puissante armée, comme il se fault préparer, je ne cognoi aulcun Prince qui peult nous secourir que lui seul, comme aussi il n'i a Prince qui tant nous puisse nuire que le Roi de France, lequel sera empesché de ce faire, tandis qu'il i aura une bonne correspondance entre le dict Seignr Duc et nous, joinct que j'espère bien faire en sorte que plusieurs Princes et grands Seigneurs de France entretiendront une bonne amitié et intelligence avecq nous, qui servira grandement à nous fortifier de ceste part. Voilà, Monsr le Prélat, de quoi il m'a semblé bon de vous advertir, affin que vous puissiez mieux entendre mon advis et le communicquer, ainsi que verrez estre bon; qui sera l'endroict où, après vous avoir présenté mes affectionnées recommandations, je prierai Dieu, Monsr le Prélat, de vous accroistre les Siennes. A Middelbourg, ce 19me octobre 1576. A M. de Ste. Gertrude. |