Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome V 1574-1577
(1838)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre DCVI.
| |
[pagina 396]
| |
Ga naar margenoot+rement raconté ce qui leur est advenu à Niemeghen, et comme de depuis par vostre moyen ilz ont esté relaschez et receu toute courtoisie et honeste traictement; de quoy certes je n'ay voulu obmettre de vous en remerchier très affectueusement, estant seullement marry que ce temps turbulent et calamiteux ne m'octroye meilleur moyen de le recognoistre avecq toute amitié et service réciprocque, ainsi que je désireroye et que la raison le requéroit; mais, puisqu'il plaist à Dieu de punir noz péchez en ceste façon, et que les instrumens des troubles, dissensions et guerres civiles, en lieu d'estre opprimez d'un commun accord de touts gens de bien, ne font que croistre et augmenter à veue d'oeul, il le fault remectre à la providence du Seigneur, lequel conduira toutes choses à Sa gloire et à la fin destinée. Cependant je ne puis obmectre de vous dire ce mot en passant, combien que je ne fay doubte que, par la prudence et bon conseil des Seigneurs et Gouverneurs de par delà, le tout se conduira et saigement et dextrement, que ces troubles, nagaires de nouveau suscitez par les anciennes flammesches, pourront estre heureusement appaisez et le tout réduict finallement à une bonne et désirée paix. Toutesfoys aussy longtemps que, pour le respect d'une nation estrangère estant mesmement mal affectionnée à ceulx de par deçà, et tant insolente et outrecuidée, l'on conduira le gouvernal hors de son cours ancien et légitime, qui consiste en l'authorité libre des Estatz conjoincte en toute confiance et union avecq leur Prince, et que, soubz ombre de complaire au chief absent et mal informé de l'estat et des occurences, l'on vouldra supprimer la liberté du corps, il est fort à craindre que, en | |
[pagina 397]
| |
Ga naar margenoot+ieu de remède, le mal ira tousjours en augmentant, et que d'un trouble naistront continuellement plusieurs nouveaulx, lesquelz, à la parfin, et frusteront le chief de son intention, et amèneront le corps universel en totale ruyne. A quoy vous, avecq les aultres Seigneurs qui, avec le crédit et autorité, n'avés faulte de cognoissance, ny de prudence ou conseil, devez certes obvier, tant qu'en vous sera, mectant en considération la variété et inconstance des succès et fortunes de ce monde, lesquelles Dieu, qui seul selon Son bon plaisir eslève et abbaisse les hommes, conduict et faict servir à l'approbation de Sa justice, selon laquelle souvent Il venge la trop longue et indigne oppression de Son peuple par vicissitudes et changemens soudains et inespérez. Qui est cause que de tout temps ceulx qui se sont voulu longtans maintenir en estat et éviter la haine universelle du peuple et l'évident dangier de subite ruyne, conjoincte avecq ung opprobre général et gaudisserieGa naar voetnoot1 de leurs adversaires, ne se sont jamais voulu trop fier aux faveurs et prospérités de la fortune riante, ni s'adonner tellement à leur advancement particulier qu'au regard d'icelluy ilz ayent voulu, sans raison, complaire et agréer aux grands et puissans; ains cheminans franchement en toute rondeur de conscience, sans craindre aulcune male gràce, se sont proposé pour le but unique de toutes leurs actions, la gloire de Dieu et la conservation du publicq et de la societé humaine, consistant en droite justice et légitime liberté, en quoy gist le vray et droict service du Prince, veu que pour ceste dite société | |
[pagina 398]
| |
Ga naar margenoot+et conservation du publicq, tous Princes, Roys, et magistrats ont esté créés et eslevez au dégré où ils se trouvent. Que si vous aultres Messieurs d'ung commun accord, sans vous partializer les ungs contre les aultres et sans rechercer vengeances particulières, suivés ce mesme pied, je ne fay nul doubte que, par la grâce de Dieu, avecq vostre grand et perpetuel honneur et gloire, ces orages et tempestes horribles des calamitez présentes, qui ont desjà comme du tout inondée nostre pouvre patrie, ne se changent bientost en une calme douce et paisible, au moyen de laquelle Dieu pourra estre servi, le Roy honnoré, et ung chascun conservé en son droict; là où au contraire, si l'on poursuit le train encommencé, et que, soubs ombre de ne vouloir déplaire à Roy, quoyqu'il soit absent et mal informé des choses qui se passent, l'on supporte et favorise ces oultraiges, insolences et tyrannies Espaignolles, vous povez estre asseurez qu'avecq la généralle ruyne du pays vous attirerés sur vous la haine et malédiction universelle du peuple et la juste vengeance de Dieu, et encor est-il à présumer que le Roy à la parfin sentant ses finances espuisées, son patrimoine ruyné, la fleur de ses vassaux et subjectz périe, et ses forces principalles affoiblies, s'en fâchera et vouldra venger sur ceulx, lesquelz, ayants eu la maniance des affaires, l'ont si sinistrement informé, et n'ont obvié en tamps à telle ruyne par voyes et moyens l'égitimes. Ce que, pour le debvoir que j'ay à la patrie, et la bonne affection que je vous ay tousjours portée, laquelle desjà vous avez accreue par ceste nouvelle obligation de vostre courtoisie, j'ay bien voulu vous escripre, vous priant d'y avoir considération et le prendre de bonne part, car aul- | |
[pagina 399]
| |
Ga naar margenoot+trement vous povez estre asseuré que toutes les lettres ou discours que vous ferez ou envoyerés au peuple, seront sans nul fruict, aussi longtemps qu'ung chascun verra évidemment que les effects ne correspondent en rien à tant de belles promesses et parolles de ceste bénignité, douceur, et clémence, de laquelle si longtans a qu'on tasche de les entretenir; puisqu'il n'y a homme si simple lequel, voyant devant ses yeulx comment et avecq quelle extrême et intollérable insolence et cruaulté ces estrangers traittent leurs amis et confédérés en ceste guerre, ne puisse bien aisément comprendre quelle raige et fureur en doibvent attendre ceulx qui ouvertement leur ont esté partiaulx et adversaires, puis mesmes qu'à eux toutes meschancetés, desbordemens, et rebellions sont non seullement licites et impunies, mais aussi receus pour service de S.M.; et au contraire, à ceulx du pays, seullement le consulter des affaires et demander la convocation généralle des Estats, pour establir ung bon ordre et mesme soubs l'authorité du Roy pourveoir à tant de maulx, est tenu pour desservice, rebellion, et crime de lèse Majesté; chose que vous mesme, par vostre bon jugement et singulière prudence, et par l'infaillible tesmoignage de vostre conscience, voiés et cognoissés clairement ne pouvoir consister à la longue, sans qu'il attire à soy, par le juste jugement de Dieu, avecq une calamité généralle, aussi la ruine de ceulx qui s'en meslent et qui sont autheurs ou approbateurs de telz désordres et injustices. Et pour ce que je vous cognoy si saige et de si bonne discrétion, accompaignée d'une affection au bien et repos publicq, qu'il n'est besoing de grande remonstrance en vostre endroict, je finiray ce propos par mes bien affectueuses | |
[pagina 400]
| |
Ga naar margenoot+recommandations à vostre bonne grâce, priant Dieu vous donner, etc. Middelbourch, 23 août. A Monsieur de Hierges. |
|