Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome IV 1572-1574
(1837)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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Ga naar margenoot+et Stadhouder de la Frise, qui, l'envoyant à Maurice de Nassau, lui écrit le 17 janv. 1593: ‘J'ai recouvert une lettre écrite de la main de feu Monseigneur vostre père à Monsieur mon père estant interceptée des ennemis, et la trouvant digne tant pour la matière que le stil, de la renommée du dit Monsieur de très haute mémoire, je n'ay pas voullu faillir de faire part à vostre Excellence... Quel solide jugement et prudence c'a esté, vostre Excellence et les plus sages, pondérans la puissance de l'ennemy et examinant à plus près la disposition des affaires d'alors, tant du Païs-Bas que de la France en particulier et de toute l'Europe, en comparant les conjoinctures et affaires présentes avecq les événemens du temps, en pourront donner vray et souffisant tesmoignage’ (†MS.). Monsieur mon frère, le dernier jour du mois passé j'ay reçuvos lettres du 25 d'iceluy, et suis été bien marry d'entendre par icelles que, nonobstant toutes vos bonnes diligences, n'avez toutesfois sçeu entendre aulcune certitude de l'estat et disposition de Monseigneur et Duc Christophore, ny de Messieurs mes frères; et à la vérité on faict grand tort, et à vous, et à moy, de nous céler leur mort, siavant qu'il a pleu au Seigneur Dieu d'en disposer ainsy, vous voulant bien asseurer que ceste dissimulation apporte plus d'intérestGa naar voetnoot1, que de soulagement à toute la cause, et, en mon particulier, j'en reçois bien grand blasme, estimans tous ceulx qui s'en enquèrent de moy, que, pour quelque deffiance, je leur céle la vérité et, s'imaginantz cest deffiance, chacun en parle à son plaisir, tenans la pluspart par telle dissimulation les affaires du tout perdues et hors d'espoir. Je vous confesse qu'il ne m'eust sçeu venir chose à plus grand regret; si est-ce que tousjours il nous fault conformer | |
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Ga naar margenoot+à la volonté de Dieu et avoir esgard à Sa divine providence, que Celuy qui a respandu le sang de son Filz unicque, pour maintenir son Eglise, ne fera rien que ce qui redondera à l'avancement de Sa gloire et mainténement de Son Eglise, oires qu'il semble au monde chose impossible. Et combien que nous tous viendrions à mourir, et que tousGa naar voetnoot1 pauvre peuple fust massacré et chassé, il nous faut toutesfois avoir ceste assurance que Dieu n'abandonnera jamais les siens; dont voyons maintenant si mémorable exemple en la France, où, après si cruel massacre de tant de Seigneurs, Gentilshommes et autres personnes de toutes qualitez, sexe, et aage, et que chacun se proposoit la fin [et] une entière extirpation de tous ceux de la religion, et de la religion mesme, nous voyons ce néantmoings qu'ils ont de rechef la teste eslevé plus que jamaisGa naar voetnoot(1), se trouvant le Roy en plus de peines et fascheries que oncques auparavant; espérant que le Seigneur Dieu, le bras duquel ne se racourcit point, usera de Sa puissance et miséricorde envers nous. - Or, pour changer de propos et vous faire entendre l'estat et disposition des affaires de pardeçà depuis la dicte deffaicte, pouvez estre asseuré que tout le peuple de ces quartiers en a esté grandement effrayé, et de tant plus pour veoir les coeurs et couraiges de nos ennemis tellement enflés, qu'ils se délibèrent avecq toute leur puissance, laquelle facillement et parlant humainement, sans courir dangier y | |
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Ga naar margenoot+peuvent joindre, envahier tout ce pays; en quoy ils ne s'abusent du tout, car s'il y a peuple au monde qui plustost se resjouit de quelque bonne nouvelle, aussi n'y a-il son pareille qui pour quelque sinistre accident plustost est abatu, de sorte que je les voys en telles perplexité, qu'il ne sçavent que faire, ny à quel bout commencer, estimans estre du tout perduz, sans qu'ils n'y aye plus aucun moyen de secours. Il survient encoires ce malheur, que le nouveau Gouverneur, come j'entends, faict publier ung pardon bien ample, pardonnant toutes choses passées et à tous, exceptant seulement 14 ou 15 personnes; je vous laisse penser si, parmi ceste diversité d'occurrences et contrariété des affaires, il n'y aura par deçà plusieurs qui se laisseront aller à accepter ce pardon, ou pour le moins seront plus froids et rétiff à mettre l'ordre requis aux affaires; parquoy il seroit bon, pour obvier à tous inconvéniens, de penser à quelques moyens propres à les reconforter. De mon costé vous pouvez estre asseuré que je feray à cet effect le debvoir aultant qu'en moy sera, et comme j'ay fait jusques icy, prévoyant clerement que, si ce pays est une foys abandonné et remis au joug et soubz la tyrannye des Espagnols, qu'en tous autres pays la religion s'en ressentira merveilleusement, voire, en parlant humainement, sera en termes d'estre à jamais désraciné, sans qu'il en aparoistra quasi une estincelle. Les Allemans se pourroyent avecq le temps bien appercevoir du dommaige, comme aussi feront les Anglois, qui, s'attendant aux événemens et yssues de nos affaires, ont, comme ils estimoient, par grande prudence tousjours voulu temporiser, et les pouvres Franchois, qui de si franche volunté ont de rechief prins les ar- | |
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Ga naar margenoot+mesGa naar voetnoot(1) pour le faict de la religion, seront en plus grande perplexité; car advenant (que Dieu ne veuille) la perte de ce pays, faut bien craindre que le Roy de France fera nouvelle ligue avecq le Roy d'Espagne, pour tout en un coup, s'ils peuvent, extirper cette religion; et de ma part je tiens que le semblant qu'ont fait les Roys de France et de Pologne de nous favoriser et aider, soit esté pour crainteGa naar voetnoot(2) qu'ils avoient que le Duc Christophore et mes frères se fussent joincts avecq ceulx de la Religion en France, que pour aulcuns biens qu'ils nous veuillent. Et comme que ce soit, il nous fault trouver quelques moiens d'estre assisté, d'aultant qu'à la longue ne pourions subsister, ny porter si grands fraiz et dépens, qui me faict vous prier de la meilleure affection qu'il m'est possible, d'employer tout vostre entendement et vos cinq sens à y trouver quelque remède convenable, et, à mon advis, seroit le plus prompt que les Princes d'Allemaigne eussent voulu advancher une bonne somme de deniers, pour faire une juste levée, tant d'infanterie que de cavallerie, et que cependant l'on practyqua vers le Roy de France, afin que Sa Majesté soit contente d'entrer en ferme accord avecq ses subjects, leur permettant exercice libre de la religion, avecq bonne seureté, convertissant ses forces, avecq celles du Roy de Polongne et de ceulx de la Religion, contre le Roy d'Espaigne, et la levée qui se feroit en Allemagne viendroit aussy à son ayde et secours; ce qui se feroit tant plus seurement, d'aultant que le Roy | |
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Ga naar margenoot+d'Espagne ne se doubteroit que telle levée se feroit contre luy pour le service du Roy de France, et pour tant plus à cela encouraiger le Roy de France, que les Princes d'Allemaigne luy promettent, qu'accordant la religion avecq le libre exercice d'icelle à ses subjects, qu'ils feront une ligue avecq luy pour l'ayder et défendre contre et envers tous ceulx qui, pour ceste cause, le vouldroyent oultraiger et courir sus. D'aultre part il me semble qu'on pouroit bien mener ce pays si avant qu'il se mectront entièrement soubs la protection, institutions, et ordonnances du St. Empire, contribuant aultant que trois Electeurs et faisant quelcque ligue avecq les villes HanssenGa naar voetnoot1, ainsi qu'ils trouveront convenir en mettant en avant quelque autre moyen, dont vous pourrez adviser. Car je vous veulx bien confesser ouvertement que j'ai la teste tellement estourdie d'une si grande multitude d'affaires, et mesmes de regret et mélancolie, pour la perte de Monseigneur le Duc Christophle et de mes frères, lesquels je tiens asseurément mortz, que je ne sçay à grand peine ce que je faiz: et toutesfois, si la volunté du Seigneur à esté telle, nous le devons porter patiemment. - Et à ce regard, pour ne retourner à ce triste subject, je viendray à respondre à vos dictes lettres, qui consistent en trois poincts ou demandes; en premier lieu, quel cheff ou commissaire général se pourra eslire et mectre pour la gensdarmerie par delà; pour le second, quelle bestallingen et asseurance on leur vouldroit donner; et pour le troisième, par où on pourra passer avecques les gens tant de pied qu'à cheval: en satisfaction desquels poincts, je vous diray premièrement, quant à ce que touche le chieff, il est plus que | |
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Ga naar margenoot+nécessaire qu'il y ait ung pour conduire et mener les trouppes, tant Allemandes, que Françoises et Vallonnes, mais je ne cognois aulcuns, puisque nous sommes privez de ceulx sur lesquels j'avois basty tout mon fondement et tout mon espoir. Car quant à vous, oires qu'en vérité il n'y auroit personne plus propre et idoineGa naar voetnoot1, si est ce que jammais je ne vous oserois importuner, sachant fort bien qu'il n'y auroit aucune raison de mettre toute nostre Maison en hazard de se perdre, aussi est-il nécessaire qu'il y ait tousjours quelque ung par-delà qui tienne correspondence, tant avecq les Princes d'Allemaigne, qu'aultres Potentatz et villes, ce que personne ne peult mieulx faire que vous, tant pour l'entière affection que je sçay que vous avez à ceste nostre juste cause, qu'aussy pour ce qu'estes fort bien imbu de la pluspart de nos affaires, ayant mesme cognoissance de ce qui s'est traicté avecques les Roys de France et de Poulongne, la Reyne d'Angleterre, les aultres Princes et villes, et aussy sur le faict de la ligueGa naar voetnoot(1) qui est bien le principal poinct, et lequel (si avant que bien tost il se pourroit mectre en train) nous apporteroit fort grand soulagement. Je sçay qu'il y a plusieurs bons et vaillans cheffs d'armée en Allemaigne, mais celuy qui nous seroit duisableGa naar voetnoot2, fauldroit qu'il eust nostre faict à coeur et qu'il en fisse estat, comme si c'estoit son propre fäict, sans estre aulcunement addonné à son particulier; d'aultre part seroit requiz qu'il eust cognoissance de la langue Françoise, et à cela je ne trouverois personne plus idoine que le couronnel de Schwendy, mais je cognois assez que ne le pourons | |
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Ga naar margenoot+avoir; seulement je le diz par exemple, afin que puissions choisir ung approchant des qualitez du dict Schwendy, le plus près que faire ce pourra. J'en avois dénommez aulcuns à Stenzel pour vous en faire rapport, et entre autres le Conte Wolrhatt de MansfeltGa naar voetnoot(1), le Conte de BarbyGa naar voetnoot(2), le Maréchal de Hessen, George von Holl, Dietz van Schonberg, ne cognoissant pour le présent aultre. Quant aulx Princes, je ne sçay nuls qui en vouldront prendre la peine, et de tous ceulx que j'ay dénommé, n'y at aulcun qui sache la langue Franchoyse que Dietz van Schonberg, et comme je ne sçay aulcun qui nous seroit plus duisable, aussy si avant qu'il s'y vouloit employer, je ne vois occasion quelconque qui nous debvroit empêcher de l'accepter, si ce n'estoit pour ce qu'il pouroit estre en mauvais mesnage avecq Monseigneur le Conte Palatin, ou bien avecq les Contes, pour le faictGa naar voetnoot(3) de Bitsch, ou pour ce qu'il est au service du Roy d'Espaigne, ou aultre semblable raison; et toutesfois je remectz le tout à vous et aux aultres nos Seigneurs et amis, et me semble qu'il ne sera que bon d'en avoir aussy l'advis de Monsieur DathénusGa naar voetnoot(4). Il m'est venu depuis en pensée encoires ung aultre | |
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Ga naar margenoot+moyen, et c'est, puisque Monsieur le Prince de Condé, comme j'ai entendu, est arrivé à Heydelbergh, de luy faire entamer quelcque chose sur ce propos, et par ung tiers, non pas comme venant de vous, sonder s'il ne vouldroit accepter la charge de mener les gens de guerre vers ce pays, luy donnant Dietz van Schonbergh ou aultre pour lieutenant, et pour à ce tant plus inciter le dit Sr Prince, serviroit de luy alléguer combien en cela il pourroit advancher les affaires de la France: car premièrement il mectra le Roy en grande jalousie; d'aultre part estant icy, il peult à toutes heures avoir nouvelles et advis de France; il se peult beaucoup plus aisément retirer en la France, soit à la Rochelle ou aultre part, quand il verra le temps et le trouvera requiz; d'icy il peult traiter avecq les Allemands, en cas qu'il veuille faire quelque levée; s'il treuve convenir, il peult équipper navires pour le secours de ceulx de la Rochelle ou aultres de la France, en quoy, grâces à Dieu, avons de bons et grans moyens de l'ayder et assister; il obligera tout ce pays à luy faire service et secours et à ceulx de son party, si le Roy de France veult faire quelcque traicté avecq ceulx de ce pays, et veullant à nostre secours envoyer soldats et navires, il sera contraint d'y envoyer le dit Sr Prince, à cause que les Estats ne se vouldront fier à aultre qu'à luy pour le bon service qu'il leur auroit fait de leur avoir amené ce secours et forces, et ainsy aura les forces des ennemis en ses mains et sera respecté et craint du Roy, sans plusieurs aultres commodités qui luy en viendront et à ceulx de la Religion en France, comme par semblables inductions luy pourra faire entendre celuy qui luy en tiendra le propos. Qui est tout, Monsieur mon frère, ce que sur ce premier | |
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Ga naar margenoot+poinct je vous sçaurois dire. Au regard du deuxième poinct, qui touche la bestallung et asseurance, je ne vous en sçaurois dire aultre, sinon que premièrement il faut que nous entendons des gens de guerre quel asseurance ils demandent, n'estant en nostre pouvoir leur donner aultre qu'obligations des Estats, d'aultant que je me doute qu'il n'y a ville en Allemagne laquelle se vouldroit obliger pour nous, craingnant de tomber en l'indignation, ou de l'Empereur ou du Roy d'Espaigne; mais si avant que les Princes, avecq le Roy de France ou celuy de Poulogne, nous vouloyent prester leur crédyt pour trois ou quatre mois et au reste se contenter des obligations des Estats, j'estime qu'il n'y auroit difficulté quelconcque de ce costé icy. Quant à la bestallunge, il faudra regarder de la faire à notre plus grand advantaige, mais je vois peu d'apparence de la pouvoir obtenir moindre qu'estoit celle de Ernst von Mandesloo. Or puisque l'ennemy a eu tant de loysir pour s'armer, il me semble que, faisant levée seullement de trois ou quatre milles chevaulx, n'y prouffyterons guerres, puisque j'entens l'ennemy peult mettre six mille chevaulx en campaigne, en quoy me sembleroit plus expédient d'assembler les Franchoys et Walons avecq quelques pycqueniers Allemans, mille chevaulx ou bien sans chevaulx, et incontinent les faire encheminer vers Emden, pour faire l'entreprinse de Fernesum, dont par Pompejus Uffkens vous ay mandé, estant aultrement à craindre que, laissant ceulx de CarpenGa naar voetnoot(1) longuement où ils | |
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Ga naar margenoot+sont, ils ne soient enfin battus des ennemis, ou que les dicts ennemis avecq leur cavallerie leur couppent le passaige, de sorte que par après ils ne pouront gagner la mer. A ceste cause je vous ay envoyé le dit Uffkens, qui cognoit tout ce passaige, afin qu'il vous informe de tout, et seroit bon, tout aussytôt qu'aurez communicqué avecqluy, de regarder si peult-estre l'on sçauroit se saisir du dit Fernesum, ou, en cas qu'il n'y auroit pas moyen de s'emparer du dit Fernesum, qu'alors il fauldrait regarder où l'on se pouroit embarquer en toute seureté, fust ce vers Embden, vers Brémen, ou quelque autre part en ces quartiers-là; car de passer par terre icy vers nous, je n'y vois grand apparence, si l'on n'est si fort qu'on puisse tousjours livrer la bataille aux ennemis, et n'y a que ces deux voies, et n'estant le passaige par terre de ce costel de la Meuse présentement faisable pour les raisons susdits, reste seulement de choisir la voie de la mer, sur quoi il se fault nécessairement résouldre, et pour prendre ce chemin ne sera besoing de beaucoup de cavallerie, que cependant toutesfois ne pourra que bien servir de faire samblant qu'on en faict grande levée, pour amuser l'ennemi. Aussi en tout événement ne seroit que bon d'avoir tousjours quatre ou cincq mille chevaulx à la main pour s'en servir aux occasions et moyens extraordinaires que le Seigneur Dieu nous vouldroit envoyer, ou, quand il plaisroit aux Princes se résouldre de nous ayder, que alors les dits chevaulx nous viendroient fort à propos. - Quant à l'argent, les Estats, estans présentement assemblés, m'ont accordé la somme de cent et cinquante | |
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Ga naar margenoot+mille florins par mois, six mois durant, ou si longuement qu'il sera besoing, qui est, à la vérité, une belle et grande somme, et m'esbahis qu'après tant de foulles et desgâts du païs, ils le peuvent encoires trouver. Et ce néantmoings, mectant les mises en contrepoix, je treuve que venons encoires trop court de beaucoup: et estant nos mises ordinaires si grans, et que ne les pouvons éviter, ains nécessairement il nous les faut porter si voulons maintenir le pays, je voys fort peu d'apparence de pouvoir furnir à chose extraordinaire, si ne trouvons quelque ung qui nous secoure, et me souvient à ce propos de ce que aultrefois je vous ay dict, que l'on pourroit maintenir ce pays contre toutes les forces du Roy d'Espaigne l'espace de deux ans, mais qu'alors aurions nécessairement besoing d'estre secourus, oires que Dieu le peult maintenir sans aultre secours, ainsy qu'Il a faict jusques icy, mais j'en parle humainement; et comme les deux ans s'en vont de brieff expirer, il seroit plus que temps que quelcques Princes et Potentats nous eussent tendu la main; que s'il ne se treuve aulcun de ceste volunté et que par faulte de secours nous nous allions perdre, au nom de Dieu, soit! Tousjours aurons cest honneur d'avoir faict ce que nulle aultre nation n'a faict devant nous, assavoir de nous estre deffendus et maintenus, en ung si petit pays, contre si grands et horribles efforts de si puissans ennemis, sans assistance quelconque. Et quant les pouvres habitans d'icy, délaissés de tout le monde, vouldroyent toutesfois opiniastrer, ainsy qu'ils ont faict jusques à maintenant, et comme j'espère qu'ils feront encoires, et que Dieu ne nous veuille chastier et du tout perdre, il cousteroit aux Espagnols encoires la moitié | |
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Ga naar margenoot+d'Espaigne, tant en biens qu'en hommes, devant qu'ils auroient faict la fin de nous. Et afin, Monsieur mon frère, que puissiez veoir nostre despense ordinaire seullement en gens de guerre et navires, sans y comprendre les choses extraordinaires, comme artillerie, munitions, pionniers, fortifications, traictemens des Gouverneurs, messagiers, espies, commissaires, que l'on envoye deçà et delà, défroyemens au gens ès cours des Princes et aultres semblables choses, je vous feray icy ung sommier recueil des gens de guerre et batteaulx que nous avons; et premièrement avons icy en Zuythollande soixante et onze compaignies, tant Francoyses, Angloises, Escossoises, Walonnes que Flamendes; en Zeelande quatorze, en Waterlande vingt; quant aux batteaulx, nous avons en Hollande six fliesbootsGa naar voetnoot1 et vingt autres navires, tant drummelaersGa naar voetnoot2, cromstevens que hueusGa naar voetnoot3, en Zéelande onze grandes navires, six fliesboots, et trente cromstevens et heudesGa naar voetnoot3; en Waterlandt huict grandes navires, six galères, cinq fliesboots, dix boeyers, et autres appelés waterschepen, qui font en tout, y compris les galères, cent et deux batteaulx de guerre. Qui est tout ce que présentement je vous sçaurois escripre sur l'estat de nos affaires et la nécessité qu'avons d'estre aydez, espérant en brieff vous envoyer quelqu'ung qui vous pourra encoires plus particulièrement éclaircir le contenu en ceste, et cependant je vous prie encoires ung bon coup de haster, tant que pourrez, l'entreprinse de Fernesum, laquelle je voys bien advantaigeuse à nos affaires et la treuve aisée à exécuter, moyennant qu'il y eut quelques ungs connoissans un peu | |
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Ga naar margenoot+le pays, ainsi que vous ay mandé par Uffkens, comme aussi luy-même en a bonne cognoissance, et je ne sçay homme plus propre à cest effect. Qui sera l'endroict où me recommandant très affectueusement en vostre bonne grâce, je supplieray Dieu vous donner, Monsieur mon frère, en parfaicte santé, heureuse et longue vie. Escript à Dordrecht, ce 7me jour de may 1574.
VostreGa naar voetnoot1 bien bon frère à vous faire service,
Guillaume de Nassau. A Monsieur,
Aux yeux du Prince le sort de ses frères n'étoit pas douteux. ‘Il les tenoit asseurément morts’ (p. 390). Déplorable certitude après une longue et cruelle anxieté! | |
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Ga naar margenoot+nunquam sur ses drapeaux, ait eu quelquefois trop de répugnance à reculer: le plus souvent ses résolutions étoient motivées sur la conviction de son devoir, le sentiment de la bonte de sa cause, l'idée toujours présente que l'Eternel peut délivrer avec beaucoup ou avec peu de gens, et que, s'il n'est pas permis de tenter le Seigneur son Dieu, il est bon, lorsqu'on est dans la voie qu'Il nous a tracée, de s'abandonner à Lui, soit pour la vie, soit pour la mort. On n'a pas assez tenu compte de ce qu'il avoit de plus caractéristique: ‘hy was bovenal God vrezende’ (I. p. 45). Le zèle pour l'Evangile étoit le principe de ses actions. Il contribua, par la grâce de Dieu, à l'avancement du règne de Christ. Dans un Mémoire, composé longtemps après, par le Conte Jean de Nassau, nous trouvons à ce sujet les détails suivants: ‘Grave Lodewich seliger hat die Universitet zu Uranien redressirt und reformirt... Er ist anfangs der troublen der fürnembst gewesen welcher das religion-werck, so wol in den Niederländen als auch hierausser in Deutschlandt, bei etzlichen Evaugelischen stenden getrieben. Item ist er, negst Gott, der fürnembst gewesen welcher den Hern Printzen seliger in religionssachen erbauwet und so fern bracht das s. Gn. vom pabstumb abgestanden und zu unserer christlichen reformirter religion sich bekant und ergeben’ († MS). Sa vie fut courte, mais bien remplie; il fut un de ceux qui ‘par la foi se sont montrés forts dans la bataille’ (Ep. aux Hébr., 11, v. 34), et il laissa un bel exemple d'amour pour le salut des âmes, de dévouement à la cause de ceux qu'on opprime, et de ce courage qui, regardant avec calme, avec sérénité, la mort, dans les combats comme sur un lit de douleurs, ne sauroit appartenir qu'au véritable disciple de Celui qui, pour tous ceux qui croyent, a mis en évidence, par l'Evangile, la vie et l'immortalité. |
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