À la gloire de la Belgique. Anthologie de la littérature belge. Deel 1. Les écrivains d'expression française(1915)–Jan Greshoff– Auteursrecht onbekend Vorige Volgende [pagina 116] [p. 116] L'Insinuée Au fond d'un paradis séculaire et lointain, Assoupi de silence et de langueur heureuse Sa fuite bondissante et légère, A travers des flores crépusculaires M'avait amené ce matin, Lorsque, rieuse, - Le matin frissonnait dans les pâles feuillages - Elle se retourna vers moi, Et je vis son merveilleux visage Pour la première fois. C'était l'heure indécise où les songes se meurent. Des âmes s'attristaient; Mais j'ignorais ces choses. Le paradis s'ouvrait en millions de roses, Et la vie était là dans l'immortel été. Ses lèvres murmuraient, très bas, comme on expire: Viens donc, o bien-aimé, puisqu'il faut que je meure. Et ses yeux pâlis d'aube, apaisés et soumis, Se fermaient à demi. Tendant ses mains ouvertes, Ainsi que des fleurs mortes, Elle disait en un triste et doux sourire: Viens donc, o bien-aimé, puisqu'il faut que tu meures, Car on ne peut me toucher sans mourir. Et je l'étreignis sur mon âme. Et je la reposai sur mon coeur comme une flamme. Sur mes yeux clos posant ses doigts, Très doucement elle dit: vois! Et j'entendis ses ailes bruire. C'était l'heure ineffable où les songes expirent. Et l'air fut plein d'une splendeur profonde [pagina 117] [p. 117] Baignée de rayons, Et comme un jeu de feu, Nue en ses longs cheveux, Rose, bleue et blonde. Elle fut et disparut Dans le matin, Comme un jet d'eau qui retombe soudain Et devient le silence; Evanouie en semblances légères De poussières de fleurs, de lumières, D'écumes dans le vent. Elle était morte sur mes lèvres comme un chant. O solitude calme, et vous jardins immenses, Encore tout fleuris de sa brève présence; Paradis enchanté d'un illusoire amour, Dont j'ai touché le seuil et où je viens mourir, Je n'effleurerai pas vos apparences frêles, Car vous êtes sans doute aussi fragiles qu'elles; Vous êtes fragiles comme des songes. En vous mon âme est exaucée. Je ne veux que vous voir et vous sourire ici Du fond de ma pensée, De peur que je ne vous perde aussi. Elle est en vous, je suis en elle, et je repose Parmi des ailes, parmi des roses. Il est doux, et c'est chose heureuse, De poursuivre dans le matin, Le bonheur et la vie rieuse; Car alors, pauvre coeur, tôt déçu, Toute ombre est légère, tout console: Les chants, les rayons, les fleurs du chemin, L'oiseau qui vole, [pagina 118] [p. 118] La rive et le nuage, et le ciel ingénu, L'aurore, Tout console de vivre encore. Vorige Volgende