À la gloire de la Belgique. Anthologie de la littérature belge. Deel 1. Les écrivains d'expression française(1915)–Jan Greshoff– Auteursrecht onbekend Vorige Volgende [pagina 65] [p. 65] Épilogue du livre ‘Les plaines’ O! les heures du soir sous ces climats légers, La lumière en est belle et la lune y est douce, Et l'ombre souple et claire y répand sur les mousses Les mobiles dessins d'un feuillage étranger. Oliviers d'Aragon, figuiers de Catalogne, Hameaux calmes et blancs sur vos ruisseaux penchés, Derniers rayons frôlant les toits et les clochers Où s'arrêtait le vol replié des cigognes. Chansons de muletiers en des cabarets roux, Et vous, femmes, dont la démarche était hautaine, Quand vous montiez, la jarre au flanc, vers les fontaines, Que de fois ma mémoire a reflué vers vous! Mais je suis né là-bas, dans les brumes de Flandre, En un petit village où des murs goudronnés Abritent des marins pauvres mais obstinés, Sous des cieux d'ouragan, de fumée et de cendre. Les marais noirs, les bois mornes, et les champs nus, Et novembre grisâtre et ses cheveux de pluie, Et les aurores d'encre et les couchants de suie, Ma brève enfance, hélas! les a trop bien connus. Toujours l'énorme Escaut roula dans ma pensée. L'hiver, quand ses glaçons où se miraient les astres Craquaient et charriaient leurs blocs vers les désastres, J'étais heureux et fort d'une joie angoissée. L'été, les bateaux lourds qui trouaient les lointains Vibraient moins de leurs mâts où flottaient des emblèmes, Que mon coeur exalté ne vibrait en moi-même Pour quelque lutte intense et quelque grand destin. [pagina 66] [p. 66] Les mobiles brouillards et les volants nuages, De leurs gestes puissants m'ont ainsi baptisé, Et mon corps tout entier s'est comme organisé Pour vivre ardent, sous leur tumulte et leurs orages. O vous, les pays d'or et de douce splendeur! Si vos bois, vos vallons, vos plaines et vos grèves Tentent parfois encor mes désirs et mes rêves, C'est la Flandre pourtant qui retient tout mon coeur. L'amour dont j'ai brulé fut conçu pour ses femmes; Son ciel hostile et violent m'a seul doté De sourde résistance et d'âpre volonté Et du rugueux orgueil dont est faite mon âme. Mon pays tout entier vit et pense en mon corps; Il absorbe ma force en sa force profonde, Pour que je sente mieux à travers lui le monde Et célèbre la terre avec un chant plus fort. Vorige Volgende