Dissertation sur la question s'il est permis d'avoir en sa possession des esclaves, et de s'en servir comme tels, dans les colonies de l'Amerique
(1770)–Philip Fermin– Auteursrechtvrij
[Folio *2r]
| |
Messieurs,
Aprés avoir publié, l'année derniere, ma DESCRIPTION DE SURINAM, differentes affaires particulieres, qui m'intéressoient d'avantage, m'ont empêché, pendant longtems, de m'occuper d'un article, concernant cet Ouvrage, que j'ai trouvé inféré dans la Gazette Litteraire de L'Europe, Juillet 1769. Tome xxxii. No 7. & ce n'est que depuis mon retour de | |
[Folio *2v]
| |
Berlin, il y a six mois, que je me suis vu affez de loisir pour remercier le Journaliste des éloges qu'il me prodigue, & pour répondre à la Critique qu'il fait du seul Chap. xi. de mon prémièr Tome, qui lui a paru contenir un Panégyrique odieux de la servitude. La défense légitime de mon honneur, & la justice de ma cause, m'invitent donc également à remettre ici sur le tapis, la fameuse Question? s'il est permi d'avoir en sa possession des Esclaves, & de s'en servir comme tels dans les COLONIES DE L'AMERIQUE.
Je crois entendre déja mon Censeur s'écrier encore, que cette nouvelle Dissertation n'est pas plus propre que la premiere, à me recommander auprés des amis de l'humanité; Mais s'il en connoissoit bien les droits lui même, s'il vouloit apprendre aux autres a les respecter mieux; enfin, s'il craignoit de s'exposer à donner une mauvaise idée, non seulement de l'élévation de son Ame & de la noblesse de ses sentimens; mais aussi de la bonté de son esprit, & de la solidité de son jugement, devoit-il ajouter ‘qu'il faut être, en effet, descendu de la race proscrite de CHAM pour soutenir une opinion aussi | |
[Folio *3r]
| |
contraire aux principes d'une saine philosophie & de la raison?’ Les Ecrivains qui sont si ardens à chasser aprés les jeux de mots & les pointes, s'écartent souvent de ces mêmes principes, & tombent dans les extrémités opposées.
En effet, cette ridicule faillie manque de justesse autant que d'humanité, & implique une contradiction manifeste; car, si j'étois descendu de la race proscrite des Esclaves, comment serois-je le panégyriste de l'esclavage & de la tyrannie? D'un aurtre côté, si je ne suis pas né Négre, ou que le Journaliste ne puisse le prouver, il me fait un outrage, en m'attribuant une origine si odieuse à ses propres yeux; mais laissone-le appliquer l'Emplâtre que sa bonté compatissante vient offrir à la playe qu'il m'a portée lui-même. Le Chap.xiii (dit-il, trois pages plus bas) contient des reflexions sur la ‘maniere de bien gouverner les Esclaves, trés importantes pour ceux qui sont chargés de cet emploi, des maximes d'humanité trés sages & capables de faire oublier que l'auteur a défendu la cause de l'esclavage & de la tyrannie.’ | |
[Folio *3v]
| |
Aprés cette réparation, il est bien juste que j'oublie aussi l'injure de ce Journaliste, pour ne m'attacher qu'à éclaircir le mal-entendu qui me l'a attirée, &, s'il se peut, lui faire reconnoître la bonté de la cause que j'ai entrepris de défendre.
J'ai soutenu, & je soutiens encore, que l'on peut licitement avoir des Esclaves, & qui cette possession n'est contraire ni à la Loi Naturelle, ni même à la Loi de l'Evangile.
C'est donc en vertu de mon assertion que j'ose hazarder de mettre une seconde fois la main à la plume, dans la vue de combattre l'oppinion opposée. Ce point vous interesse trop MESSIEURS, pour que je n'y emploie pas toutes mes facultés; mais asin de le faire avec ordre, il sera nécessaire 1o de comparer l'homme sauvage, errant au gré de ses besoins pour les satisfaire, avec l'homme en société, abandonnant l'usage de la force pour y substituer les loix, la police & la concorde, en observant les différence qu'ont fait naitre les institutions humaines. 2o De mettre ensuite en porblême, s'il est permis d'avoir en sa possession des Esclaves, & de les retenir dans la servitude. 3o De démontrer la légi- | |
[Folio *4r]
| |
timité de leur achat sure les côtes d' Afrique, pour les transporter dans les Colonies. 4o De prouver que leur sort y devient infiniment plus heureux qu'ii ne l'est dans leur propre Patrie. 5o De tirer quelques conséquences relatives à la question proposée, & 6o de donner, enfin, des avis sur la maniere de bien traiter ce Peuple Esclave ‘puis-qu'il fait la source de vôtre bonheur & de vôtre prospérité.’
Tel est le plan que je me suis tracé, en réduisant ces six propositions en autant de Chapitres. Puissent mes voeux, MESSIEURS, répondre à mon attente, & contribuer à vous rendre tous aussi heureux que je vous le souhaite du fond de mon Ame?
J'ai l'honneur d'être avec de dévouement le plus parfait,
MESSIEURS,
Votre très humble & très affectionné Serviteur Maestricht le 20.May 1770
PH. FERMIN. |
|