E. du Perron
aan
Julia Duboux
Brussel, 12 september 1924
Brux. 12 Sept. le matin,
Votre lettre vient de m'arriver, my only dear, ce qui est certain c'est qu'il nous faut absolument nous revoir, nous parler. Rien de change en nous j'en suis sûr, beaucoup changé autour de nous depuis la douceur Kandersteg - Monte Brè. Je vous écris en toute vitesse, toujours; pardonnez-moi. Ce télégramme que j'ai reçu au déjeûner: ‘Maman attaques sérieuses; viens immédiatement’, - mon départ absolument imprévu 3 heures plus tard, un voyage de 18 heures, l'arrivée ici, et l'angoisse des derniers moments (car quoiqu'on puisse me reprocher, j'aime beaucoup ma mère); puis - à la gare: Alice souriante, sous un chapeau coquet, me disant: Votre mère est guérie! - je vous assure qu'il y avait assez d'émotion - même de colère - dans tout cela. Je vous expliquerai plus tard, quand je serai près de vous. Oh, Ma Dame, vous ne supposiez point, n'est-ce pas, que votre petit chevalier allait vous abandonner ainsi? En ce moment, ma mère est ‘retapée’, tranquillisée, tout ce qu'il y a de bien; ce matin je lui ai parlé d'un prochain départ: vers Vous, s'entend. Encore quelques jours, Eucharys mia. Aimez moi; je vous aime; n'aimez que moi; je n'aime que vous. C'est clair? logique? si vous préférez. Pas un moment je ne cesse d'être à vous. Pendant ce voyage pénible, une fois de plus, j'ai eu la certitude que dans des moments graves votre présence changerait tout pour moi. Je n'avais besoin que de vous; vous êtes ce que j'ai (?) de plus cher, d'unique; c'est tout
simple.
Vous me reverrez le 20 - il le faut. Je viens de Brux. mais pour tout le monde, n'est-ce pas? j'arriverai toujours de Lugano: Kurhaus M. Brè, n'est-ce pas? Je vous écrirai encore, brièvement, les choses nécessaires. Tout le reste (comme si c'était peu!) nous nous le dirons. Je ne vois plus d'autre moyen. Ecrire m'est devenu insupportable.
J'ai attendu votre lettre ici, parce que j'avais presque peur. Je voulais savoir d'abord ce qui était arrivé; vous paraissiez craindre quelque chose. Je suis un peu rassuré maintenant. J'ai mille choses à vous dire; presque rien à écrire. Vous me comprenez, ma grande amie chérie? vous ne doutez pas de moi? je le crains parfois, parce que je vous aime. Il faut que notre confiance - surtout maintenant - soit inébranlable. Julia, Eucharys, Pensierosa, je me rends si bien compte de votre situation, si vous saviez; je vous suis tout dévoué, et je vous demande pardon, - vous savez pourquoi. Si je suis calme, c'est sans égoisme; seulement par nécessité. Vous aussi, chérie, soyez calme. Nous nous reverrons. Ecrivez-moi encore une fois ici, car peut-être partirai-je déjà le 16 (je vais par Paris); moi je vous tiendrai au courant. Au revoir; je vous embrasse longuement, tendrement, éperdument: comme sur la carte: ‘Il Bacio’.
Vôtre.
Origineel: Den Haag, Letterkundig Museum