Evelyn Blackett
aan
E. du Perron
Oxford, 9 november 1929
Mardi 9 novembre 1929.
9.30 pm.
Dear. -
Il y a dix minutes je suis rentrée. Les dieux ont bien arrangé les choses pour que je ne me trouve pas chez vous ce soir. Un de ces jours je vous serrerai encore une fois la main. J'espèrerai que tout se sera bien arrangé et que les semaines ou les mois ou les années n'auront fait qu'ajouter à votre sagesse. Pauvre cher jeune homme d'avant ‘24! Il semble avoir eu pas mal d'idéals, une certaine noblesse d'âme très belle. Ils sont disparus à peu près tous, ces idéals, n'est-ce pas, cher homme - ce n'est pas impossible qu'ils reviennent. -
Pour moi, il n'y a que le travail - c'est-à-dire un effort continuel pour comprendre - tout - pour qu'à la fin je saurai que j'ai fait ce que j'ai pu pour dénicher le bonheur absolu. Sans cet effort continuel j'aurai peut-être - en ce moment-là l'impression d'avoir manqué faute d'assez de rechercher. -
Tout va bien jusque là. Je suis philosophe - et il faut que je sois assez raisonnable. Les liens, vous savez...
Cet après-midi, j'ai voulu me ressaisir - et les circonstances sont concourru à cela. Des nouvelles du Fellowship: avec un peu de chance je l'aurai. Je vous dirai comment cela marchera. -
Je vais faire du vieux français. Suzette lit Claudel - et toute à l'heure elle a pleuré. Ne me demande si sa jeune enthousiasme à elle va se métamorphoser en une crise de foi ... Dieux, elle - aussi? - J'ai besoin d'être - pratique.
Partez - et écrivez-moi. Je vous remercie d'avoir compris d'une façon si magnifique. J'ai besoin de vous - et j'ai l'impression que peut-être moi je pourrais vous faire quelque bien. -
Lorsque l'épreuve de novembre sera bien passée. - Ne disparaissez pas.
Eveline.
Envoyez-moi une addresse - pour que je fasse suivre le Maugham. -
Origineel: Den Haag, Letterkundig Museum