E. du Perron
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C.E.A. Petrucci
Pisa, 24 april 1922
Les petits flots de l'Arno se cassent,
les petits flots de l'Arno parlent,
la fleuve jaune continue toujours....
Je voudrais parler (dire) tant de choses
mais quelquechose -en moi- semble cassé (se casser),
je regarde; je regarde et ne dis pas un mot.
Je regarde l'eau profond et jaune
qui semble trouble [ou troublé]; mais un éclat aigu
jaillit (grimpe?/s'élève) et flotte sur le vent du soir -
Ha! ha! ha! ha! - très haut; ricane:
Mon amour est celui d'un enfant!
L'amour vide d'un enfant!
Les brins (d'herbe) près de l'Arno frémissent,
les brins près de l'Arno tremblent,
Et quelquechose - en moi - semble trembler,
semble frémir dans le vent du soir,
est vert comme l'herbe, et gelé et fragile.
Regarde cette herbe, ça penche de plus en plus bas:
et penser que ce poulet aime! -
Hi! hi! hi! hi! - qu'y a-t-il de plus vague
que l'amour frêle (?) d'un enfant?
[ijl est comme sont les airs au-dessus de ceux que nous respirons; donc
Je demande: quoi de plus vague,
comme l'amour vert d'un enfant?
[Vert, pas accompli, comme un fruit à l'arbre qui n'est pas encore mûr. A-t-on en français la
même signification du mot? Je crois que oui.]
Les petites nuages au-dessus de l'Arno flottent,
les petites nuages au-dessus de l'Arno tremblent,
changent, se déchirent et périssent....
C'est le froid du soir qu me fait trembler
et c'est le brouillard qui vient flotter devant mes yeux:
ce n'est pas la bêtise d'une larme!
Regarde les petites nuages qui glissent, -
[glijden = glisser; mais verglijden est glisser et disparaître: glisser dans le néant.]
ce qui est sans forme ne peut pas lutter, -
pas une, pas une qui trouve (qui prend) une forme!
Ho! ho! ho! ho! - il s'imagine de souffrir
ce petit enfant ridiculement (sottement) amoureux! -
comme des petites nuages dans le vent du soir.....
Ce n'est que l'amour d'un_enfant.
Ma chère Clairette,
pardonnez-moi ces vers, inspirés par l'Arno sous ma fenêtre (de chambre d'hôtel!) Je les dédierais à madame Petrucci, si j'aurai le courage de les poser devant elle. N'oubliez pas de m'écrire comment ils vous ont déplu - ou plu, si c'est possible; et ayez la force de déchirer la traduction, cette fois-ci: elle est ridicule et ridiculise mes vers. Je vous assure que je ne ferai ces traductions écrites pour personne d'autre que pour vous. Mais comme vous en avez besoin et que je ne suis plus là..... Adieu, Clairette; j'ai vu Pise et toujours, toujours vous. Je suis bien ridicule, mais qu'espérez-vous d'un enfant? - à peine des vers. Je ne sais pas trop bien pourquoi j'ai ce ‘drôle d'impression’ comme vous dites, mais ça me fait de la peine. Je vous aime et si vous ne m'aimez pas croyez-moi en tout cas au moins aussi sincère que chaque autre. Pardon.
Eddy.
Origineel: particuliere collectie