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XXVIII
En ce temps-là le duc, divisant son armée en deux corps, fit marcher l'un vers le
duché de Luxembourg, & l'autre vers le marquisat de Namur.
- C'est, dit Ulenspiegel, quelque militaire résolution à moi inconnue; ce m'est
tout un, allons vers Maestricht avec confiance.
Comme ils longeaient la Meuse près de la ville, Lamme vit Ulenspiegel regarder
attentivement tous les bateaux qui voguaient sur le fleuve & s'arrêter
devant l'un d'eux portant une sirène à la proue. Et cette sirène tenait un
écusson où était marqué en lettres d'or sur fond de sable le signe J-H-S, qui
est celui de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Ulenspiegel fit signe à Lamme de s'arrêter & se mit à chanter comme
alouette joyeusement.
Un homme vint sur le bateau, chanta comme le coq, puis, sur un signe
d'Ulenspiegel, qui brayait comme un âne & lui montrait le populaire
assemblé sur le quai, se mit à braire comme un âne terriblement. Les deux
baudets d'Ulenspiegel & de Lamme couchèrent les oreilles &
chantèrent leur chanson de nature.
Des femmes passaient, des hommes aussi montant des chevaux de halage, &
Ulenspiegel dit à Lamme:
- Ce batelier se gausse de nous & de nos montures. Si nous l'allions
attaquer sur son bateau?
- Qu'il vienne ici plutôt, répondit Lamme.
Une femme alors parla & dit:
- Si vous ne voulez revenir les bras coupés, les reins cassés, le mufle enpièces,
laissez braire à l'aise ce Stercke Pier.
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- Hi han! hi han! hi han! faisait le batelier.
- Laissez-le chanter, dit la commère, nous l'avons vu l'autre jour lever sur les
épaules une charrette chargée de lourds tonneaux de bière, & arrêter une
autre charrette traînée par un vigoureux cheval. Là, dit-elle en montrant
l'auberge de la Blauwe-Torren, la Tour
Bleue, il a percé de son couteau, lancé à vingt pas, une planche de chêne
de douze pouces d'épaisseur.
- Hi han! hi han! hi han! faisait le batelier, tandis qu'un garçonnet de douze
ans montait sur le pont du bateau & se mettait à braire pareillement.
Ulenspiegel répondit:
- Il ne nous chault de ton Pierre le Fort! Si Stercke Pier qu'il soit, nous le
sommes plus que lui, & voilà mon ami Lamme qui en mangerait deux de sa
taille sans hoqueter.
- Que dis-tu, mon fils? demanda Lamme.
- Ce qui est, répondit Ulenspiegel; ne me contredis point par modestie. Oui,
bonnes gens, commères & manouvriers, tantôt vous le verrez besogner des
bras & réduire à néant ce fameux Stercke Pier.
- Tais-toi, dit Lamme.
- Ta force est connue, répondit Ulenspiegel, tu ne la pourrais cacher.
- Hi han! faisait le batelier, hi han! faisait le garçonnet.
Soudain Ulenspiegel chanta de nouveau comme une alouette bien mélodieusement. Et
les hommes, les femmes & manouvriers, ravis d'aise, lui demandaient où
il avait appris ce divin sifflement.
- En paradis, d'où je viens tout droit, répondit Ulenspiegel.
Puis, parlant à l'homme qui ne cessait de braire & de le montrer du doigt
par moquerie:
- Pourquoi restes-tu là, vaurien, sur ton bateau? N'oses-tu point venir à terre
te gausser de nous & de nos montures?
- Ne l'oses-tu point? disait Lamme.
- Hi han! hi han! faisait le batelier. Messires baudets baudoyant, montez sur mon
bateau.
- Fais comme moi, dit tout bas Ulenspiegel à Lamme.
Et parlant au batelier:
- Si tu es le Stercke Pier, moi je suis Thyl Ulenspiegel. Et ces deux-ci sont nos
ânes Jef & Jan, qui savent mieux braire que toi, car c'est leur parler
naturel. Quant à monter sur tes planches mal jointes, nous ne le voudrions
point. Ton bateau est comme une cuvelle, chaque fois qu'une | |
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vague
le pousse il recule, & il ne saurait marcher que comme les crabes, de
côté.
- Oui, comme les crabes! disait Lamme.
Le batelier alors parlant à Lamme:
- Que marmounes-tu là entre les dents, bloc de lard?
Lamme, entrant en rage, dit:
- Mauvais chrétien, qui me reproches mon infirmité, sache que mon lard est à moi
& provient de ma bonne nourriture, tandis que toi, vieux clou rouillé,
tu ne vécus que de vieux harengs saurs, de mêches de chandelles, de peaux de
stockfisch, à en juger par ta viande maigre, que l'on voit passer à travers les
trous de ton haut-de-chausses.
- Ils vont s'entrecogner raidement, disaient les hommes, femmes &
manouvriers, réjouis & curieux.
- Hi han! hi han! faisait le batelier.
Lamme voulut descendre de son baudet pour ramasser des pierres & les
jeter au batelier.
- Ne jette pas de pierres, dit Ulenspiegel.
Le batelier parla à l'oreille du garçonnet hihannant à côté de lui sur le bateau.
Celui-ci détacha un batelet des flancs du bateau, &, à l'aide d'une
gaffe qu'il maniait habilement, s'approcha de la rive. Quand il fut tout près,
il dit, se tenant debout fièrement:
- Mon baes vous demande si vous osez venir sur le bateau
& engager a bataille avec lui par le poing & le pied. Ces
bonshommes & commères seront témoins.
- Nous le voulons, dit Ulenspiegel bien dignement.
- Nous acceptons le combat, dit Lamme avec grande fierté.
Il était midi, les manouvriers diguiers, paveurs, constructeurs de navires, leurs
femmes munies de la pitance de leurs hommes, les enfants qui venaient voir leurs
pères se restaurer de fèves ou de viande bouillie; tous riaient, battaient des
mains à l'idée d'une bataille prochaine, espérant avec gaieté que l'un ou
l'autre des combattants aurait la tête cassée, ou tomberait en pièces dans la
rivière pour leur réjouissement.
- Mon fils, disait Lamme tout bas, il va nous jeter à l'eau.
- Laisse-toi jeter, disait Ulenspiegel.
- Le gros homme a peur, disait la foule des manouvriers.
Lamme, toujours assis sur son âne, se retourna sur eux & les regarda avec
colère, mais ils le huèrent.
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- Allons sur le bateau, dit Lamme, ils verront si j'ai peur.
A ces mots il fut hué de nouveau, & Ulenspiegel dit:
- Allons sur le bateau.
Étant descendus de leurs ânes, ils jetèrent les brides au garçonnet, lequel
caressait les baudets amicalement & les menait où il voyait des
chardons.
Puis Ulenspiegel prit la gaffe, fit entrer Lamme dans le batelet, cingla vers le
bateau, où, à l'aide d'une corde, il monta précédé de Lamme, suant &
soufflant.
Quand il fut sur le pont de la barque, Ulenspiegel se baissa comme s'il voulait
lacer ses bottines, & dit quelques mots au batelier, lequel sourit
& regarda Lamme. Puis il vociféra contre lui mille injures, l'appelant
vaurien, bouffi de graisse criminelle, graine de prison, pap-eter, mangeur de bouillie, & lui disant: ‘Grosse baleine,
combien de tonnes d'huile donnes-tu quand on te saigne?’
Tout soudain, sans répondre, Lamme se lança sur lui comme un boeuf furieux, le
terrassa, le frappa de toute sa force, mais ne lui faisait pas grand mal à cause
de la grasse faiblesse de ses bras. Le batelier, tout en faisant semblant de
résister, se laissait faire, & Ulenspiegel disait: ‘Ce vaurien payera à
boire.’
Les hommes, femmes & manouvriers, qui de la rive regardaient la bataille,
disaient: ‘Qui eût cru que ce gros homme fût si impétueux?’
Et ils battaient des mains tandis que Lamme frappait comme un sourd. Mais le
batelier ne prenait d'autres soins que de préserver son visage. Soudain, Lamme
fut vu, le genou sur la poitrine du Stercke Pier, le tenant d'une main à la
gorge & levant l'autre pour frapper.
- Crie grâce, disait-il furieux, ou je te fais passer à travers les planches de
ta cuvelle!
Le batelier, toussant pour montrer qu'il ne savait crier, demanda grâce de la
main.
Alors Lamme fut vu relever généreusement son ennemi, qui bientôt se trouva
debout, &, tournant le dos aux spectateurs, tira la langue à
Ulenspiegel, lequel éclatait de rire de voir Lamme, secouant fièrement la plume
de son béret, marcher en grand triomphe sur le bateau.
Et les hommes, femmes, garçonnets & fillettes, qui étaient sur la rive,
applaudissaient de leur mieux, disant: ‘Vive le vainqueur du Stercke Pier! C'est
un homme de fer. Vîtes-vous comme il le dauba du poing | |
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&
comme d'un coup de tête il le renversa sur le dos? Voici qu'ils vont boire
maintenant pour faire la paix. Le Stercke Pier monte de la cale avec du vin
& des saucissons.’
De fait, le Stercke Pier était monté avec deux hanaps & une grande pinte
de vin blanc de Meuse. Et Lamme & lui avaient fait la paix. Et Lamme,
tout joyeux à cause de son triomphe, à cause du vin & des saucissons,
lui demandait, en lui montrant une cheminée de fer qui dégorgeait une fumée
noire & épaisse, quelles étaient les fricassées qu'il faisait dans la
cale.
- Cuisine de guerre, répondait le Stercke Pier en souriant.
La foule des manouvriers, des femmes & des enfants s'étant dispersée pour
retourner au travail ou au logis, le bruit courut bientôt de bouche en bouche
qu'un gros homme, monté sur un âne & accompagné d'un petit pèlerin,
monté également sur un âne, était plus fort que Samson & qu'il fallait
se garder de l'offenser.
Lamme buvait & regardait le batelier victorieusement.
Celui-ci dit soudain:
- Vos baudets s'ennuient là-bas.
Puis, amenant le bateau contre le quai, il descendit à terre, prit un des ânes
par les pieds de devant & les pieds de derrière, &, le portant
comme Jésus portait l'agneau, le déposa sur le pont du bateau. Puis, en ayant
fait de même de l'autre sans souffler, il dit:
- Buvons.
Le garçonnet sauta sur le pont.
Et ils burent. Lamme ébahi ne savait plus si c'était lui-même, natif de Damme,
qui avait battu cet homme robuste, & il n'osait plus le regarder qu'à la
dérobée, sans aucun triomphe, craignant qu'il ne lui prît envie de le prendre
comme il avait fait des baudets & de le jeter tout vif dans la Meuse,
par rancune de sa défaite.
Mais le batelier, souriant, l'invita gaiement à boire encore, & Lamme se
remit de sa frayeur & le regarda derechef avec une assurance
victorieuse.
Et le batelier & Ulenspiegel riaient.
Dans l'entre-temps, les baudets, ébahis de se trouver sur un plancher qui n'était
point celui des vaches, avaient baissé la tête, couché les oreilles, &
de peur n'osaient boire. Le batelier leur alla quérir un des picotins d'avoine
qu'il donnait aux chevaux qui hâlaient sa barque, après l'avoir acheté lui-même,
asin de n'être point volé par les conducteurs sur le prix du fourrage.
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Quand les baudets virent le picotin, ils marmonnèrent les patenôtres de gueule en
regardant le pont du bateau mélancoliquement & n'y osant, de peur de
glisser, bouger du sabot.
Sur ce, le batelier dit à Lamme & à Ulenspiegel:
- Allons à la cuisine.
- Cuisine de guerre, dit Lamme inquiet.
- Cuisine de guerre, mais tu peux y descendre sans crainte, mon vainqueur.
- Je n'ai point de crainte & je te suis, dit Lamme.
Le garçonnet se mit au gouvernail.
En descendant, ils virent partout des sacs de grains, de fèves, de pois, des
choux, des carottes & autres légumes.
Le batelier leur dit alors en ouvrant la porte d'une petite forge:
- Puisque vous êtes des hommes au coeur vaillant qui connaissez le cri de
l'alouette; l'oiseau des libres, & le clairon guerrier du coq, &
le braire de l'âne, le doux travailleur, je veux vous montrer ma cuisine de
guerre. Cette petite forge, vous la trouverez dans la plupart des bateaux de
Meuse. Nul ne la peut suspecter, car elle sert à remettre en état les ferrures
des navires; mais ce que tous ne possèdent point, ce sont les beaux légumes
contenus en ces placards.
Alors, écartant quelques pierres qui couvraient le fond de la cale, il leva
quelques planches, en tira un beau faisceau de canons, d'arquebuses, &
le levant, comme il l'eût fait d'une plume, il le remit à sa place, puis il leur
montra des fers de lance des hallebardes, des lames d'épées, des sachets de
balles & de poudre.
- Vive le Gueux! dit-il; ici sont les fèves & la sauce, les crosses sont
les gigots, les salades ce sont les fers de hallebardes, & ces canons
d'arquebuse sont des jarrets de boeuf pour la soupe de liberté. Vive le Gueux!
Où me faut-il porter cette nourriture? demanda-t-il à Ulenspiegel.
Ulenspiegel répondit:
- A Nimègue, où tu entreras avec ton bateau plus chargé encore de vrais légumes,
à toi apportés par des paysans, que tu prendras à Etsen, à Stephansweert
& à Ruvemarde. Et ceux-là aussi chanteront comme l'alouette, oiseau des
libres, tu répondras par le clairon guerrier du coq. Tu iras chez le docteur
Pontus, demeurant près du Nieuwe-Waal; tu lui diras que tu viens en ville avec
des légumes, mais que tu crains la sécheresse. Pendant que les paysans iront au
marché vendre les légumes trop | |
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cher pour qu'on les achète, il te
dira ce qu'il faut faire de tes armes. Je pense toutefois qu'il t'ordonnera de
passer, non sans péril, par le Wahal, la Meuse ou le Rhin, échangeant les
légumes contre des filets à vendre, pour vaquer avec les bateaux de pêche
d'Harlingen, où sont beaucoup de matelots connaissant le chant de l'alouette;
longer la côte par les Waden, gagner le Lauwer-Zee, échanger les filets contre
du fer & du plomb, donner des costumes de Marken, de Vlieland ou
d'Ameland à tes paysans, te tenir un peu sur les côtes, péchant & salant
ton poisson pour le garder & non pour le vendre, car boire frais
& guerroyer salé est chose légitime.
- Adoncques, buvons, dit le batelier.
Et ils montèrent sur le pont.
Mais Lamme, brassant mélancolie:
- Monsieur le batelier, dit-il soudainement, vous avez ici en votre forge un
petit feu si brillant, que pour sûr on y ferait cuire le plus suave des
hochepots. Mon gosier est altéré de soupe.
- Je te vais rafraîchir, dit l'homme.
Et bientôt il lui servit une soupe grasse, où il avait fait bouillir une grosse
tranche de jambon salé.
Quand Lamme en eut avalé quelques cuillerées, il dit au batelier:
- La gorge me pèle, la langue me brûle: ce n'est point là du hochepot.
- Boire frais & guerroyer salé, c'était écrit, repartit Ulenspiegel.
Le batelier remplit donc les hanaps, & dit:
- Je bois à l'alouette, oiseau de liberté.
Ulenspiegel dit:
- Je bois au coq claironnant la guerre.
Lamme dit:
- Je bois à ma femme; qu'elle n'ait jamais sois, la bonne aimée.
- Tu iras jusqu'à Emden par la mer du Nord, dit Ulenspiegel au batelier. Emden
nous est un refuge.
- La mer est grande, dit le batelier.
- Grande pour la bataille, dit Ulenspiegel.
- Dieu est avec nous, dit le batelier.
- Qui donc contre nous? repartit Ulenspiegel.
- Quand partez-vous? dit-il.
- Tout de suite, repartit Ulenspiegel.
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- Bon voyage & vent arrière. Voici de la poudre & des balles.
Et, les baisant, il les conduisit, après avoir porté comme des agnelets sur son
cou & ses épaules les deux baudets.
Ulenspiegel & Lamme les ayant montés, ils partirent pour Liége.
- Mon fils, dit Lamme tandis qu'ils cheminaient, comment cet homme si fort
s'est-il laissé dauber par moi si cruellement?
- Afin, dit Ulenspiegel, que partout où nous irons la terreur te précède. Ce nous
sera une meilleure escorte que vingt landsknechts. Qui osera désormais attaquer
Lamme, le puissant, le victorieux; Lamme, le taureau sans pareil, qui terrassa
d'un coup de tête, au vu & au sçu d'un chacun le Stercke Pier, Pierre le
fort, qui porte les baudets comme des agneaux & lève d'une épaule toute
une charrette de tonneaux de bière? Chacun te connaît ici déjà, tu es Lamme le
redoutable, Lamme l'invincible, & je marche à l'ombre de ta protection.
Chacun te connaîtra sur la route que nous allons parcourir, nul ne t'osera
regarder de mauvais oeil, & vu le grand courage des hommes, tu ne
trouveras partout sur ton chemin que bonnetades, salutations, hommages &
vénérations adressées à la force de ton poing redoutable.
- Tu parles bien, mon fils, dit Lamme, se redressant sur sa selle.
- Et je dis vrai, repartit Ulenspiegel. Vois-tu ces faces curieuses aux premières
maisons de ce village? On se montre du doigt Lamme, l'horrifique vainqueur.
Vois-tu ces hommes qui te regardent avec envie & ces couards chétifs qui
ôtent leurs couvre-chefs? Réponds à leur salut, Lamme, mon mignon; ne dédaigne
point le faible populaire. Vois, les enfants savent ton nom & le
répètent avec crainte.
Et Lamme passait fièrement, saluant à droite & à gauche comme un roi. Et
la nouvelle de sa vaillance le suivit de bourg en bourg, de ville en ville,
jusques à Liège, Chocquien, la Neuville, Vesin & Namur qu'ils évitèrent,
à cause des trois prédicants.
Ils marchèrent ainsi longtemps, suivant les rivières, fleuves & canaux.
Et partout au chant de l'alouette répondait le chant du coq. Et partout pour
l'oeuvre de liberté, l'on sondait, battait & fourbissait les armes qui
partaient sur des navires longeant les côtes.
Et elles passaient aux péages dans des tonneaux, dans des caisses, dans des
paniers.
Et il se trouvait toujours de bonnes gens pour les recevoir & les cacher
en lieu sûr, avec la poudre & les balles jusques à l'heure de Dieu.
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Et Lamme cheminant avec Ulenspiegel, toujours précédé de sa réputation
victorieuse, commença de croire lui-même à sa grande force, &, devenant
fier & belliqueux, il se laissa croître le poil. Et Ulenspiegel le nomma
Lamme le Lion.
Mais Lamme ne demeura point constant en ce dessein à cause des chatouillements de
la pousse, le quatrième jour. Et il fit passer le rasoir sur sa face
victorieuse, laquelle apparut de nouveau à Ulenspiegel ronde & pleine
comme un soleil, allumé au feu de bonne nourriture.
Ce fut ainsi qu'ils vinrent à Stockem.
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