la potence. Le prévôt était là, à cheval, appuyant sur l'épaule de
sa monture la verge de justice, avec laquelle il devait, sur l'ordre de
l'empereur, donner le signal de l'exécution.
Tout le peuple assemblé criait:
- Grâce! grâce pour Ulenspiegel!
Ulenspiegel, sur son échelle, disait:
- Pitié! gracieux empereur!
L'empereur éleva la main & dit:
- Si ce vaurien me demande une chose que je ne puisse faire, il aura la vie
sauve!
- Parle, Ulenspiegel, cria le peuple.
Les femmes pleuraient & disaient:
- Il ne pourra rien demander, le petit homme, car l'empereur peut tout.
Et tous de dire:
- Parle, Ulenspiegel!
- Sainte Majesté, dit Ulenspiegel, je ne vous demanderai ni de l'argent, ni des
terres, ni la vie, mais seulement une chose pour laquelle vous ne me ferez, si
je l'ose dire, ni fouetter, ni rouer, avant que je m'en aille au pays des âmes.
- Je te le promets, dit l'empereur.
- Majesté, dit Ulenspiegel, je demande qu'avant que je sois pendu, vous veniez
baiser la bouche par laquelle je ne parle pas flamand.
L'empereur riant, ainsi que tout le peuple, répondit:
- Je ne puis faire ce que tu demandes, & tu ne seras point pendu,
Ulenspiegel.
Mais il condamna les bourgmestres & échevins à porter, pendant six mois,
des besicles derrière la tête, afin, dit-il, que si ceux d'Audenaerde ne voient
pas par devant, ils puissent au moins voir par derrière.
Et par décret impérial, ces besicles se voient encore dans les armes de la ville.
Et Ulenspiegel s'en fut modestement, avec un petit sac d'argent que lui avaient
donné les femmes.