Dichterschap en koopmanschap in de zestiende eeuw. Omtrent de dichters Guillaume de Poetou en Jan vander Noot

Tekstbijlage: Suite du Labeur en Liesse

Verantwoording

Van de vier werken die door de dichter Guillaume de Poetou in de zestiende eeuw werden gepubliceerd, is de Suite du Labeur en Liesse het meest van belang voor de Vander Noot-studie. Vandaar dat ik heb gemeend juist dit werk hier te moeten opnemen als bewijsmateriaal. Het wordt trouwens voor het eerst sinds de zestiende eeuw opnieuw uitgegeven.

Gekozen werd voor een kritische transcriptie omwille van de leesbaarheid. In deze transcriptie werd slechts één lettertype gehanteerd om de cursief en de romein van het origineel weer te geven, met uitzondering van de romein die binnen de gedichten werd gebruikt. Deze werd cursief gedrukt. Er is voorts geen onderscheid gemaakt tussen verschillende corpora kapitaal.

De door de dichter gehanteerde accenten en leestekens werden overgenomen.

De grafemen u/v, j/i, werden getranscribeerd volgens de nu vigerende Franse spelling. Wanneer accenten ontbraken, werden deze toegevoegd op de wijze zoals in het moderne Frans gebruikelijk is.

Spellingen als: ‘dautant, au parauant, ce pendant, cest, l'endemain’ werden volgens het huidige gebruik weergegeven, namelijk als: d'autant, auparavant, cependant, c'est, lendemain.

In de transcriptie zijn niet opgenomen de custoden en de sprekende hoofdregels. Abbreviaturen werden stilzwijgend opgelost. Initialen, vignetten, sluitstukken en dergelijke werden niet weergegeven. Toegevoegd werd een regelnummering. De inhoudsopgave uit het origineel is op p. 400 in facsimile afgedrukt.

Getranscribeerd werd de tekst van SLL naar het exemplaar UB Leiden, Bijz. Gedr. Werken.

Fol. 65v en 66r van G. de Poetou: Suite dv Labevr en Liesse. Ex. BN Parijs, Rothschild 720.

Dédié à Monsieur JAN VAN-DER NOOT
Eschevin de la flourisante Anvers,
non moins noble & généreus,
que docte & vertueus.

EN ANVERS.
De l'Imprimerie AEg. Diest.
CUM PRIVILEGIO.
M.D.LXVI.

TES vertus, VAN-DER NOOT, & Poétique fureur,

Qui scintille dans toy, & qui honneur t'apporte,

Et le béning vouloir qu'aux bons esprits tu porte,

Joint à ta probité, & bramée valeur,

Te promettre me point de sincère & vray coeur,

Que (tant que la mienne âme imbécille & peu forte

Sera de mes cinc sens la nourissière acorte,

Par le vouloir de cil qui en est Rédemteur)

Libre, j'animeray d'habile main & preste

Le gentil naturel, qui ferme en toy s'arreste,

A mes Chants immortels, & Lut Bétunien.

Dont pour te faire voir, quant ma promesse est bonne,

Généreus Van-der Noot, pour erres je te donne

Ce livre ourdy desous le ciel Antverpien.

EN LABEUR

LIESSE

STROPHE.

VAN-DER NOOT pacifique

Digne je ne serois

Le verd rameau Delphique

D'avoir flairé cent-fois,

Assis, je le déclare,

Dans le Phane de Clare

Sous Phébus Délien,

Nourry par la Neuvaine

Qui gouverne la plaine

Du Mont Parnassien:

Si d'esprit, coeur, & âme

Franc, je n'éternisois

Le saint Enthousiasme,

Qui hautement enflamme,

Tes sens, lut, dits; & vois.

ANTISTROPHE.

Si par cas tu scrutine,

D'ou je sçay qu'une ardeur

Ravit, brûle, & mutine

Les sens de ta valeur:

FAME porte-nouvelle,

De Titan fille belle,

M'acertène à tout' heur',

Qu'aux Vertus tu t'applique,

Et que l'Art Poétique

⁺ Scintille dans ton coeur.

Ce oiant, je peus dire,

Qu' un Enthousiasme haut

Illumine ton dire,

Quand fervent tu aspire

Faire aux Vers preus assaut.

EPODE.

Tu sçais que du Poète

L'esprit est haut ravy,

Par la flamme secrète

Que DIEU distile en luy.

Donc une rage hauteine

Afferre ta poictrine,

Lors qu'avec les neuf Soeurs

A cueiller tu trafique

(Quand seul tu fantastique)

De leur vergiers les fleurs.

STROPHE.

Je croy, que quand Lucine

(Des enceinctes le but)

Mit ta Mere en gésine,

De toy libre à salut,

Que l'Empyréen Père

Commanda d'heur prospère

Le tien esprit ravir

Par ses neuf chastes filles

Et Charites humiles,

Pour te faire fruir

⁺ De leur hautes merveilles,

Et Paradis bénits,

Remplisant tes oreilles

D'harmonies pareilles

Aux Mnémosiens dits.

ANTISTROPHE.

Là, ouïs à grand' cure

Des ruisseaus Pégasins

La grondante murmure,

Jours, soirs, nuits, & matins:

Et donner maintes touches

D'habiles mains & pouces

Aux cavés instrumens,

Et sous les voix divines

Retentir les collines,

Et les quatre Elémens:

Or voiant des campaignes,

Or des arbres & bois,

Or des eaux, prés, montaignes,

Les Nymphettes compaignes

S'égueier sous leur toicts.

EPODE.

Quand tu fis ton approche

Du Prophétique rocher,

Là, augmenta ta force,

Venant, doux, approcher

D'humble face & naïve

L'Attique porte-Olive,

⁺ Et ce bon DIEU, qui coy

Paissa d'herbette vive

Sur la Thessale rive

L'harras d'Admète Roy.

STROPHE.

Ce DIEU dont j'araisonne,

De la Lyre inventeur,

De Jupin & Latone

Filz, & du Vers auteur:

A ton humble abordée,

Des siennes Soeurs guidée

Asses prodiguement.

Espardit sur ta face

De sa sacrée grâce

Les dons divinement.

Par le vouloir sublime

De ce DIEU Grynéen,

De gays traits tu anime

Tes Poèmes & Rithme

Et Lut Antverpien.

ANTISTROPHE.

O que tu es félice,

(Toy en biens plantureux,

D'ans jeune, & d'honneur riche,

Prudent, doct, vertueux)

D'avoir eu d'Ambrosie

Ton âme rassasie

Dès l'engemmé berceau,

⁺ Et beu l'eau Cabaline

Dedans la Couppe orine

Du Pégasin troupeau:

Et du Dieu de Patare

Avoir eu & receut

A l'immortelle gloire

De son nom & mémoire

D'ivoire blanc le Lut.

EPODE.

Tu fais bien, je t'afferme,

Apparoir manifest,

Quelz fruits issent du germe

Qui dans toy semé est:

Et desous quels & quelles

Tes grâces douces, belles,

Et meurs pareillement,

Ta sagesse & prudence,

Ta bonté & clémence,

Prindrent leur fondement.

STROPHE.

VAN-DER NOOT amiable,

Sans cause ce n'est pas,

Qu' ANVERS ville admirable

Tes ans révère & pas,

Conduits sous la gaillarde

Frontonienne garde

Continuelement:

Et sous la trèsinsigne

⁺ DERNOOTSIENNE enseigne,

Qui magnanimement

De ta noble descente

Esclarcit la grandeur,

Laquell' croist & augmente

Sous ANVERS opulente,

Comme un Pin en hauteur.

ANTISTROPHE.

Or s'ANVERS magnifique

Tes pas chérit & ans,

C'est d'autant qu'en publique

Ton verdoiant Printans

Fait vivement cognoistre,

Et par oeuvre apparoistre,

Que les vigoreux fruits,

Qui fertils en procèdent,

Méritent qu'ils possèdent,

Gloire, honeur, & haut bruit:

Et condignes encore,

D'estre, tant ils sont verds,

Jusques au sable More

Espars, & dardés ore

Empennés de mes Vers.

EPODE.

Ces fruits beaux & fragrables,

Que la ferme Vertu

Fait issir mémorables

De toy, d'honeur vestu:
⁺ A l'envy te louengent,

Jeune & brusque t'arengent

Au rang des SENATEURS,

Qui d'ANVERS autentique

Et saincte République

Sont chiefs & protecteurs.

STROPHE.

N'es-tu pas des fois mile

Béat' entre vivans,

A ton âge gentile,

O de vingte six ans,

Veoir fleurir ta Jeunesse

(Qu'honesteté caresse,

Paix, douceur, piété,

Amour, bénévolence,

Courtoisie, & constance,

Branches d'humilité)

Sous un SENAT tant grave,

Renfrongné & puissant,

Tant doux-sévère & brave,

Que DIEU maintienne & salve

Sous son oeil tout voiant?

ANTISTROPHE.

De grâce, sans contendre,

Dis-moy d'un doux parler,

Que nous vois-tu prétendre,

Attendre & espérer,

En ce transitoire estre

⁺ De ton flourissant estre,

Et du suave nom

De la tienne personne,

A qui le poil frisonne

Blondement le menton:

Quand ce poil voudra prendre

De neige ou lis couleur?

Si tu me veux entendre,

Et à mes dits attendre,

Tu le seras à l'heur.

EPODE.

Comme voions haut croistre

Peu à peu le Sapin:

Ainssy voirons accroistre

A l'exemple du Pin,

Tes ans, sous la hautesse

De Gloire, & de Noblesse,

De Mémoire, & Renom:

Moiennant que la Parque

Hâtive ne t'embarque

Dans le Schif de Charon.

STROPHE.

Celuy juge à son aise,

Et se devine droit,

Quand vif du personnage

Les fruits gouste, & reçoit.

Les fruits qui de toy issent,

Et qui dans toy fleurissent,

⁺ Tant vigoreusement,

Servent de grand indice,

Convenable & propice

A mon présagement.

Tel fruit, tell' est la plante:

Tell' vigne, tel ragin:

Tel pré, telle est la rente:

Tel arbre, telle est l'ente:

Tel princip', telle fin.

ANTISTROPHE.

D'autant, telle espérance

Fait fleurir ma vigeur,

Dont j'ay de veoir fiance,

Que des hauts cieux l'Auteur,

Tout bon, seul juste, & sage,

Permettra mon présage

Venir à telle fin

Que les traits de mon Ode,

Façonnée à la mode

Du Poète Romein,

Seront par mers & sables

Espars, & collaudés,

Pour les veoir honnorables,

Et de traits louengeables

Par vérité bardés.

EPODE.

Or VAN-DER NOOT affable,

Afin que nostre DIEU

⁺ A tousjours favourable

Te soit, & en tout lieu,

Et que grâce il t'octroye,

D'effectuer en joye,

Tes doux sacrés désirs:

J'exore que sa dextre

De grâce daigne paistre

Tes ans sous ses plaisirs.

STROPHE.

Vis heureus, & en joye,

Chérissant mistement

La Vertu, qui ondoye

Sur ton chief proprement,

Et qui tes pas & face

Poursuyt viste à la trache,

Comme ensuys d'esprit bon

Des chastes Piérides,

Et des trois Soeurs splendides,

De Pallas, d'Apollon,

L'alme sçavoir, les grâces,

Et la facondité,

Et les Lyriques traches,

Enflamme-coeurs & faces,

Et preste-aménité.

ANTISTROPHE.

VAN-DER NOOT je m'asseure,

Séant dans ta maison,

Qu'or ourdis, qu'or tu oeuvre,

⁺ Sur l'outill' de Cléion:

Or à ta vois t'accorde

Des instrumens la chorde,

Qui gueiment t'esjouit:

Or de quelque peinture

La vive pourtraicture

Tes aigus sens ravit:

Or allant par la rue,

Pour ta guide or tu as

Des Dieux la crainte en veuë,

Or Vertu ta cognue,

Or des Neuf le soulas.

EPODE.

Vis donc, & te récrée

Te cognoistre enfançon

De la troupe sacrée,

Et du Dieu de Délon.

Cependant je t'exore

Recevoir de moy ore

D'allègre coeur & yeux,

De mes labeurs la suyte

Dans liesse confite,

Si tu veux de moy mieux.

EN LABEUR

LIESSE.

TON stil mellifluent, ò gentil Bétunois,

Marié doctement au Lut, que doux tu sonne,

Ourdissant ce Sonnet, franchement m'éguillonne,

Et me pouse, & me point proférer d'haute vois:

Que le doct' Coriphée, & Cigne Vandomois,

(Des fortunés esprits Delphienne couronne)

N'a en tous ces pays qui mieux esmerillonne,

Et anime ses traits, fors toy, l'honneur d'Artois.

Ta LIESSE EN LABEUR me sert de tesmoignage

Labeur que me prégonne & nomme d'haut courage

Des Pégasins esprits Mécène & vray fauteur.

Or par ce Sonnet mien je te rens le samblable,

Comme du Clarien Chantre & ministre stable,

Et de ses chastes Soeurs vassal & serviteur.

DEs que mon oeil aperceut ton ouvrage,

Tant doctement tissu & composé,

Meu & ravy de ta Poétiqu'rage,

Je fus soudain Vers tissir disposé:

Voir' & d'ouvrir de mes sens la custode,

Pour te respondre, & grâces te donner,

⁺ Du beau Sonnet, & douce-coulante Ode,

Qu' à mon honneur il t'a pleu façonner.

D'autant j'ai pris ma Lyre Antverpienne,

O qui souloit à mon command vanter

L'insigne honneur d'une noblesse ancienne,

Et biensouvent souloit aussy chanter

De ma Maîtresse & la beauté & gloire,

Dignes subjets de mes suëfs labeurs;

Car ceux, pour vray m'ont fait des fois mil boire

Es saints ruisseaus des neuf pudiques Soeurs.

Soit, ó POETOU, que ma cavée Lyre,

Coustumier' n'est de chanter en François,

Veu toutefois qu'elle tasche à bien dire,

J'accommodray à sa touche ma vois.

Mon Lut d'ivoire, & Lyre Brabançonne,

De mes labeurs l'unique consoler,

Soit qu'en Tuscan, ou Espagnol je sonne,

Se sçait au gré de mes sens moduler.

Si j'ay receu des Muses gratieuses

Quelque faveur, ou Poétique don:

Ou si ès Vers, & actes vertueuses,

Je me délecte en tout temps & saison:

Ou si Phébus divin fils de Latone

M'a enflammé l'esprit & le cerveau,

Et si m'a fait, comme ton Lut résonne,

De vert Laurier un flourissant chappeau:

⁺ Voir', ò POETOU, si l'Olympien Père,

Père tout bon, & DIEU de purité,

En me donnant vie heureuse & prospère,

Par son immense, & haute autorité,

Grâce m'a fait en cest' célèbre ville

Me mettre au rang des Nobles Sénateurs,

Comme jadis du SENAT immobile

Furent mes vrais & bons antécesseurs:

Certainement entre tout' adventure,

Que j'ay receu en ce terrestre lieu,

Aucune heureuse, autre aspre, & l'autre dure,

Je n'ay receu plus-grand bien de mon DIEU,

Que d'avoir eu de toy la cognoissance,

Que j'ayme plus, je le dis clèrement,

Que l'avoir grand de Mide, & la chevance,

Qui se périt en un bien brief moument.

A juste droit, POETOU, je le peux dire,

Car plus-grand heur je ne pourois avoir,

Que ta faveur, & grâces, que j'admire,

Par les hauts traits, qu'immortels tu faits voir.

Pour vray, POETOU, la grâce, & faveur tienne,

Vaut plus pour moy, que la faveur des Roys,

Ou que d'avoir la mine Arabienne,

Ou les thrésors des plus riches Indois:

Car quand ce vient que la bourelle Parque
Trenche, & dérumpt nostre destiné fil,
⁺ Nous enbarquant dedans le schif & barque

De ce Charon d'Enfer passager vil,

Que proufit-il alors la Signorie,

Et d'or un nombre, & d'argent amas grand?

Qui n'a servy, ó triste facerie,

Las, que de cure, & de soing trèsmordant.

C'est autre chose, ó POETOU, des Poètes,

Qui ont tousjours chanté divinement,

Et du haut DIEU, comme sages Prophètes,

Interprétés les lois soigneusement.

Ceux-là, POETOU, par un mérite juste

Ont acqueru perpétuel renom,

Maugré la Parque, & Porte-faux robuste

De Stix, & Lèthe, & du fleuve Achéron.

D'iceux, POETOU, les immortelles âmes

Logées sont en joye & en déduit

Es champs heureus d'Elyse, & Royaumes

De poindant soing élongés & de bruit.

Là, en ces lieux, Nuict, n'Hyver ne domine,

Ains un clair jour, & amène Printans:

Ne l'avarice, ó qui ronge & anime

Coeur, corps, & sens des caduques vivans.

Là, ó, ils vont parmy la douce plaine

Heureusement libres se pourmener,

Et aucuns d'eux près de quelque fontaine

Vont reposer, dormir, & sommeiller:

⁺ Les autres vont sous les verdes ramées,

Portans en teste & girlande & chappeaus

De l'hierre & mirthe, & sur harpes dorées

Haut fredonnant Hymnes & Chants nouveaus.

Pendant, POETOU, que cest' félice bande

Contemple, & voit, par le vouloir des Dieux,

Les saintz secrés, plaisirs, & gloire grande

Du Paradis des hautz sydérés cieux:

Leur beau Escris, vrais tesmoings de leur gloire,

Par l'univers voltigent noblement,

Et pour Trophée au Temple de Mémoire

Les divins Noms appendus hautement.

Maugré du Temps & sa faux & l'audace,

Les noms de ceux, ó, qu'ils ont publiés,

Par leur Escris luisent en toute place.

Sans, ó POETOU, jamais estre oubliés.

Sy l'aveuglé & bien-disant Homère

N'eût de vifs traits peinct la force d'Hector,

Mis en oubly seroit, avec son père,

Et les beaus ans du sage & viel Nestor.

Par ce Doriqu', le furieus Achille

Est renommé en ce grand univers:

Sans luy seroit la gloire, ó, inutille

D'Agamemnon, pourtrait dedans ses vers:

Par luy on voit le bon viellart Anchise

Sur le fort dos d'Ené son fils ploier:

⁺ Par luy on voit en cendre Troie mise,

Et aus Grégeois victoire pour loier.

Ainsi feras de ceus les noms revivre,

Qui engravés seront dans tes escris.

Moy donc heureus, qui suis peinct dans se livre,

Puis que cognu seray de père en fils.

Samblablement, des Chevalliers de Malte

Les excellens & héroÿques faits,

Vivront par toy, Poetou, qui les exalte

Par un Cantique à CHRIST Chief des parfaits.

En vérité, ce leur est (à brief dire)

Gloire immortelle, & triumphant honneur:

Car du tombeau, ó Poetou, tu les tire,
Par tes Escris & Nomienne ardeur.
Deux & trois-fois heureus tu es, qui tasche

Eternisant ton renom & bon heur,

Des vertueus pourtraire au vif la face,

Et les beaus noms dans ta JOIE EN LABEUR.

Quant est de moy, il n'y a chose au monde,

Qui plus, POETOU, récrée mes clers yeux,

Que des noeuf Soeurs & troupe vagabonde

Les pas ensuyvre à l'envy & au mieux:

Soit, ó POETOU, que je veille ou repose,

Ou qu'ès beaus champs je me pourmeine & bois

Fantastiquant, or un Chant je compose,

Or un Sonnet, or une Ode à mon chois.

⁺ Dès que ma main sur l'outill' des Neuf oeuvre,

Un demy-Dieu je m'estime, & me dis:

Dont m'est advis, tout ce que le Ciel coeuvre,

Soit fait pour moy, & pour orner mes dits.

Ce doux labeur tant enflamme & récrée

Les miens cinc sens, & âme, & coeur encor',

Qu'il m'est à veoir, ó, que la vierge Astrée

Soit revenue avec le Siècle d'or.

Toute tristesse & affligeante paine,

Regret, soucy, mélancolie, & soing,

Noise, débat, discord, ennvy, & haine,

Est déchassée en arrière, & bien loing

De mon esprit, qui paix, àmour embrace,

Humilité, vertu, joye & plaisirs,

Et des noeuf Soeurs & Charites la grâce,

Contentement de mes faits & désirs.

A juste droit me convient rendre grâce

Au Délien, & au troupeau Divin,

Qui rengé m'a, plongeant la mienne face

Dans le grondant ruisselet Cabalin,

Au rang sacré des immortels Poètes,

Et de Musique & Peincture amy fait,

Lanceant dans moy de leur flammes secrètes

Le ravissant & Prophétique trait.

Gentil POETOU, dans qui vertu opère,

Et dont le nom volle par l'univers:

⁺ Avec le temps on cognoistra, j'espère,

De quels traits sont mes Teutoniques Vers,

Et de quelle art ma Brabançonne lime

Dore & polit les labeurs Gallicains,

Que je façonne, & ourdis, & anime,

Or a mon Lut, vois, Chants, & dits hautains.

Or cependant que Cléion me calcitre

De vert Laurier un chappeau façonner,

Pour, ó, de toy, qui des Neuf es Ministre,

La teste & chief triumphant couronner:

Efforce toy par tes labeurs d'attaindre

Le but heureus, auquel veus parvenir.

Moy & les miens j'emploiray sans riens faindre,

Pour au besoing t'ayder & survenir.

Parquoy, POETOU, si de LOUVAIN fameuse

De tous nerfs veus l'Académie hanter,

Pour d'Apollon (chief de la troupe heureuse)

Et d'Esculape, ó, les doux fruits gouster:

Tiens-toy certain, aidant la bonté haute

Du tonant Père, & de mes bons amis,

Que tu n'auras de mes suffrages faute

Des Letterés, si veus estre au rang mis.

Traveille donc, ó POETOU, & ne chôme,

De ton destin veoir le couronnement.

Poursuys ta proye en brusqu' & gaillard homme,

Le Temps s'en va irrévocablement.

⁺ Pendant donques que le clair Ciel te pousse

De Vertu ferme ascendre l'aspre mont,

Tasche, POETOU, l'encommencée course

Parachever d'esprit urgent & pront.

ARdant désir, Noble SENAT, de paistre

Tes sens d'un Chant condigne de ton nom,

A fait dans moy une estincelle naistre,

Apte à chanter ta grandeur & renom.

O Divines Muses,

De science infuses,

Que doy honorer:

Arousés ma face

De Thebainne grâce

Pour mon Chant heurer.

Ingrat ne suis, du tonnant Père ó race,

Hautainement l'humain paranniser,

Qui à l'envy va imitant la trache

De tes saints pas pour s'immortaliser.

Voy comment ma plume,

O SENAT, s'allume,

Tacheant accorder

Ta noble puissance,

⁺ Prudence, & constance,

A mon doux chanter.

Bien que la voie, ó Saint SENAT, j'ignore,

Pour le torrent de tes grandeurs trouver,

Car l'abondance, & affluence encore,

Me rend vaincu, m'y veuillant abbreuver.

Toutefois ma lime,

Qui t'honnore, & aime

Comme mon salut

Veut, ó, que j'anime

Ta gloire sublime

A ma vois & Lut

Sus donc, ó Soeurs, qui de main liberalle

Dans ce SENAT voz dons avés espart,

Permettes-moy, de grâce, à luy égalle,

Vanter l'honneur d'immortels traits & art.

Ma trème & navette

Sur l'outil est prette,

Or sus ourdissons

En faveur louable

Du SENAT notable

Odes & Chansons.

J'oy ma Cléion, qui me dit, que j'ataigne

Prudent SENAT, ta grandeur de stil beau,

Et qu'à l'instant vivement je les paigne

Sur ce papier, qui me sert de tableau.

Ma Cléion me prette

Les traits que j'apprette,

⁺ Dont tu seras painct:

Les couleurs m'apporte

D'une & d'autre sorte

Du cabinet sainct.

Sy affluence avoy dans ma boutique

De beaux tableaux, faictz & labourés d'or,

Tu serois mis en sculpture autentique,

Et engravé dans le meileur thrésor:

Telle n'est ma force,

Au fort je m'esforce,

Que besoing n'en as:

Puis ta souffisance

Et haulte puissance,

Ne le voudroit pas.

Le Vers, j'ay foy, que déduict il te donne,

T'offrir mes Vers, aux Muses je faictz veus

L'outil des Soeurs tous Mécènes couronne

De gloire & heur: la raison voir tu peus:

Pointes élevées,

Et lettres dorées,

Marbres imprimés,

Ne font qu'hommes vivent,

Comme ceus qui suyvent

Les Vers animés.

De millons auroit mis le silence

Jusqu'au tombeau & l'honneur abbatu,

Sy l'escrivain, n'eût par sa diligence,

Armé le Nom d'immortelle Vertu.

⁺ C'est la Muse belle

Qui les bons rapelle

De ne mourir pas:

La Parque ell' défie,

Elle létifie

Nos ans, jours, & pas.

Je dis, pour vray, que la plume excellente

Du bon Poète, & grave Hystorien,

Rend immortel, & en gloire apparente,

Les faits & nom du labil terrien.

Sans l'art du Poète,

La Vertu muete

Seroit, & sans nom:

Des bons la mémoire

Sans honneur & gloire

Seroit & renom.

Raison veut donc, que je fredonne & vante,

Prendant ès mains mon Lut Bétunien,

De ta Noblesse & grandeur flourissante

L'honneur insigne & la grâce & le bien.

Je maintiens à l'heure,

Que de tes faits l'oeuvre

Te déclare, & dit,

Dous-sévère, affable,

Clément, honnorable,

Et de grand crédit.

Tu es félice, & fait à l'advantage,

Veinqueur des ans ton nom se poura voir:

⁺ Car d'Equité & Justice es ostage,

Et de douceur serf & de haut sçavoir.

Par cela j'appreuve,

Que l'humble esprit treuve

Suffrage & secours,

Qui ta face aborde,

Face aime-concorde,

Plus que les beaus jours.

Voi-là, comment je guinderay ta gloire

Jusques au mast & antenne d'honneur,

Afin qu'au Temple excellent de Mémoire

Puist ton Renom vivre sous sa grandeur.

Aus dits d'excellence

Tu donne audience

D'entier & droit coeur:

Corrigeant le vice

Par peine & suplice

Du vil malfaiteur.

Certainement, SENAT, grave, & splendide,

D'ANVERS insigne ó l'immobil' poteau,

Triumphament tu conduis, & se guide

Dame Justice en estat sainct & beau.

Qui sous toy milite

Point ne périclite,

Ains vit glorieus:

Le Saint Paraclite,

Rend ta vie inclite

Et tes faits heureus.

⁺ Car printanner tu faits en ceste marche,

Qui est la voûte & arche des hauts DIEUX,

Toute équité, homme vivant n'y marche

Qui ne soit net & cler comme les yeux.

Peine savoureuse,

Ce m'est, & heureuse,

Disant d'Esprit gent,

Quant bien sçait ta dextre

Gouverner adextre

Ton poeuple & ta gent.

Plein de Vertu, ennemy de tout vice,

Courtois, pieux, charitable & humain,

Stable & constant, courageus, grand & riche,

Tel je te dits par devant tout humain.

Béning, pitoiable,

Franc & véritable,

Et des bons Esprits

Patron & Mécène,

Ces dits, j'acertène

Qu'en toy sont escrits.

Ce me seroit une prolixe ouvrage,

Si contendoy d'esplucher tes Vertus:

Plus m'est décent refréner mon langage,

Car de hauts dons & divins es vestus:

Plus tost mon doigt tendre

Penseroy estendre

D'icy bas aux cieux,

O SENAT, qu' escrire

⁺ Ce qu'on voit haut luire

Dans tes aigus yeux.

Les Dieux te doint de Nestor l'âge suyvre,

Te conduisant aux saints & heureus bords,

Que Jupiter, pour faire les siens vivre,

A réservé, loing de soing & remords.

Or, SENAT, je t'ore,

Suplie, & exore,

Joieus recevoir

De mes Chants une ente,

Qu'humble je présente

Sous ton haut povoir.

O Généreus ROCOX, de moy ton incognu,

Si sçavoir il te plaît, qui l'audace me donne,

Humble & dévot sacrer aux pieds de ta personne

Ce Poétiqu' Sonnet d'Apollins traits vestu?

Le gentil naturel, & splendide Vertu,

Qui végétante en toy divinement fleuronne,

Et la noble valeur, qui tes sens advironne,

⁺ En est cause, ó ROCOX, de bonté avestu.

Ne t'esmerveille donc, si hardiment je tâche

(O ROCOX, nourrisson du Pégasin troupeau)

Graver, peindre, & appendre au sublime coupeau

Du Phane de Mémoire & tes Vertus & grâces,

Pour aux puis-nés, ROCOX, vray mignon des trois Grâces,

Faire entendre & sçavoir, que les estoillés cieux

De hauts immortels dons, toy naissant en ces lieux,

Douërent à qui mieux ta douce-grave face.

NE sois esmerveillé,
ROCOX, stable que roche,
Si de coeur esveillé,
D'honnesteté mouillé,
Par ces Vers je t'approche.

Si tu veux toutefois
De moy sçavoir à l'heure,
Qui me point ceste fois,
Devant tes yeux courtois
Sacrer cest Ode & oeuvre?

L'amour & saint vouloir
Qu'aux bons Esprits tu porte,
ROCOX, dont le sçavoir
Immortel se fait veoir,
En est la cause accorte.

⁺ Puis ton triumphant bruit
Qui çà & là vollette,
Pour certain m'a conduit,
Te donner pour déduit,
Ceste Ode nouvellette.

Voilà le juste point,
O ROCOX, plein de grâce,
Qui d'acoster m'a point,
De gaillart en bon-point,
Par ceste oeuvre ta face.

Car plus grand bien & heur
Ne souhaitte ma Muse,
Que d'avoir en honneur
Celuy, dans qui l'ardeur
Des Vertus est infuse.

Moy, qui sous les neufs Soeurs
Promut je suis d'escrire,
J'orne mes Vers des fleurs,
D'immortelles valleurs,
Qu'ès hommes je voy luire.

Peu serviroit certain
A la Troupe vivante
Descouvrir tout à plain
Ce qu'elle a de hautain
Dans elle végétante,

⁺ Si le Nom de celuy
Par qui Vertu flouronne,
N'estoit peinct à l'envy
Sous l'excellent appuy
Que Mémoire aux siens donne.

Le bien-disant cerveau,
O ROCOX, s'esvertue,
Peindre d'art & styl beau,
Cil qui d'oeil cler comme eau,
Ses vertus met en veuë.

Aus puisnés les Escris
Donnent trèshaut courage,
D'ensuyvre comme hardis,
Tant en faits, meurs & dits,
Leur maieurs & lignage.

Raison veut donc & droit,
O ROCOX honnorable,
Que j'anime orendroit
De ton Esprit adroit
La grandeur mémorable.

Si de fortuit cas
Tu me dits d'affable homme,
Viençà toy, qui onc n'as
Savouré les appas,
De ceste poire ou pomme,

⁺ Peus-tu, dis-moy, juger
D'un fruit, tant soit il tendre,
Sans premier en manger,
Mangé le digérer,
Pour du goust raison rendre?

Je respons, comme expert,
Bien que ta renommée
De vray tesmoing me sert
Pour escrire à l'ouvert
De ta Vertu bramée:

Beaucoup plus le miroir
De ta face splendide
Me sert, pour au vif veoir
L'immortel haut avoir
Qui tes faits perlucide.

Par-ainsi ton pourtrait
M'asseure & me déclare,
Que vas suyvant à trait
Le magnanime trait
De grandeur d'oeuvre rare.

Tes yeux clers que crystal
Me donnent tesmoignage,
Que ton Esprit, Vassal
Du Jumeau mont & val,
Aux Vertus fait homage.

⁺ Hardiment qui voudra
Dedans tes yeux se mire,
S'y mirant, il dira
Tant qu' halener poura,
Qu'à grands faits tu aspire.

Tu monstre appertement,
D'oeuvre d'honneur remplie,
Que naits n'es nullement
Pour toy seul, mais vraiement
Pour ton Roy & Patrie.

Car trèsbien tu faits veoir,
O ROCOX, en publique,
Que ton divin sçavoir,
Ta chevance & avoir,
Est pour la République.

Tellement qu'aujourd'huy
Affaires tu manie
De grand poix & soucy
D'Esprit noble & rassy
Et d'art à gloire unie.

Pour cela, ó quel heur
A gouster tu ne lesse
Des Vertus la saveur,
Et des lettres l'ardeur,
De parfaite allégresse.

⁺ Heureus sçaits moduler
De ta charge l'affaire
Selon que vois couller
Le temps & s'envoller,
O ROCOX débonaire.

Or ROCOX, à ces fins
Que DIEU soit favourable
Jours, nuits, soirs, & matins,
Aux faits, dits, & dessins,
De ta Personne affable:

Humble & dévotement
Je prie que la dextre
De nostre DIEU clément
Veuille éternellement
De ses grâces te paistre:

Saintement aornant
Ta engemmée couche
D'un coeur chaste & constant
Qui soit tes yeus ornant
D'Enfançons à ta touche:

A fin, ó, que les ans,
ROCOX, de ta vielesse,
Soint par les verds printams
De tes gentils enfans
Soustenus en liesse.

⁺ Au bon DIEU plaise encor
Te donner bonne envie
Recevoir de moy or
Ce Poétiqu' thrésor,
Qu'humble je te dédie.

Ce faisant, voeu je faits
Au Roy & Dieu de Dèle
D'éterniser tes faits
(S'en mes vers tu te plaits)
De magnanime zèle.

D'Avoir but je n'estimerois,
VAN URSSEL, que gloire accompaigne,
Des eaux ès Pégasins estrois,
Sous le Grynéen, à mon chois,
Et sa sainte troupe compaigne:

Si, ó, dévot je n'extolloy
Le moys, le jour, l'heure & sepmaine,
Que STERX, Vierge clère qu'aloy,
Espousas sous la sainte loy
D'Hymen, Junon, & d'Erycinne.

⁺ O sepmaine heureuse, heure & mois,
Dont Cupidon de main habille
Navra ton coeur, noble & courtois,
Pour l'emprisonner sous les tois
De STERCX, Nymphe belle entre mille.

O heureux Père, qui porta
Dans ses rains telle Damoiselle:
Mère heureuse, qui enfanta
Telle Vierge, ó qui tost sera
Par toy VAN URSSEL, femme belle.

Certainnement les hautains cieux
Aspirent à te faire grâce,
Puis qu'aorné ils ont tes yeux
De JANNE STERX, digne des Dieux,
Que Prudence & Vertu embrasce.

Mais qui est cil qui n'aspiroit
A bien-heurer ta clère face,
Veu que ton Esprit franc & droit,
Nous monstre & déclare orendroit
Que Noblesse ensuys à la trache.

A bon droit le ciel estoillé
De STERX Vierge orner veut ta couche,
Par qui ton coeur, d'amour voillé,
Sera ceste nuict consolé,
D'un doux baiser pris de sa bouche.

⁺ Plaise à DIEU accroistre vos ans
Sous ses divins plaisirs & gloire,
Et d'un thrésor de tels Enfans
Qui puissent sacrer triumphans
Vos nobles Noms à la Mémoire.

GEntils Cupidonneaus, qui d'amoureuse rage

Avés les coeurs comblés continuelement,

Si à vos maus voulés donner soulagement,

Sous la loy d'Hymenée & sacré mariage?

Choisissés à l'envy un Virginal visage,

Qui puist à vos martirs donner appaisement,

Comme la Nimphe STERX à VAN URSSEL clément

Donnera les doux fruits de son virginal âge.

Par-ainsy alliés, sentirés sous les draps,

Géhennés doucement entre les doullies bras

De voz belles amours, pasmer voz sens & âme.

Sus donc gentils Amans, joindés voz brusques ans

A ces coeurs Virginaus, leur suscitant enfans

Dignes de voz Maieurs, & de voz noms & fame.

QUI est celuy, dis-moy, qui ne louengeroit,

O Généreus HAPPART, de ta splendide face

La douce-gravité, d'honneur comblé & grâce,

Et la bonté qui naist dans ton vray coeur & droit?

Par augustes raisons maintiendray orendroit,

Que les tapissés feus & la céleste race,

Toy naissant, à qui mieus vindrent en ceste place

Pour te rendre immortel, & ès Vertus adroit.

Or, puis que de hauts dons aornée est ton âme,

Faits, ó gentil HAPPART, estinceller la flamme

De ton insigne Esprit çà-bas entre mortels.

Ce faisant, tu voiras tes faits comme un Pin croistre,

Tes ans comme un Laurier verdoier & acroistre,

Et au temple appendu des heureus immortels.

CEluy qui a gousté dans un hanap joly

Des ruisseaus Pégasins la liqueur doucereuse,

VAN-DER MEREN gentil, la face il a joyeuse,

Et l'esprit vertueus dans Prudence envielly.

Ce mystère se monstre en toy estre poly,

Pour avoir enfançon, par la lignée heureuse

De Mémoire & Jupin, esté d'eau précieuse

D'Ambrosie & Nectar repeu, pais, & remply.

C'est cela qui te fait à la trace poursuyvre

De tes gentils Maieurs les pas, pour, comme eux, vivre

Eslongnés de soucis & de cuisans remords.

Or VAN-DER MEREN doux, que Prudence accompaigne,

Vis avec ta famille & gentille Compaigne

Jusqu'au jour qu'on voyra resusciter les morts.

JOieus d'entendre, & veoir, que les Neuf, des Dieux race,
Dans toy ont leur saints dons ferme voulu ancrer:
Nourry de hauts appas, enflammé s'est ma face,
Ces Vers, ó POLITES, qu' honneur caresse & grâce,
Humble & dévotement à tes veux consacrer.
Ne rejettant le don que mon Enthousiasme

A limé & basty, désirant de ton âme

Honnorer purement l'alme immortalité:
Esclave des neuf Soeurs, je jure que la flamme
De ton nom, serf de paix & cordialité,
Végétant dans l'ardeur de mon habilité,
Lucide apparoistra sous honneur, gloire, & fame.

EN LABEUR LIESSE.

CEpendant que Cléion,
Et le DIEU de Délon,
Avec ses Soeurs & Grâces,
Impèrent à ma voix
Animer ceste-fois
Les secrets de vos faces:

Sans fléchir je diray,
Tant qu'entonner pouray,
Que la brusque jeunesse,
Qui orne voz deux fronts,
Peut d'Amour les esprons
Vaincre d'haute liesse.

Vos Poétiques Chants
Et Vers resjouissans,
Que donnés aux plus belles,
Ravissent à qui mieux
Les estincellans yeux
Des Nymphes damoiselles.

Vos coeurs empourprinés,
D'Amour éguillonnés,
⁺ Pleins d'amoureuses flammes,
Descoeuvrent la splendeur,
La bonté, & douceur,
De vos Esprits & âmes.

De toy aisné gentil,
Pour enrichir mon stil,
Maintiendray en la place,
Que tu as l'entregent
De ravir du coeur gent
Par tes Vers l'alme grâce.

Par ton doux raisonner
Tu peus emprisonner
Desous toy celle Dame,
Qui te fait consumer,
Mourir, vivre, & pasmer,
Sous son ardente flamme.

Et puis toy ó puis-né,
Mystiquement orné
De gloire & gentilesse,
De jouir as moien
Du coeur qui tient le tien,
En luy faisant caresse.

Tu peus, sans aduler,
Par ton suëf parler,
⁺ Et élégante face,
D'Amour rompre les darts,
Et cell' par qui tu ards,
Tastonner, sans disgrâce.

Vivés donc, Amoureaux,
En vrays Cupidonneaux,
Trèsheureus en ce monde,
Tant qu'aies suscités
De vos rains encostés
Une race féconde.

Vivés vous aquérant
Un renom fleurissant,
Dontant chose mortelle:
L'avoir, comme il appert,
En brief moument se pert,
Vertu est immortelle.

L'ailé Dieu Cupidon,
Et la grave Junon,
Vénus & Hymenée,
Soint de vos gentils coeurs
Guides & conducteurs,
Sous gloire fortunée,

O Thalia sainte pucelle,

Fille du Père fulminant,

Esclave, nourrice & ancelle

De gloire & honneur flourissant:

Parte toy tost à ma prière

Des hauts inaccessibles cieux,

Et çà-bas d'isnelle carrière

Viens-toy présenter à mes yeux.

Tu sçais qu'on doibt l'âme bien née

Saluer d'esveillé cerveau,

Or d'une Ode de gloire ornée,

Or d'un Chant gentil & nouveau.

Parquoy si onc te print envie

D'impartir un tien nourisson

D'immortelle & prospère vie

Escoute de ma voix le son.

Tu t'en iras Mignardelette,

Avec Philosophie à l'heur

Porter ceste sainte Odelette

A STRIJT de tes traits zélateur.

⁺ Arivées devant sa face,

Philosophi' s'avancera

Le louenger de bonne grâce,

Et par ces mots commencera:

O STRIJT, ó ma douce accolée,

Mon insigne & gentil mignon,

Par terre & par l'onde sallée,

Estendre me plaît ton renom.

Je suis sainte Philosophie,

Qui les hauts secrets traicter sçait:

Du ciel les secrets j'amplifie

Et ce qui est dans luy pourtrait:

D'Uranie qui les pratiques

Des feus mondains sçait & discours,

Et des estoilles erratiques,

Le doux, véloce, & le lent cours:

Voir' & qui sçait du Signiphère,

Les demeures & les maisons,

Qui embrassent toute la Sphère

En tous temps & toutes saisons:

O mon STRIJT, dedans qui se baigne

De mes traits cognoistre l'ardeur,

D'Uranie je suis compaigne,

Et la Philosophante Soeur.

⁺ Et pour autant que tu t'applique

Aux arcanes des puissans DIEUX,

Et que le cours Philosophique

Donne nourriture à tes ieux:

Voire, & voiant que tu te pique,

A contempler de plus en mieus

Le feu, l'eau, le passage unique

De la terre jusques aus cieus:

Pour tes mérites je te cède

Un don irrévocable, & tel,

Qu'avant que d'icy tu décède

De mortel seras immortel.

POETOU, qui nos hauts faits perlustre,

(Bien qu'incognu il soit de toy)

Ta bonté & sçavoir illustre

Célèbrera d'insigne foy.

Vy donc, réanimant la gloire

De nos Esprits philosophans:

Vy insérant dans ta mémoire

Nos saints dits & faits astréans.

Amour & paix, grâce & concorde

Puissent dans toy faire séjours,

Et le Dieu qui des bons s'accorde

Accroisse en grandeur les tiens jours.

⁺ Souvienne-toy, je prie & ore,

STRIJT, de mes faits studieus,

D'avoir mon POETOU, qui t'honnore,

Pour ton client doux gracieus.

O vy heureus, puis que nature

T'a doué de ses beaus présens,

Et que ta prudence mature

Sçait convaincre les temps présens.

Ma sainte Calliope,
Afin que je ne chope

En imitant tes pas,

Guide moy, ma nourrice,
Me paissant de main riche

De tes frians appas.

Ne vois-tu que je tâche
Animer en la place

De SUCCA, serf d'honneur,

La sagesse & prudence,
Les Vertus, la constance,

A ma JOIE EN LABEUR?

⁺ Ma Cléion, sans ta grâce,
Pour néant je pourchasse

Ourdir quelque labeur

Qui de SUCCA soit digne,
Tant je cognois insigne

Son Esprit & grandeur.

Son coeur as de ta harpe
(Pendue à ton escharpe)

Dans Hélicon repeu,

L'yvrant d'eau de Pégase,
Luy monstrant de Parnasse

Les secrets peu à peu.

Tu luy as des Nayades,
Tritons & Oréades,

Des Faunes & Sylvains,

Et des Grâces mignardes
Et Nymphes montaignardes

Monstré les thrésors saints.

D'autant je n'ose emprendre,
Et tant d'audace prendre,

Ton SUCCA approcher,

Qu'Apollon mène & guide
Sous la flamme fervide

Du Prophétiqu' Rocher:

N'est, ó ma Calliope,
Qu'à ma faveur ta trope

⁺ Tu laisse en son commun,

Pour aller par-ensamble
L'honnorer, s'il te samble

Avoir lieu opportun.

Toy, comme ma lumière,
Tu seras la première,

Entrant dans son séjour,

Qui en tout révérence
Et humblesse & clémence

Luy donneras bon jour.

Ton harengue achevée,
D'une brusque levée,

Et d'un gay en-bon-point,

Luy présentant mon Mètre,
Soingneux de riens omettre

L'abord'ray en ce point:

Vray est que j'ay grand zèle,
Mignon du Dieu de Dèle,

Mes Vers te présenter:

Mais voiant ta poictrine,
Pleine d'haute doctrine,

Je ne t'ose accoster.

Je confesse, & si cède,
Que l'ardeur qui procède

De ton gentil Cerveau,

Sent, de la porte-olive
⁺ Et de l'Attique rive

Le sçavoir noble & beau

VAN-DER NOOT qui fleuronne
Sous le Myrthe & couronne

De Phébus rarement,

M'a donné de sa grâce
Notice, que ta face

Et ton entendement,

Manie une trompette,
Qui ce monstre à cent teste

Donté par sa hauteur,

Laquelle d'âge en âge
Rendra vray tesmoignage

De ta gloire & bon-heur.

Parquoy, ó toy felice,
D'avoir choisy le riche

Don d'immortalité:

Don, qui matit le vice,
Et l'ignorance nice,

Clef d'instabilité.

Comme prudent tu t'arme
Contre l'essort & charme

Du temps oblivieus,

D'Aracynthienne arme,
Et du Lut & du Carme

D'Apollon glorieus.

⁺ De Vers n'ay indigence,
J'en lime, j'en agence

D'un assés furent train:

Ma Muse les moisonne,
Et à qui luy plaît, donne

Le germe de son grain.

A toy donc, auquel plaisent
Les beaux Vers, qui appaisent

L'ire des homs & Dieux,

De mes Carmes je t'offre,
Espérant que mon offre

Récréera tes yeux.

Vis, & si te récrée,
D'avoir but l'eau succrée

Au saint choeur Ligien:

Vis heureus, & t'accorde
D'entonner sur ta chorde

Mon Vers Bétunien.

Si tu t'enquiers de moy (de toy certe incognu)

Qui me meut, ó BOTMER, & me donne hardiesse.

Poser devant les yeux de ta brusque jeunesse

Ce Phébéen Sonnet de ton nom avestu?

Ta Physionomie (ó de ferme Vertu

Le naturel mirouer) en est la cause expresse.

Dans lequel me mirant, je voy que douce humblesse

Orne ton jeune front, de probité vestu:

Voir' d'un coeur généreus & gaillardise optable,

D'entière fermeté & vouloir amiable,

D'amène courtoisie jointe à syncérité.

Parquoy, ó franc BOTMER, trache hardy le vestige,

Qui engrave les noms dans le sydéré tige,

Pour te faire cognoistre à la posterité.

C'Est de toy, JOILIER gentil,
Qu'honnorer je veux la grâce,
Sacrant de vouloir humil
Ces Vers aus yeux de ta face,
Esclave d'alme Vertu,
Dont tu es ce jour vestu.

Puis béniray le saint jour,
Jour auquel tu prins naissance,
Pour dans ce labil' séjour
Monstrer la ferme constance
De ton débonaire coeur
Des Vertus vray amateur.

De tes Vertus j'ay cognus
Et la force & la racine,
De tes biens-faits but le jus
Par ta courtoisie insigne:
Dieu aidant, tant que vivray
Celle bonté vanteray.

Je dis, que pour escuçon
Choisy as bonté naïve
⁺ Encor' estant enfançon
De Prudence sur la rive,
Accompaigné des noeuf Soeurs
Et des Grâces leur consoeurs.

Le vray Dieu, qui fut auteur
De celle bonté sacrée,
Qui au creus de ton franc coeur
Divinement est ancrée,
La veulle vivifier,
Accroistre & sanctifier:

La grâce m'élargissant
D'immortaliser par oeuvre
Ta bonté de stil plaisant,
Qui haut tes biens-faits descoeuvre,
Et que chantant soit mon Lut
L'heureus jour qu'il te cognut.

Cependant le Dieu des Dieux
Tes pas en sa voie endresse,
Te préservant en ces lieux
D'envie & langue perverse,
Te donnant fervent désir,
Pour un tien serf me choisir.

SCHVEICHER, puis que le Dieu des Elémens auteur

De grâce m'a donné trèsparfaite notice,

Que celuy qui reçoit suffrage & bénéfice

De quelque généreus & débonaire coeur:

Doibt gueyment honnorer son gentil bienfacteur,

Or par faits, or par dits, or d'honneste service,

Qui ne veut impudent estre noté du vice

D'infecte ingratitude, esclave de malheur:

C'est bien droit & raison, que celle courtoisie

Qui scintille dans toy, soit dans ma Poésie,

O SCHVEICHER généreus, peinté & au vif pourtrait'.

Or pour faire aux puisnés d'icelle le jus boire,

Ruminant ce Sonnet, ils pouront dire & croire,

Que des bien-nés Esprits estois fauteur parfait.

Consacrée aux Seigneurs Charles Benvenout, Josse

van Steene, Jan Windebroec, Marie Preun,

Barbe Moniars, d'Isabel Francisque

Parins & Marines.

DES bois & montaignettes

O divines Nymphettes,

Et des champs, prés, & eaus,

Qui à vos voix trèssaintes

Doux accordés les faintes

De vos creux chalumeaus:

O Chièvres-pieds sylvestres,

Vous Satyres champestres,

Et Faunes & Sylvains,

Fredonnans Chansonnettes

Dans vos creuses gorgettes

Dignes des DIEUX hautains,

Avecque vos séquelles,

Venés, ó troupes belles,

A l'envy m'approcher,

Apportant dans vos dextres,

Les instrumens qu'adextres

Vous sçavés retoucher.

⁺ J'accorderay ma Lyre

De tel art, au doux dire

De vos Chants chasse-esmoy,

Que quitterés en l'heure

La champestre demeure,

Pour vous joindre avec moy.

Or animons habilles

A nos voix trèssutiles,

A troupe aime-déduit,

La félice journée,

Le mois, l'heure, & l'année,

Que Francisque nasquit.

Gravant dedans ceste Ode,

Lambrisée à ma mode

De Venusiens traits,

De ses Parins notables,

Et Marines louables,

Les noms & les pourtraits.

Or sus donc, qu'on embouche

La fleute à sept trous douce,

Corn-Muses, flageos,

Afin que chascun chante

D'ISABEL alaictante

La naissance & le los.

L'an quinse-cens sublime

Soixante-cinc, trezième,

⁺ Jour d'Octobre Autonnal

Du matin à six heure,

ISABEL, des Dieux oeuvre,

Nasquit dans ce bas val.

Jupiter qui domine

Le monde & illumine,

L'Horizon ascendoit,

Lors que nasquit Francisque,

Qui (sans faire réplique)

Par un Joeudy estoit.

Ce DIEU par sa puissance

Volut, qu'à la naissance

D'ISABEL nette qu'or,

Comparussent ses filles,

Déesses & Sibylles,

Et tous les Dieux encor:

Pour de dextre Royalle

Respandre libéralle

Dans Francisque à qui mieux

La Vertu immortelle,

Bonté, & grâce telle

Qu'emperlés sont les cieux.

De ceste née, ó Père,

Parens, affins, ó Mère,

Vous son frère, & ses soeurs,

Prendés liesse & joie,

⁺ Puis qu'ISABEL ondoie

Es eaux d'hautes valleurs.

BENVENOUT magnifique,

Qui as tenus Francisque

De Baptesme aux saints fons,

Avec VAN STEENE affable,

Et WINDEBROUC optable,

Et deux Nymphes de noms

Si la vostre filieulle
(Que DIEU conserver veulle

Sous ses plaisirs divins)

Heureuse se réclame
D'avoir de haute fame

Marines & Parins:

Pareillement vos faces,
Et probités & grâces,

Heureuses je les tiens,

Pour vrais Sucepteurs estre
D'ISABEL, qui cognoistre

Fera vos noms aux siens.

Jupin DIEU de hautesse,
Vous fait ferme promesse

Par la nativité

De ceste amette sainte,
Qu'en elle voirés painte

Haut bruit, gloire, & bonté.

⁺ Piété & humblesse,
Seront de sa jeunesse,

Le chappeau verdoiant:

Ses Parins & Marines,
Et Père & Mère insignes,

En auront plaisir grand.

Plaise au foudroiant Père
(Donnant vie prospère

A ses prochains amis)

Les dons faire apparoistre,
Et les grâces accroistre

Qu'il a dans elle mis.

O FROIT-MONT de tel coeur

Qu'à te monstrer je tâche

Le vouloir & l'ardeur

Que j'ay d'ourdir à l'heur

Vers dignes de ta face:

De tel zèl & ferveur

Je t'advertis sans fainte,

Que j'honnor' la valeur,

Qui à ton trèsgrand heur

Dans ton clair front est painte.

⁺ D'autant en cest Escrit

Peindray d'art immortelle,

Que ton veillant Esprit

D'ardant coeur & esprit

Aus Vertus franc s'attelle.

Maugré tous envieus,

Ton gentil opifice

Tu tâche en studieus,

Le rendre plus heureus

Par oeuvre rare & riche.

Oisiveté n'assaut

Estant dans ta boutique

Ton coeur qui aus bons vaut:

Car d'entendement caut

A ton art tu l'applique.

Or à gants perfumer,

Et enrichir cintures,

Le temps sçais consumer,

Or à chappeaus armer,

De soies & brodures.

Cordons tu façonne or,

De noire crespe & soie,

Et de trèsfin fil d'or,

D'argent sutil encor,

Qui sur le feutre ondoie.

⁺ Parlant en brief, je dis,

Que gentil tu exerce

Ton art, digne de pris,

Et que bien es instruis

Aux traits de ta Commerce.

Tu as incessament

La damasquine ouvrage

Chés toy pour ornement,

Et pour courtoisement

La conduire au gaignage.

Quelque fois, si tu as

Loisir & temps propice,

Tu te délecteras,

Et te plaisanteras

Pour user d'exercice

En tes mains d'empoigner

L'harquebuse gentille:

Or pour lièvres tirer,

Or pour le but toucher,

Et ore la vollile.

Concluant, ó FROIT-MONT,

Recoy ce don, je t'ore,

(Don basty sur le mont

Au double jumeau front)

Comme tes faits j'honnore.

Vers toy, LOSSON, je serois digne

D'ingratitude estre acusé,

Vers toy, dy-je, qui d'homme insigne

De tes biens-faits m'as arousé:

Si sur mon doré Lut d'ivoire

Je ne réanimois de fait

La valleur & bonté notoire,

Qui scintille dans ton pourtrait.

Ton cler pourtrait, face & figure,

A l'image du bon DIEU fait,

De quels dons t'a doué Nature,

Le nous déclare d'oeil parfait:

Hardiment qui voudra se mire

Dans ta face & doux-bénings yeux,

Dira, ó LOSSON, qu'il s'admire

Des dons qu' élargy t'ont les Cieux.

Ta face rend vray tesmoignage

De ta gentille honnesteté:

Tes faits monstrent de ton linage

La bien-famée probité.

En premier lieu la Marchandise,

Qui agaillardit tes cinc sens,

⁺ De grave prudence & requise

De donner les hautains présens.

O bienheureuse la journée,

Auquelle addonas ton Esprit,

Sous Commerce d'honneur bornée,

De vouloir ardant & esprit.

Commerce est de telle efficace,

Qu'elle rend son sujet gentil,

Courtois, & de constante face,

Caut & prudent, sage & sutil.

Qui ne maintiendroit en publique,

Que le franc Négociateur,

Exerceant l'honnoré trafique

De tout art est sustentateur?

Je dis que la Commerce amène,

O LOSSON, te récrée autant,

Que le Ver fait la Philomène,

Et Cérès le Soleil ardant.

Pour quelque fois mettre en arrière,

De ton trafiqu' le soing mordant,

Fredonneras d'art singulière

Quelque doux cromatique Chant.

Nud de facendes, si paresse

Avec oisiveté t'assaut,

De brusque exercice & vitesse

Donter tu la sçais d'Esprit haut.

⁺ Pour vray, ó LOSSON, amiable,

Tu te peus dire fortuné,

Veillant sous Commerce honorable,

Te veoir desous les Vertus né.

Nature apertement desceuvre,

O LOSSON exempt de tout fard,

Par extérieure & ample euvre,

Les dons qu'elle a dans toy espard.

Vis donc, LOSSON humble & affable,

Sous les Marchants traits aigre-dous:

Celuy est comme roche stable,

Qui du temps réverbe les coups.

L'estoillé Ciel soit favourable,

Aux entreprises & dessins

De tes faits, ó LOSSON louable,

Tant que vignes portront raisins:

Bornant d'une Vierge ta couche,

Chaste & aimant pudicité,

Qui de beaus enfans à ta touche

Puist orner ta sénilité.

Plaise au ciel te donner encore

De m'enregistrer volunté

Au cathalogue ou tu mets ore

Les moindres serfs de ta bonté.

Sainct Matthieu Cap. 18.

QUant on veut, mon FAGNIENT, faire & user l'office

(Office que povons divine publier)

D'approcher son prochein pour le réconcilier,

De son commis défaut, péché, mésus, & vice:

Seul le faut accoster, & en place propice,

Qui aisément le veut sous ses saints dits lier.

Autrement s'il ne veut le col au joug plier,

(Afin que les précepts soint en fermeté riche)

Avoir faut quant & luy des tesmoings deux ou trois:

Lors, si d'iceus n'escoute & les commans & vois,

Advertir il en faut la Catholique Eglise.

Refusant d'elle ouïr & son salut & bien,

Tenu soit Publicain, & estimé Payen.

L'obstiné digne n'est de la fidelle hantise.

DEus, trois, & quatre fois heureus je me veus dire,

VAN-DER NOOT, que j'honnore, & tiens pour mon Seigneur,

D'entendre, oyant les tons de ta Lyrique ardeur,

Que mon Lut Bétunois tu chéris & admire.

Volut DIEU, qui fut tel, comme de hautain dire

Tu soustiens, que RONSART des neuf Soeurs conducteur,

N'a en tous ces pays semblable à moy pour l'heur

Qui mieus sçait son archet adapter à sa Lire:

Plustôt certes pouroy du ciel les feus conter,

Qu'ès rares & saints pas de RONSART insister,

Ne fut que comme toy j'euse trouvé la sente:

Luy comme Père il est des Poètes François,

Tout ainssi VAN-DER NOOT, des bien-chantans d'Artois,

De Flandre & de Brabant tu es le Prince & l'ente.

UN Pré verd je cognois,
Que Musique avironne,
Et dans lequel la vois
D'instrumens dous résonne:
Aimer, qui la fleuronne,
Au millieu des fruits siens
Incessamment fredonne
Que SANS PEINE on n'a RIENS.

O Pré, un jour, j'ay foy,
Que nous feras cognoistre,
Sous quel povoir & loy
Ta beauté faits accroistre,
Et les rares fleurs croistre
Dans les limites tiens:
Fleurs qui font apparoistre
Que SANS PEINE on n'a RIENS.

PUIS qu'ANVERS & sa gent admire, aime, & honnore

Les grâces et vertus et magnanimités

De vos célèbres Noms, de haut bruit limités,

De constance, d'honneur, d'amour, & pais encore:

Moy de vos grandeurs serf, droit veut que j'emperle ore

Ce Sonnet de vos noms & générosités:

Emperlé, l'envoier ès Villes & Cités

Qu'on voit au ciel voûté desous luy ferme enclore.

Ce faisant, vos renoms triumphament aillés

De ma JOIE EN LABEUR, sous les cieus estoillés

Volleront tesmoigner par suprême excellence,

Qu'Anvers & ses manans révèrent les pourtraits

De vos immortels noms & négotians faits,

Et moy de vos grandeurs la bonté & clémence.

MA Cléion par icy devant,

D'allègre face,

Se resjouissoit, s'abbrevant

Es eaux de grâce

De mes débonnaires amis:
Or les cognoissant ennemis

D'alme science,

Au profond centre les a mis

D'obscur' silence.

Soit STELSIEN, qui soint ornés

De hautes fammes,

Et de richesses couronnés,

Voir' & des rames

De Mide & Crèse, & hommes tels:
Peu sert d'avoir thrésors mortels,

Qui ne font vivre

L'humain, si les Vers immortels

Ne veut ensuyvre.

Bien peu sert d'Amaltée avoir

La corne & lance,

D'Attale & Crasse en son povoir

L'haute chevance:

⁺ A celuy qui Vertu ne sert,
Et à qui l'ignorance appert

L'âme a ravie:

En l'art des noeuf Soeurs n'estre expert

Vivre est sans vie.

Brief, d'éterniser les vivans

Cléion s'oppose,

Si ne sont des Muses suyvans

Le Carme & prose.

L'alme science en tous ses faits,
Science en laquell' tu te plaits

Comm' débonaire,

N'a que l'ignorant comme sçaits

Pour adversaire.

A bon droit ma sainte Cléion

De Jupin fille,

Et du Délien Apollon

Soeur trèshumile,

Me commande de louenger,
Et avec les heureus renger

D'ardeur fervide,

Cil qu'on voit dévot héberger

Dans Piéride.

A ce coup faut mon STELSIEN

Que j'effectue

Ce que Cléion & frère sien

⁺ M'ont mis en veuë:

Or son commandement j'entens,
Ell'veut que de tous nerfs & sens

Je manifeste

Quels immortels & saints présens

Ornent ta teste.

Mon STELSIEN, escoute donc

D'art singulière,

L'oreille aiant droite qu'un jonc

A ma prière,

Diray, qu' à l'âge de treize ans,
Lors que hantois les doux Enfans

Des neuf Soeurs stables,

Qu'ès Vertus allois repaissans

Tes sens notables.

La Neuveine prendoit plaisir

De sa main propre

D'appas aigres-doux rassaisir

Ton Esprit propre.

De ton haleine aloit coulant
Le miel plus que Nectar flairant,

Ne qu'Ambrosie,

De gloire avois & honneur grand

L'âme saisie.

Mon STELSIEN, lors tu beuvois

Dedans la Couppe.

⁺ De Cléion, qui ornoit ta voix,

Avec sa troupe:

Plaisamment dans les prés des Soeurs,
Thésaurisois le miel des fleurs,

Comme l'avette,

Qui melliflue des liqueurs

Du mont d'Hymette.

En ce temps il ne te chaloit

Que de conquerre

Le fort d'Hélicon haut & droit,

Pour mieux t'enquerre

Des Esprits Orchoméniens,
Où estoit des bas terriens

L'heureus rivage,

Qui immortel prestoit des biens

Sans pleige & gage.

Si quelque jour vas embrasceant

La Mercature,

Tard & tempre te régissant

Sous soing & cure,

Je prie que tu ne sois lassé
D'amplecter d'Esprit disposé

Celle couronne

Qui sur les chiefs d'hommes posé

Tousjours fleuronne.

Que te serviroit d'avoir but

⁺ L'eau Cabaline,

Et avoir apris ton salut

De la Neuveine:

Si tu la viens à délaisser
Pour les négoces avancer

De Marchandise,

Qui sus & sous sçait renverser

L'humaine emprise?

Des filles du DIEU tout-puissant,

Et de Mémoire,

L'avoir, n'est jamais périssant,

Ains vit en gloire:

Tous autres biens, comme les ans,
Par guerre, ou eau, & feu, & tans,

Soudain s'atterrent.

Tout meurt ce que les Cieux luisans

Sous eux enserrent.

La Muse donte de bras fort

Les trois Fatalles,

Et du viellart Charon le sort

Et rames salles.

Elle défie de l'enfer
Pluton, Rhadamante, & le fer

Du chien Cerbère:

D'hautains dits Minos, Lucifer,

Elle verbère.

⁺ Elle donte pour fin final

Styx, Lèthe, & l'Orque,

Du monstre testu animal

Rit & se moque:

Elle encor' combat corps à corps
Du chauve porte-faux les forts

D'haute gouverne:

Victrice elle navige aux ports

De vie éterne.

O heureus trois, quatre, & cinc-fois,

Qui à sa Lyre

Accorde excellemment sa vois

Et son beau dire:

Heureus encor' cent-fois, qui tend
Parvenir au thronne potent

Du jumeau tertre:

Tertre, qui son vassal aprend

Immortel estre.

STELSIEN, je n'ignore point,

Que la Commerce

Soit de gloire un suprême point,

Qui bien l'exerce:

Ouy bien, si le trafiquant,
Quant aux négoces n'est vaquant,

Joieus approche

Des noeuf, qui nous sont provocant

⁺ Suyvre leur force.

Je sçay, que que le nom du Marchant

Par terre & onde

Soigneusement négotiant,

Hautain redonde:

Il est trèsriche renommé,
Du petit & du grand aimé

Par son trafique,

On l'honnore, tant est famé,

Et magnifique.

Mais quand coupé le fil fatal

Luy a la Parque,

Et qu'enmené l'a dans le val

Du vil Nauarque:

S'il n'a des Neuf les dons bramé,
Ou pour le moins les serfs aimé,

Je dits sans trance,

Qu'oubly le tiendra enfermé

Sous sa puissance.

Mon STELSIEN, si tu me dits,

Que toutes choses

Ne sont point (escoute ces dits)

En tous encloses.

Pour approuver le dire tien,
Je t'advertis, que je sçay bien,

Qu'alme Nature

⁺ Douë diverse de son bien

La créature.

Tant de chiefs, tant d'entendemens:

Tant de présences,

Autant d'hommes: tant d'argumens,

Et de sentences:

Je sçay que du fumant rocher
Tout homme ne peut approcher

L'ardeur trèssainte.

Qui vent ne boit, ne peut toucher

Eaux de Corinthe.

Tu sçais, Stelsien, toutefois,

Qu'on doibt contendre,

Après avoir des biens au chois

Vertu apprendre.

Le temps toute chose a dans soy,
D'exercer donques de pied coy

La Mercature,

Sans aimer des vertus la loy

C'est chose impure.

Faits d'autant ès pas de Solon,

Que tu insiste,

Et de Thalète, & de Platon,

De grâce miste:

Qui Sages & Législateurs
S'aquérurent biens & honneurs

⁺ Sous la Commerce,

Heureus qui goustant ses liqueurs

La Vertu cerche.

O félice & heureus Marchant,

Qui s'accompaigne

De Prudence, or négociant

Par mer & plaine:

C'est d'iceus qu'on doibt raisonner,
Et sur les instrumens sonner

D'art animée

L'honneur, qu'on leur voit moissonner

Et renommée.

C'est d'iceus Marchants, sois asseur,

Qu'on doibt sans crainte

Chanter le nom, gloire, & l'honneur

D'amène attainte.

Ils aiment de Vertu les fins,
Comme d'icelle vrais affins,

Et de Prudence:

Ils ont les Esprits Pégasins

En révérence.

Ceux la peuvent, ó comme toy,
Tracher la sente
Qui d'Elisée aux champs convoy'

L'âme vigente:

Continuant ce beau chemin
⁺ Vivant, tes faits d'Esprit béning

Monstre & desceuvre:

Tu sçais STELSIEN que la fin

Couronne l'oeuvre.

Il ne te manque acuité

D'Esprit, ne d'âge,

Ne solerte vivacité,

De tes sens gage:

Pour amplecter, or le sçavoir,
Or Marchandise, or se prouvoir

Des biens de Mide,

Pour aux tiens & á toy povoir

Donner ayde.

A tes dessins l'Altitonnant

Soit favourable,

Ton corps, tes yeux, & couche ornant

De vigeur stable,

De chaste femme & jeune d'ans,
Et d'un thrésor de telz enfans

Comme la Mère,

Et morigénés & sçavans

Comme le Père.

EN LABEUR LIESSE.

SI, ó LOSSON,

Courtois, dous, bon,

Receus mon Hymne

Le jour dernier

Du froit Janvier

Pour saincte estrène:

Dévotement

Et humblement

Je te supplie,

Lire ces vers

D'amour couvers

De chière lie.

Si tu as veu

Et bien cognu

Lisant mon Hymne

Que le Seigneur

Vend au Labeur

Chevanche insigne:

Plus si as leu,

Et bien releu,

Que Marchandise

⁺ Porte le lis

La rose & pris

De gloire exquise:

Aussi voiras,

Qant tu liras

La fin du livre:

Comme amour vend,

Peines pour vent,

Souspirs pour rire.

Brief, entend'ras,

Quant tu voudras,

Qu'Amour ensuyvre,

C'est or morir,

Chanter, périr,

Languir & vivre.

AIANT les flancs de ma langoureuse âme,

(Nymphe & Charite, ó digne des hauts Dieux)

Navrés des darts, dont sont vos bruns clers yeux

Advironnés, & pleins d'ardante flamme:
Vouloir m'est pris, ó ma Charite & Dame,

Afin ma force & sens corroborer,

Naïvement par un Chant vous narrer

Le mal, par qui mon coeur sous vous se pasme.
Animés donc à vostre voix doucette,

Tendre beauté, ce mien amoureus Chant:

Et l'animant, donnés de la bouchette
Nouveaus baisiers à mon coeur languissant.

ARdant desous la beauté

De vostre face luisante,

Oiés de ma loiauté,

La devise triumphante,

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Nuicts & jours suys contemplant,

O Vierge, qui tant m'aggrée,

Vos yeux que voy adorant

De fermeté trèssacrée

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Nourrissière de mes sens,

En publiqu' je vous appelle,

Et des martirs, que je sens,

Causés par vous Nymphe belle.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

⁺ Amour qui dans vos bruns yeux

Invisiblement se loge,

A vostre command au mieux

Pour me férir, d'arts il forge.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Voiés, las! de quel martir

Vos sagettes me tourmentent,

Dans moy vous faictes sentir

Leur force, qui me géhennent.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Advienne ce qu'il voudra,

Au mien coeur, qui est tout vostre,

Trèsconstament chantera,

L'amour de vous et le nostre:

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Nuls tourmens tant soint ils griefs,

Par l'amour que je vous porte,

Ne m'apporteront meschefs,

Ne deuil à mon âme forte,

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

⁺ La plaie qui est dans moy,

Beuvant le sang de mes veines,

Je la porte sans esmoy,

Pour vous qui causés mes peines.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Arousés donc d'amité,

Et de l'eau de vostre grâce,

Et d'amoureuse pité,

Mes yeus, mes sens, & ma face.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Toute beauté de soy doibt

Estre aux Amans gratieuse,

C'est de vray' Vierge le droict

D'estre bénigne & joieuse.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Entendés que la blancheur

Qui sur vostre front se pose,

Tombe & périt en peu d'heur,

Comme du rosier la rose.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, je seray.

Ne perdés le beau Printans,

De vos jours Charite insigne,

⁺ Sans en donner passetans,

A celuy qui en est digne.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Je conçoy en regardant

Vostre maintien dous, sur, grave,

Qu'il est du tout précellant,

Celuy d'Hélène la brave.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Or je diray promptement,

Que vostre face a puissance.

D'enchaînner cil fermement

Qui à l'oeillader s'advance.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

A droit avés pour couleurs

Choisi blanc & verd louable:

D'allégresse sont les fleurs,

Et de chasteté notable.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Ce blanc que je voy nager

Sur vostre clair front, ó Vierge,

N'est point à comparager,

⁺ A l'yvoir' albastre, ou neige.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, o Charite, seray.

Ha, qui pourroit de ce corps

Tastonner la chair mollette,

La diroit de sens accorts,

Blanche que lis & doulliette.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, o Charite, seray.

J'oy Cupidon, qui me dit,

Que la coulleur vermellette,

Qui vos jouës embellit,

De mes maux est la sagette.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, o Charite, seray.

N'aurés-vous doncques mercy

De moy vostre amy fidelle?

Qui se voit, las! en soucy

Pour vous & peine cruelle.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Ordonnés-moy à présent,

Tétin puceau au bout rouge,

Grâce, qu'éternellement

Mon coeur de vostre ne bouge.

⁺ Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Record je suis maintenant:

Belle mignarde & divine,

Que vous estes présumant,

Qu'on ne gaingne riens sans peine.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Telle raison me pouroit

Donner quelque intelligence,

Autrement me défaudroit

A vous servir patience.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Espérant que loiaument,

Me guerdonnerés Charite,

Je chanteray hautement

Riens sans peine on ne mérite.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

Lors me voyant guerdonné

De mon languissant service,

Tout coeur rendray estonné

Que par peine je suis riche.

Tant que vivre je pouray,

Vostre, ô Charite, seray.

REsveille-toy mon libre Esprit,

De Latéenne ardeur esprit,

Sentant qu'approche la journée,

Auquel Amour de Vénus fils

T'enlacea dans les rets & fils

D'une Diane fortunée.

Diane dont l'haute beauté

Fait verdoier ma loiauté

Et Ortélienne constance:

Constance, que le pervers tans,

Ne de mes jours le nombre & ans,

Peur mettre desous sa puissance.

Entre tous les loiaus amans,

D'aimer désireus & bramans,

Trois-fois heureus me dits & clame,

Pour me veoir persévérament

Brûler, ó quel contentement,

Sous ceste Latéenne flamme.

Nature, les Astres, & l'Art,

Les Grâces au maintien mignart,

⁺ Avec la céleste alliance,

Pour de leur hauts dons sainctement

La douër & prodiguement

Assistèrent à sa naissance.

Sans aduler, elle a les yeux

Des noeuf Muses, filles des DIEUX,

Et gravité Junonienne,

Les dorés cheveux d'Appollon,

De Thétis le pied, & talon,

Col & bras de la Cyprienne.

Son parler est de tel aloy,

Qu'il attire desous sa loy,

Celuy qui à l'ouïr s'applique:

Ainsy est de son entregent

Ravy-coeur, affolle-gent,

Et de son visage Angélique.

Approcher certes il me plaît,

Ce doux cler Latéen pourtrait,

Pourtrait de mes sens la lumière,

Qui ó depuis quatre ans enceà

D'aigu regard qui m'élancea,

Me tient captif d'art singulière.

N'est-il vray, mon bien & soulas,

Qu'en May ce fut, May plein d'esbas,

L'an de pais, d'amour, & grâce,

Mille cinc cens cinquante deux,

⁺ Qu'Amour me fit serf gratieux,

De vostre reluisante face?

Souvenir trèsbien il m'en doit,

Quant d'un parler syncère & droit

Je vous présentay mon service:

Vous déclarant d'affection,

Qu'avoy mis, & intention,

A vous servir d'amité riche.

Proposé du tout je n'avoy

L'amour, que dans moy concevoy

(De ma vie maistresse & dame)

Quant me promités librement

De m'aymer cordiallement

A tousjours-mais d'esprit & d'âme.

Encore m'asseuraté vous,

D'un parler bénévole & doux,

Monstrant de m'aimer bonne envie,

D'autre amy à moy n'égaller,

Ne d'autre que moy accoller

En purité, pour nulle vie.

Incontinent, & dès alors,

Que senty les flancs de mon corps

Pénétrés de telle promesse,

Je fis sur le fumant autel

De Cupidon voeu immortel,

Diane, vous servir sans cesse.

⁺ Niucts & jours, hélas bien souvent

Habandonné me suis au vent,

Et à la pluie, orage, & neige,

Pour mes passions vous narrer,

Et divinement me mirer

Dans vos scintillans yeux, ó Vierge.

En toute humble syncérité,

Et trèsdévote purité,

De vostre coraline bouche

Prendoy le baiser au partir,

Qui me faisoit le miel sentir

De la cueille-fleurette mouche.

O quante-fois avec honneur

Ay-je tastonné la douceur

De vos mains blanches & doulliettes,

Bien-heurant l'heure, & l'an, & jour,

Que nous avoit le Dieu d'amour

Navrés de pareilles sagettes.

Risées pleines de plaisir,

Vous me donnis à mon choisir,

Avec un maintien honnorable,

M'amadouant tant doucement,

Las! que quasi l'entendement

Perdoy, & le parler affable.

Tousjours estoit vostre parler,

Amy, ou voulés-vous aller?

⁺ Devisons, je vous prie, encore:

Allégeance de moy aurés

Des travaux que pour moy souffrés.

Vostre coeur j'embrasse & honore.

Excellence & civilité,

Courtoisie & humilité,

Douceur, bonté, bénévolence,

Grâce, amour, & urbanité,

Compassion, suavité,

Faisoit lors dans vous résidence.

Las! maintenant las! ó hélas!

Moy qui captif suis dans vos laqs:

Je perçoy, que rigeur félonne,

Ingratitude, & cruauté,

Orgueil, fieresse & aspreté,

Vostre gentil coeur advironne.

Regarder, hélas! me souliés,

D'yeux dans syncérité moulliés,

Las! & de face trèsjoieuse:

Mais à présent je voy, hélas!

Que de vos regards mes appas

Vous m'estes avaricieuse.

Ignorer, hélas! ne pouriés

O ma Charite, quant voudriés,

Que sans vous je ne peux plus vivre

Moins, ó hélas, sans aborder

⁺ Vos yeux, qui d'un seul regarder

Ont pouvoir me faire revivre.

Ennvy, perplexité, langeur

Tristesse, changrin, & douleur,

Angoise, passion, & trance,

Me livrent l'assaut à tous coups,

Qu'approcher je ne puis de vous,

De vous, de mes maux l'allégeance.

Notoire il vous est, je le sçay,

Quant à vous aimer fis assay,

Que vous estiés ó la première:

Et serés, tant que je vivray,

Et qu'halener, las! je pouray,

Maugré envie, la dernière.

Soyés d'autant meute à pité,

Octroiant d'entière amité,

A mes griefs langeurs récompense,

Afin, hélas! que reproché

Ne vous soit, hélas! qu'avanché

La mort vous m'auriés sans offense.

Soit, las! que la commodité

De s'entre-parler, ma santé,

A vous & à moy soit ostée:

Je sçay, que s'y voulés pourvoir,

Que l'occasion de nous veoir

Vous sera, quant voudrés, prestée.

⁺ Amour est de telle vertu,

Que celuy qui en est vestu

Purement & de grâce vive,

Permet que le fidel amant

En loiauté persévérant

A son but tousjours il arrive.

Nymphe, je voy que si Amour

Faisoit dans vous gentil séjour,

Comme vous le faites entendre,

Qu'envieus & langars pervers

Ne seroint à nos amours verds

Par faus raports faire fin prendre.

Sur mesdisans tombe malheur,

Qui entre le vray serviteur

Et la maistresse bien-aimée

Taschent mettre par raports faus

Dissention, noise, & assauts,

Et amité envenimée.

Présente soy devant mes yeus

Tel malheur qui voudra au mieus,

O ma Diane, je vous jure,

Que constament vous serviray

Et fidellement aymeray,

Au despit d'envie, & mort sure.

Edifiés donc du passé,

D'âme & de coeur bien disposé,

⁺ Les promesses inviolables

Que cent & cent-fois m'avés fait,

Commandant à vostre oeil parfait

Raionner mes sens délectables.

Joindons je vous pry' saintement,

Mes amours, mon esbatement,

Nos coeurs en une mesme haleine,

Ainsy dirons allaigrement,

D'un coeur, d'un veuil, d'un pensement,

Qu'on acquiert çà-bas Riens sans peine.

Nos irrévocables advis

Seroient maintenus & produis,

Magnanimes & véritables,

Veu que par un égal traveil

Aurions conquis sous ce Soleil,

Le Fort de nos amours flagrables.

Escharpe verte porteroy,

Joincte au blanc condigne d'un Roy,

Mais ce seroit, ó ma Déesse,

Pour perillustrer vos colleurs,

Et maintenir par dits asseurs

Que ma vie estes & liesse.

Vous avés choisi purement

Le vermeil, qui est clèrement

De vos jouës riche émaillure,

Et de vos lèvres corail fin:

⁺ De vostre pomelé tétin

La ravissante aornature.

Après cela, ce blanc poly,

Que pour couleur avés choisy,

Au long de vous, cler, il ondoie,

La vostre beauté descouvrant,

Que loyaument suis révérant,

Or veillant, or allant en voye.

Ne reste autre chose, ó ma fleur,

Qui douée estes de bon heur,

De beauté, de grâce, & de gloire,

De moy vostre humble serviteur,

Consumant sous la vostre ardeur,

Avoir de luy quelque mémoire.

Les DIEUX punissent à l'envy

Le coeur de la Vierge saisy

De détestable ingratitude,

Qui de son vray serf n'aiant soing,

Rejette sa prière au loing,

De face orgueilleuse, aspre, & sure.

Advisés or, mon seul espoir,

En tel accident ne cheoir,

Accident, hélas! effroyable,

Vous priant pour conclusion

Prendre en recommandation,

M'amie, la Chienne amiable.

⁺ Trois & quatre & cinc mille fois

Heureux le diray d'haute vois,

Vostre le voiant, ó Charite,

Qui le flattés tant doucement,

Tant à plaisir & mistement,

Plus que chose digne d'élite.

Ensuis la Chienne, je te supply,

De pied en vitesse accomply,

Et de gaillardise avérée:

Aimer, servir, & la garder,

Il te convient & l'applauder,

D'oeillade aigue & révérée,

Nourry seras d'appas trèsgloux,

Trèsfrians, délicatz, & doux,

Faits qu'auprès d'elle tu ne bouge

Mourant iras te mettre aux Cieux

Comme Orion, ou beaucoup mieux,

Gentil blanc Chien marqué de rouge.

EN LABEUR LIESSE.

DE Cupidon les flèches

Maudiray & carquois,

Estincellantes mèches

De mes sens, coeur, & vois:

Puis je maudiray l'heure,

La minute, & le jour,

L'an, & mois, qui desceuvre;

Cruelle, des Dieux l'euvre,

Qu'en toy mit mon amour.

Ton amour m'a fait guerre

Trois ans entièrement,

Sans, las! de moy t'enquerre

S'il me donnoit tourment.

Ton amour, Cruell' Dame,

Continuellement

Martirise man âme

Tellement que sa flamme

Me brûle entièrement.

N'es-tu pas, ó Cruelle,

(Dits le moy hardiment)

⁺ Ingrate Damoiselle,

D'aigre & sûr jugement,

De faire endurer peines

A un tien serf d'honneur,

Qui sept vingts dix sepmaines

En choses trèshautaines

Monstré t'a sa valleur?

Ignore-tu, Cruelle,

Le service parfait,

(Muny de fervent zelle)

Qu'a ton adveu j'ay fait?

Ignore-tu, Cruelle,

En quels frais me suis mis,

Pour de toy, Dame felle,
Avoir l'oeillade isnelle,

Maugré tous ennemis?

Ne sçais-tu, Dame fière,

Qu'ay passé deux cent nuitz

Sous la claire lumière

De tes yeux, mes déduitz?

Ces mots sont sans reproche,

Je le dis clairement:

De ton parler l'amorce
M'en a donné la force,

Et éguillonnement.

Ta devise trop veine,

⁺ Jamais autre aimeray,

M'a puny, mais sans peine

Sans varier seray.

Je pensois par service

Généreux & loial,

Parvenir à l'office
D'estre, ó Cruelle ciche,

Ton magnifiqu' Vassal.

J'avoy bonne espérance,

Pensant à ton advis,

Avoir la jouissance

De ton rutilant vis.

La tienne, hélas! devise,

Jusqu' a l'heur' m'a trompé:

Toutefois je t'advise,
Qu'ell' m'a, dont je la prise,

Dans constance trempé.

Riens sans peine aspre & dure,

Eût esté pour mourir,

Cruelle créature,

N'estimoy acquérir.

Mon but & noble adresse

Estoit las! d'endurer

Peine, angoisse, & détresse,
Pour, las! de ta jeunesse

Le doux miel savourer.

⁺ J'avoy mis mon entente,

Et pure affection,

Souffrir peine fervente,

A ton intention.

Ha, langoureuse attente,

O advis langoureux,

O Peine véhémente,
Ta devise tourmente,

Mon esprit généreus.

De zelle débonnaire

J'ay ton dire adoré

Riens est le mien salaire,

Dont j'en suis honoré.

Hélas! si ta devise

Syncère elle eût esté,

Tu n'aurois veu ne prise
Par cauteleuse emprise,

Des fruits de mon Esté.

Je voy à l'apparence

Qu'ay fait peine pour riens,

En cela, la constance

Se monstre des sens miens,

Pour riens, peine impatible,

Trois Ans, comme il appert,

En un feu invisible,
Par eau inextinguible,

⁺ Pour toy, las! j'ay souffert.

Cruelle, tu me paie,

D'un riens bien lachement:

La peine, c'est ma paie,

Et mon guerdonnement.

Je crains te voir punie

D'aigres maux en ces lieus,

A cruauté unie,
Je te voy, & munye

D'ingratitude au mieus.

Ce grand Dieu qui abhorre

Le cruel ingrat coeur,

Juste le fait enclorre,

Au centre de terreur.

Cruelle, pour conclure,

Tu as encor en main

Ma peine ardante & sûre
De ton eau sainte & pure

Guérir, y mettant main.

Ne soeuffre que je tombe

En pérennel gémir,

Et en l'obscure tombe

D'ennuy & long dormir.

A grant péché & vice

Te seroit imputé,

De faire, comme nice,
⁺ Desous le tien service,

Mourir ma loyauté.

Il est digne de grâce,

Qui bien la cerche & quiert,

Et qui de stable face

Assistence requiert.

Tu m'as dits des fois mille

Jamais autre aimeray,

Sois-moy doncques gentille:
Ce faisant d'homme habille

Sans varier seray.

Puis diray d'art louable,

Que grâce ay obtenu,

D'une Cruelle instable,

Et sa bonté cognu.

Je diray d'avantage,

Que pour peine ay trouvé

Douceur dans le visage,
D'un haut cruel courage,

Ou ma peine ay lavé.

Voir', je diray sans fainte,

Que pour peine ay gousté

Ton Ambrosie sainte,

Au lieu de cruauté.

Autrement par l'Europe

J'élanceray un dart,

⁺ Qui comme vent en poupe,
Portera haut en croupe

Ta cruauté & fart.

Et pour mieux faire entendre

Quelle est ta cruauté,

Je la feray apprendre

A toute humanité.

Le Ciel prendra vengeance,

(De mes maux estonné)

De ton outrecuidance,
Qui m'a à grande outrance,

Peine, & travaux donné.

Oiselets en boscage,

Marris de ma langeur,

Chanteront d'haut courage,

Que cruel est ton coeur.

L'air, le feu, terre, & l'onde,

Diront incessament,

Que ta beauté féconde
De ténèbre profonde

Digne est certainement.

D'animaux la cohorte

Bruiront, qu'avoir tu dois

De cruauté la forte

Prison, & les destrois,

Les Tritons & Naiades,
⁺ Diront d'égalle vois,

Avec les Oréades,

Hymnides & Dryades,

Que digne es d'aspre crois.

Vénus & sa séquelle,

Oiant ce piteux ton,

Te transform'ra, Cruelle,

En Cygne, arbre, ou Luiton.

Le tout pour Cruelle estre,

Ingrate & felle aussi,

A cil qui en cest Estre
Servi t'a comme adextre,

Sans regret & soucy.

Comme un second Pirance

T'aiant servi, mouray:

Et sous ton inconstance

Mes jours je fineray.

A toy felle Chrestienne,

(N'aiant de moy pité)

Subitement t'advienne
Comme à Méridienne
Serve de cruauté.

Or à fin que toute âme

Sache la verité,

Qui m'a mis sous la lame,

Et en terre bouté:

⁺ Desus ma sépulture

Ferme feray graver,

Que ta beauté mature
Sa cruauté trèssûre

Vif, m'a fait esprouver.

Qui est, dis-moy, celuy qui ne louengeroit,

Magnifique SORIA, de ta gentille face

La douce gravité d'amour comblée & grâce,

Et la bonté qui naist dans ton vray coeur & droit?

Par augustes raisons maintiendray orendroi,

Que les tapissés feus & la céleste race

Vindrent, quant tu naquis en ceste basse place,

Pour te faire en grandeur trèsheureus & adroit.

Or puis que de hauts dons aornée est ton âme,

Fais magnaniment scintiller haut la flame

De ta noble grandeur çà-bas entre mortels:

Ce faisant, tu voiras ton Renom en Pin croistre,

Tes ans comme un Laurier verdoier & accroistre,

Et par mes Vers fiché au but des immortels.

COgnoissant qui vaut mieus pour accroistre la vie,

Ouvrir appertement les secrets de son coeur,

Rejettant loing de luy crainte, deuil, & langeur,

Notifiant le mal, duquel l'âme est saisie:

Eprits suis d'une ardeur dans vos bruns yeux choisie,

Loiallement vous dire avec grâce & honneur,

En quel aspre martir, & géhenne, & douleur,

A présent mon âme est par vostre amour ravie.

Espoir me dit, pour vray, que la vostre douceur

Recevera de moy, vostre entier serviteur,

Tout ce qu'escrit voirés dans ceste Ode ensuyvante.

Splendide la dirés comme l'or, la lisant,

Et comme un verd Laurier en Amour flourissant,

N'abjettés donc le don qu'humble à vos pieds je plante.

Ode sans plus tarder
Va-toy au sein darder
De cell' Charite Vierge,
Dont je me dits Vassal,
Vermeille que coral,
Blanche que lis, ou neige.

CE triumphant archer

Qui loge en vos yeux, Dame,

Trèsexpert en percher,

D'un sutil décocher,

Des vrais Amoureus l'âme,

Me fait vous approcher,

Afin vous déboucher

Les langeurs que je porte,

Causés, hélas, par vous,

Qui tenés mon coeur dous

Captif dans prison forte.

C'est Cupidon, hélas,

Ma divine Charite,

Qui envers vous mes pas

Sans mesure & compas

Conduit, hardi & vite.

⁺ Ha, c'est luy qui contraint

Mon coeur, hélas, attaint

De vostre amour flagrable,

Ses maux vous révéler:

A vous qui consoler

Le pouvés d'art notable.

Sans ce grand Dieu d'amour

Je n'auroy l'hardiesse

D'approcher le beau jour

De vos yeux, le séjour

De ma vie & liesse.

Or estant de luy point,

Las, qui n'oseroit point

Par honneste accointance

Sa Maistresse aborder,

Las, pour luy demander

De ses maux allégeance?

Cil qui d'affection

Purement aime Vierge,

D'humble allégation

Prendra l'invention,

Et à bien parler cherge.

Telle est ma loiauté

Et juste volunté

Faire de vous approche.

Qui ne veut guérison

⁺ Cercher en sa saison,

Digne il est de reproche.

Craindant donc empirer

Le mal, qui me tourmente,

Dans vous me veux mirer,

Qui faites respirer

Ma peine véhémente.

Soit vray que de vos yeus

Qui m'enflamment au mieus,

D'avoir je ne mérite

Ung moindre raionnet:

Si est ce qu'en coeur net

Compation milite.

Hélas, compation,

En foeulletant ceste oeuvre,

De mon affliction

Et perturbation

Prendre debvriés à l'heure.

Long temps yà, voiés,

Que mes sens sont plongiés

Dans la noire prunelle

(Des yeux estincelants,

Comme Astres flamboiants)

De vous Charite belle.

Des jours, las, j'ay passé

En tristesse poindante

⁺ Pour n'avoir confessé

Non mal, par vous causé,

A personne vivante.

Mais, hélas! prévoiant

Mon mal estre augmentant,

Vostre Angélique face

Dit, qu'elle recepv'ra

Mes dits, & qu'elle aura

De moy pité, par grâce.

Prendés donques pité

De la verte jeunesse

De cil, qui amité

Vous a tousjours porté,

Souffrant pour vous détresse.

Quant quelqu'un me disoit,

Que mon oeil se plaisoit,

A vous oeillader belle:

En loial amoureux

Je devenoy joieux,

Vous aimant de haute zelle.

Charite, le seul bien,

Où mon Ame est plantée,

Par vostre beau maintien,

Avés, & entretien,

O ma vie héritée.

J'ay bien voulu d'autant,

⁺ Nymphe que j'ayme-tant

Vous donner à entendre,

Par dits pleins de douceur,

Que suis vray serviteur,

De vostre beauté tendre.

Par ces bénings Escripts,

Voirés Charite belle,

Que mes Sens & Esprits,

Sont ardans & espris

Sous vous comme estincelle:

Soit beuvant ou veillant,

Allant & sommeillant,

En Bourse, Eglise, ou Rue,

Je n'ay, las! pensement,

Que de veoir instamment

Vostre oeil, qui m'esvertue.

Si je suis en Contoir,

Pour lire ou pour escrire,

Vostre oeil venant s'assoir

Près de moy d'haut vouloir

Je lamente & souspire,

Non que suis contristé,

O de veoir aresté

Devant moy vostre Idée,

Mais je suis rougissant,

Qu'elle ne m'est disant,

⁺ Que d'elle suis aimée.

Plus vostre que mien, las!

Je me dis, & réclame,

Vous estes le soulas

De mon coeur, qui n'est las

Vous honorer sans blame.

O si par oraison

Me tiriés de prison,

Où vostre oeil cler m'enserre,

En trèshautainne voix

Je me dirois mil' fois

Plus heureux de la terre.

S'adjouster j'osoy foy

Aux visions nocturnes,

Je dirois en motz coy,

Qu' à vous suis, vous à moy.

Maugré toute adventure

De vostre amour remply

Je voiroy accomply

Mon songe & ma pensée,

De vostre divine eau

Mon coeur, âme, & cerveau

Seroit, las, arousée.

Par ainsi fortuné

Me diroy en ce monde,

Pour me veoir guerdonné

⁺ D'ung coeur, & beauté né,

Et en purité munde.-

Je dirois, qu'un songer

M'auroit volu renger

En trèsconstante place:

Voir' que seroy poursuis,

Moy qui tout vostre suis,

De vostre sainte grâce.

Charite, j'ay espoir,

Que vostre doux courage

Me fera ung jour veoir

Le béning concevoir

De vostre clair visage.

En gentille beauté

Aucune cruauté

Ne demeure ou réside:

Gentille je vous dits,

Pour autant vos beaus dits,

Me serviront d'aide.

Je n'engendre aucun doeul

Vous aimant, ó Charite,

Car d'amoureux accoeul

Vostre clair-voiant oeul

Paist mon coeur d'haut mérite.

Si vous m'aimes ou non,

A tousjours vostre nom

⁺ Auray en ma mémoire.

Et si ne cesseray,

Tant que vivant seray,

D'extoller vostre gloire.

Ma vie je mettray,

Charite en beauté riche,

Et biens tant qu'en auray

Les habandonneray,

Pour vous faire service.

Les périls & dangers

Plus petis & légers

J'estim'roy que la plume,

Si vouliés appaiser

D'un amoureux baiser

L'amour qui me consume.

Car quel confort doré

Me donneroit la Rose,

Que j'auroy odoré,

Chérit & honoré,

Plus que royalle chose:

Si quelqu'un lendemain

Venoit d'habille main

Cueiller ma Rose, & prendre

Son Printans & Esté:

Peu m'auroit profité,

Aimer sa beauté tendre.

⁺ Hélas, mon seul thrésor,

Si amour de sa flèche,

Acérée & plein d'or,

Avoit dedans vous or,

Comme dans moy fait brèche:

Il n'y auroit mortel,

Qui par nul coup mortel,

Pouroit l'amour desjondre,

Qui seroit entre nous,

Que Christ, par desus tous,

Qui deslie & fait jondre.

Ce m'est un grand travail,

Me mirant, ó Divine,

Dans vos yeux, mon Soleil,

Quant ne sens le pareil

Pour adoucir ma peine.

Las! sans party aimer,

C'est un mal doux-amer,

Et cruelle torture:

C'est un mal, qui conduit

Cil qui aime au conduit

De mort fière, aspre, & sûre.

Bien qu'en vray Amateur

Je monstray ó Charite,

Qu'Espoir est le bras seur

Du loial serviteur,

⁺ Désireus d'haut mérite.

De vostre oeil mon regard,

Qui mes sens brûle & ard,

Je ne sçaurois distraire

Mon oeil d'auprès de luy,

Vostre oeil peut aujourd'huy

Tous amants à soy traire.

Je fais au Dieux serment,

Que des lieux la distance

Ne serra mouvement,

Que mon entendement

Vous ait en oubliance:

Car mes esprits vitaux,

Qui vous sont vrais Vassaux,

Tousjours ils m'éguillonnent

A vostre adveu chanter,

Et sur mon Lut noter

Chansons qui vous couronnent.

Vous aimer m'est plaisant,

Puis qu'aimer est racine

De l'esprit flourissant,

S'il estoit guérissant,

L'amant per médecine:

Mais, las! on ne sçauroit,

Quant de l'or on voudroit

Donner une mesure,

⁺ Médicine trouver,

Pour guérir & saner

L'amoureuse blessure.

Bienheureux est l'Amant,

Auquel la grâce est faite,

Hélas, auparavant

Qu'on le voit, las, mourant

Pour sa Dame parfaite:

Certe il faut procurer,

Pour nettement curer

Toute amoureuse plaie,

Que l'Amant à tout heur

De sa Dame d'honneur,

D'impétrer grâce assaie.

Car grâce pourchassant,

Possible ma prière

Ira se consolant

Et son mal confortant

En grâce singulière.

Qui confesse humblement

Et amoureusement

Sa passion trèsgriève,

Cupidon n'est tant fier,

Qui ne donne au prier

Allégeance bien briève.

Je choisiray tel but,

⁺ Vous servant, ó Charite,

En beauté gist salut,

Et gratieus tribut,

Pour cil qui le mérite.

Si vostre m'acceptés,

Et dedans vous m'entés,

Par tous les Dieux je jure,

Que pour bien vous servir,

Aimer, & obéir,

Nuicts & jours prendray cure.

Cela exécutant,

Grâce pouray acquerre

De vous, en me rendant

Vostre fidel servant:

Et prest à vous complaire.

J'ay mis un tel amour

Dans vous, que nuict ne jour

Je ne dors ne repose:

Charite, cela vient,

Et sainctement provient,

Qu'en vous ma vie est close.

D'autant suis conseillié

Pour vous mourir & vivre,

Et bien appareillié

(N'en soiés merveillié)

Vostre amour par tout suyvre,

⁺ Aux grans Dieux je faits voeus,

Que tout ce que je veus

Vostre amour me le cède:

Si quelque fois joyeus

Je suis, ou langoureus,

De vostre amour procède.

Or pour conclusion,

Sachiés qu'en vous consiste

La salubre onction

De la salvation

Qu'en aimer je persiste.

Sus donc d'esprit courtois,

Recevés sous les toicts

De vos yeux, ma lumière,

Cil qui s'est dédié

De coeur humilié

A vous toute première.

Ces miens vers serviront

De tesmoings à mon dire,

Tesmoings qui dureront

Tant que navigeront

Mariniers en navire.

Tesmoings seront ces vers

De mes dits, tant qu'Anvers

Sera droicte & entière:

Voir' jusques à tant

⁺ Qu'y sera reflotant

De Schelde la rivière.

Vous pouvés par ces vers

A vostre aise cognoistre,

Qu'Amour veut mes ans verds

De loyauté couvers

Vostres faire apparoistre:

En somme, cognoistrés

Par ces Vers de bien près

Le zèl' qu'ay à vostre estre:

Ces Vers vous récit'ront,

Que mes sens vous aim'ront

Constament en cest Estre.

Ruminés cependant

Charite ma Maistresse,

D'esprit & oeil veillant

Ces Vers, en pardonnant

Ma trop grande hardiesse.

Laquelle (ó à mon gré)

Sur d'Amour le degré,

Et de vostre jeune âge,

M'a fait ces Vers graver,

Que nés suis, sans braver,

Pour vous porter homage.

C'est donc d'Amour le Dieu,

Qui m'a baillé la lime,

⁺ Pour du profond meillieu

De mon coeur, en ce lieu

D'art gentille & sublime

Polir & agenser,

Orner & lambriser,

Ceste ODE sainte & pure,

Qui vous fera sentir

L'impatible martir

Que pour vous, las! j'endure.

Voilà l'occasion,

Et cause trèscertaine,

De ma rescription,

Et déclaration,

De mon angoise & peine:

Voilà de ce total

Des points le principal,

Qu'Amour, de mon coeur guide,

Pour me souffrager né,

Par ces Vers m'a donné,

De vous accoster bride.

Veu donc ceste raison,

Charite je vous prie,

D'amour loial, doux, bon,

Recevoir ce haut don

D'esprit, & chière lie:

Il vous est présenté.

⁺ D'un coeur plein de bonté

Et face obéissante,

O il vous est offert

D'esprit & coeur, couvert

D'amité flourissante.

Ce présent immortel,

Qu'Amour divin vous mande,

Vous est fait de coeur tel

Comm' moy, povre mortel,

Aux Dieux je faitz offrande.

Ce présent causera

Qu'à tousjours-mais sera

Vostre Renom & gloire

Au sommet appendu,

Gravé & estendu

Au Temple de Mémoire.

Faisant fin, derechief

Je vous prie & exore,

Vouloir (parlant en brief,)

Au creux de vostre chief

Nostre amité enclore.

Faites que les vivans

N'aillent pas s'abbreuvans

Dans cest ODE trèsclère.

Faites qu'Ame çà-bas

La fleur n'odore pas

⁺ De nostre amour syncère.

Faites, las! tellement,

Charite, des Dieus race,

Que du haut firmament

L'amoureus parlement

De nostre amour ne sache.

Faites que nous vivions

Par-ensemble & mourions

Sous la félice enseigne

D'amour divin & saint,

Qui soit de nos coeurs ceint,

Comm' l'arbre est de la vigne.

EN LABEUR LIESSE.

Fleurissant en honneur, parangon de beauté,
Esclave de Vertu, & de bonté ancelle,
Recevés, je vous pri', ma sainte Tourterelle,
De moy, vostre humble serf, ce don d'aménité:
Je l'ay de mes douleurs & passions enté,
Nourris du DIEU, qui est dedans vostre prunelle:
Amour est son saint nom, qui jours & nuits, Pucelle,
Navre & point de ses dards ma vraye loyauté:
Daignés prendre d'autant de moy compassion,
O Charit', le seul bien de ma salvation,
Yeus, coeur, & sens, j'ay mis sous vostre douce humblesse.
En prendant, ó hélas, de moy quelque pité,
Narreray en tous lieus, que la vostre amité
Soustient mes jours, & pas, ma vie, & ma jeunesse.

VOS bruns cler-voyans yeus & angélique face,

Et de vostre beau corps le dous-grave entregent,

Orné d'Esprit gentil, divin, veillant, & gent,

Nymphe d'haute beauté, d'honneur, de gloire & grâce:

Commandent à ma bouche en la présente place

Réciter, que serf suis de vostre oeil refulgent,

Ardant, Nymphe, ó hélas! sous le flambeau vigent,

De vostre beau pourtrait, qui dans ses retz m'enlace.

Recevés, je vous prie, affectueusement,

Tendre Nymphe, celuy qui veut syncèrement

Servir vostre beauté d'esprit, de coeur, & d'âme:

Et en lisant ces Vers bastis à vostre honneur,

Nuicts & jours faites-moy tant de grâce & faveur,

Que servir je vous puis, & appeller ma Dame.

PUIS que l'alme Nature au vouloir des hauts Cieus,

T'a mis dedans la main un tel pinceau & plume,

Qui conduits de tes doigts, du regardant allume,

Ravit, & esblouït & les sens, coeur, & yeux:

Tu doibs faire cognoistre ès Antverpiens lieus

De ton art les vifs traits à l'exemple & coustume

De ceux qui le bon Dieu de ses présens parfume,

Pour te faire admirer des Roys & demy-Dieux.

ANVERS, des bons esprits & nourrice & rivage,

N'eut onques Escrivain (fors toy) qui son ouvraige

Sçeut mieus perlucider, pindre, & faire parler,

Parquoy desceuvre hardy les saints dons que Nature

Prodigue elle a enté dans toy, comme aiant cure

Ta plume & ton nom voir par terre & cieux voler.

VOlut DIEU, ó Poetou, que mon pinceau, & plume,

Au vif pourtraire il peut l'honneur, qu'as mérité,

Et le haut Divin don, dont Dieu t'a hérité,

Don, qui des vertueus les Esprits haut allume.

Joieus suis, que tu prens soulas, & soing, & cure,

Vivant, d'éterniser tes Patrons & Amis:

Patrons, di-je, Poetou, que Christ t'a ès mains mis,

Pour célébrer leur noms par la tienne escriture.

Plaise à l'Olympien, Poetou, te donner grâce,

D'ensuivre le chemin par toy encommencé.

Ce faisant des Héros te voiras advancé,

Par les grâces dont Dieu aorné a ta face.

PUIS que ce mien Labeur, qu'humble & dévot je livre

(VAN-DER NOOT, serf des Noeuf) aus pieds de ton Renom,

Triumphant porte en teste & au meillieu ton Nom,

Ne convient-il aussy, qu'il soit au fin du Livre?

Vraiment il y sera: car si quelqu'un luy livre

Parolles sans saveur, sans sel, huyle, & raison,

Aiant dans trois hauts Forts hardie guernison,

Magnanime voudra son adversaire ensuyvre.

Si lors forché il est, quelque argument dresser,

Pour courageusement son ennemi presser,

Le vaincre, & confuter d'acuité gaillarde:

Je croy, ó VAN-DER NOOT, fauteur de bons Esprits,

Qu' à mes Labeurs seras dans LIESSE confits

Advangarde, Bataille, & preuse Arièrgarde.

DE TA NOBLESSE

Le trèshumble, trèsobeissant, & trèsdévot

Guillaume de Poetou

Bétunois.

+ A2v = fol. 2v

+ A3r = fol. 3r

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+ A4r = fol. 4r

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+ B1r = fol. 5r

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+ B2r = fol. 6r

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+ B3r = fol. 7r

+ B4r = fol. 8r

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+ C1r = fol. 9r

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+ C2r = fol. 10r

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+ C3r = fol. 11r

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+ C4r = fol. 12r

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+ D1r = fol. 13r

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+ D2r = fol. 14r

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+ D3r = fol. 15r

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+ D4r = fol. 16r

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+ E1r = fol. 17r

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+ E2r = fol. 18r

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+ I4r = fol. 36r

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+ P4r = fol. 60r

+ P4v = fol. 60v

+ Q1r = fol. 61r

+ Q1v = fol. 61v

+ Q2r = fol. 62r

+ Q2v = fol. 62v

+ Q3r = fol. 63r

+ A1r = fol. 1r

+ A1v = fol. 1v

+ A2r = fol. 2r

+ B3v = fol. 7v

+ E3v = fol. 19v

+ E4r = fol. 20r

+ E4v = fol. 20v

+ F1r = fol. 21r

+ F2v = fol. 22v

+ G2v = fol. 26v

+ G3r = fol. 27r

+ G4r = fol. 28r

+ G4v = fol. 28v

+ H4r = fol. 32r

+ I1v = fol. 33v

+ I2r = fol. 34r

+ I2v = fol. 34v

+ I3r = fol. 35r

+ I3v = fol. 35v

+ K4v = fol. 40v

+ L1v = fol. 41v

+ L2r = fol. 42r

+ M1r = fol. 45r

+ N2r = fol. 50r

+ O2v = fol. 54v

+ O3r = fol. 55r

+ Q3v = fol. 63v

+ Q4r = fol. 64r

+ Q4v = fol. 64v

+ R1r = fol. 65r

+ R1v = fol. 65v