Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd14 april 1751Monsieur le bourguemaître Ter Smitten me vint faire une visite. Je lui dis, que j'étois charmé de le voir; que mon dessein avoit été d'envoyer lui faire un compliment pour m'excuser de ce que je ne lui allois pas rendre mes devoirs et pour le prier de vouloir bien me faire le plaisir de passer à son loisir chez moi, puisque je ne pouvois pas sortir encore. Après un peu de conversation indifférente, il commenca de lui-même et le premier à me parler du krijgsraad d'Amsterdam et de l'élection, que l'on y avoit faite de Van HengelenGa naar voetnoot1). Il me dit que ce nouveau colonel étoit et avoit toujours été un des plus violents contre le Prince et contre sa maison; que les colonels Stadlander, Victor et Du PeirouGa naar voetnoot2) avoient voté un nommé Locket; que Van Hengelen, qui étoit le plus ancien capitaine, votant le premier après les colonels s'étoit voté lui-même et qu'il avoit eu (ni fallor) toutes les autres voix; que c'étoit un jeu joué et un concert fait entre les colonels et le reste du krijgsraad; que ces messieurs auroient dû demander au Prince si la personne étoit agréable avant d'élire finalement; les colonels ayant pro forma voté Locket parceque c'est un homme bien disposé pour le Prince (et il parla d'un autre dont il ne put se remettre le nom, mais qui étoit bien disposé et qu'on auroit aussi pu choisir); que l'on avoit | |
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encore depuis élu deux capitaines très mal disposés et que si cela continuoit, tout le krijgsraad seroit dans peu contre le Prince et contre tous ceux, que le Prince avoit placés à Amsterdam; ce dont il me laissoit juger par rapport aux conséquences. Je lui demandai, s'il jugeoit, qu'il auroit mieux valu que tout le krijgsraad (y compris lieutenants et enseignes) eussent assisté et voté à l'élection d'un colonel et je lui dis en même tems pour son information, que les colonels avoient été chez moiGa naar voetnoot3) et m'avoient parlé de cette affaire et de leurs doutes si c'étoit à tous les officiers, ou bien aux colonels et aux capitaines à l'exclusion des lieutenants et enseignes à remplir les vacatures dans leur conseil de guerre; que j'en avois entretenu le Prince; que le Prince avoit décidé la chose pour les colonels et capitaines seuls et sans les lieutenants et enseignes, sans m'en parler; que j'avois appris la décision par les colonels et que je l'avois approuvée, parcequ'il me sembloit, que le parti le plus prudent étoit de prendre le moindre nombre, qui étoit plus facile à diriger que le plus grand et que le Prince étoit en droit seul expliquer ses propres paroles de l'interprétation desquelles il s'agissoit. Monsieur Ter Smitten me dit, qu'il étoit d'opinion, qu'il valoit mieux, que ce fut le moindre nombre, mais qu'on devoit pourtant ménager les lieutenants et enseignes et qu'il les faudroit encore écouter et chercher à les tranquilliser et à diriger les choses de façon, que ce krijgsraad ne se mit pas sur un pied à donner le loi au magistrat et puis au Prince. Je lui demandai ce qu'il pensoit sur l'idée que quelques personnes avoient de mettre un représentant du Prince dans le krijgsraad, ajoutant, que c'étoit une idée, que je ne pouvois pas approuver, parceque quand-même elle seroit bonne en elle-même, ce que je n'osois décider, elle pourroit se prouver mauvaise et se trouveroit probablement mauvaise par le choix de la personne, surtout si le Prince écoutoit ou suivoit l'opinion de Gronsfeld. Sur quoi il me dit, qu'il y avoit trois opinions à Amsterdam, l'une pour n'y mettre personne, l'autre pour un représentant, la troisième pour y placer les bourguemaîtres à la tête comme autrefois. Qu'il y avoit de grands inconvénients à nous les trois partis; qu'en cas qu'il falut y placer quelqu'un de la part du Prince (ce qu'il n'osoit décider) il seroit peut-être bon que ce fut le président-bourguemaître qualitate qua et cela seulement par provision et par commission du Prince; que de cette façon ce ne seroit que pour trois mois, à cause que le préside roule et que ce ne seroit | |
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que jusqu'à ce que les choses fussent un peu calmées et les esprits plus rassis. Je lui dis, que j'étois charmé d'avoir occasion de savoir ses idées; que la matière étoit si compliquée et si vaste dans ses conséquences, que je serois charmé de reprendre cette conversation une autre fois avec lui et d'approfondir la chose avec lui ayant pour maxime, que le Prince devoit diriger les choses à Amsterdam par le moyen des bourguemaîtres et que toutes les ...Ga naar voetnoot4) sous main et parmi les bourgeois ne pouvoient jamais mener à rien de bon ni donner aucune consistance. Il me dit, qu'il étoit absolument de la même opinion; que tout ce qui s'étoit fait jusqu'à présent et tout ce dont on ne flattoit de pouvoir faire encore par une pluralité dans le oudraad ne menoit à rien, à moins que le Prince ne sut se rendre maître de l'esprit de la chambre des bourguemaîtres et d'y avoir la direction. Il me dit, que l'ancien parti démis travailloit toujours sans interruption et que ceux, qui y tenoient, quoique placés par le Prince, ne se conduisoient pas bien et montroient de l'animosité contre ceux, qui devoient leur élévation au Prince; que Hasselaar et lui (Ter Smitten) avoient été autrefois bien ensemble, mais que depuis que le Prince l'avoit protégé (lui Ter Smitten) Hasselaar et lui ne se voyoient plus; que Hasselaar avoit travaillé à l'empêcher de devenir bourguemaître, alléguant qu'il étoit trop proche parent de Rendorp; ce qui n'étoit pas vray, puisque le privilège ne donne pas l'exclusion plus loin que cousins germains et que Rendorp et lui sont issus d'issus de germains; que quand il avoit dit à Hasselaar, que cela n'étoit pas vrai et lui avoit allégué les exemples parallèles et un plus fort encore de messieurs Corver et CastricumGa naar voetnoot5), l'un beau-père, l'autre gendre, Hasselaar avoit dit, que c'étoit autre chose; que TripGa naar voetnoot6) avoit aussi travaillé contre lui et depuis lui avoit dit avec un air de reproche, qu'il étoit fort heureux de se trouver bourguemaître, gelukkig aangekomen et lui avoit dit: Hoe is dat overeen te brengen met de privilegien? sur quoi il lui avoit dit comme à Hasselaar et avoit eu à peu près la même réponse; que Rendorp et lui étoient très mal ensemble audiGa naar voetnoot7). De Van Collen il n'en fut question qu'en passant dans aucune particularité. Je demandai ce qu'il pensoit de l'emploi de baillif d'Amstel- | |
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land donné à Van de PollGa naar voetnoot8) et s'il savoit qui avoit conseillé cela au Prince. Il me dit que non, mais qu'il savoit, que l'on avoit fortement travaillé auprès du Prince pour faire rentrer ce Van de Poll comme bourguemaître et que cet emploi lui avoit été donné par conciliatoire pour ne le pas faire bourguemaître; que l'on travailloit fortement aussi à faire rentrer Castricum et que si cela arrivoit, dan is alles gedaan etc. en is met de saak uit, je lui demandai qui travailloit pour ces messieurs dans la ville et dehors. Il me dit, que dans la ville c'étoit Van der Streng, qui étoit charpentier de Hasselaar, de Corver, de Castricum et de tous les magistrats démis, à qui il devoit sa fortune et par qui il étoit devenu courtier et que tous ceux-là travailloient chacun de son côté par différents cabaux dehors. Je lui dis, que le principal appui de tous ces gens-là ici étoit Gronsfeld, en premier, et De Back en second; que Gronsfeld étoit un homme faux et double, dont j'avois malheureusement eu trop bonne opinion, mais dont j'avois été cruellement la dupe; que je l'en avertissoit, afin qu'il prit garde à lui et qu'il profitât de mon exemple et de la faute que j'avois faite et qu'il pouvoit être sûr, que De Back et Gronsfeld tiroient à la même corde. Il me dit làdessus, que De Back avoit été fortement pour le jeune RendorpGa naar voetnoot*) au sujet du balliage d'Amstelland et Gronsfeld contre. Je lui dis, que cela n'empêchoit pas, qu'ils ne s'entendissent; que j'en avois des preuves sans réplique. Il me dit, qu'effectivement il voyoit bien des choses, qu'il ne pouvoit pas trop bien concilier ensemble; qu'il voyoit de tems en tems Gronsfeld, mais que pour De Back il n'avoit aucune liaison avec lui. Et il me témoigna m'être fort obligé de la manière franche et ouverte dont je lui parlois me promettant d'en agir de même avec moi. La conversation étant tombée sur la défection de l'électeur de CologneGa naar voetnoot9), il me dit, que l'idée, que le Prince avoit de s'assurer de la SaxeGa naar voetnoot10) et qu'il approuvoit beaucoup, rencontreroit de la diffi- | |
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culté à Amsterdam, à moins que le Prince ne prévint et persuadât Hasselaar. Sur quoi je lui dis, que Hasselaar avoit été ici lundi; que le Prince lui avoit parlé et que Hasselaar étoit entièrement entré dans les vues du Prince; que le Prince me l'avoit dit le même lundi au soir, mais que je lui priois de ne pas faire semblant de la savoir et surtout de ne pas me nommer pas même au Prince, qui seroit bien aise de le lui apprendre lui-même. Il me dit aussi, qu'il avoit été question de faire à l'assemblée une proposition de leur ville pour une réduction, à l'occasion de la déliberation sur l'état de guerre. Je lui dis, que cela n'étoit pas nécessaire à présent, puisque je pouvois lui dire en confidence, qu' on y travailloit actuellement et que l'on avoit déjà dit ici tout ce qu'il y avoit à dire sur cette matière. A cette occasion je lui expliquai mon sentiment sur la nécessité de rétablir quovis modo les finances et de mettre sans perte d'un jour en execution tout ce qui pouvoit aider à parvenir à ce grand et important but. | |
15 april 1751Monsieur George CliffordGa naar voetnoot11) vint me voir pour me demander de ce que je pensois sur les capitaux sur la Silésie et mon conseil s'il devoit ou non se joindre à ceux, qui avoient présenté requête aux états la semaine passée. Il me dit, que sa famille y étoit intéressée. Je lui dis là-dessus, ce que je pensois sur l'origine de la requête et je le pria de prendre son parti de lui-même, ne voulant lui rien conseiller. Je lui dis, que sur cette requête l'on ne devoit ou rien faire du tout ou s'addresser au roi de Prusse, ou à l'impératrice; que si on s'adressoit au roi de Prusse on avouoit l'article 9 du traité de DresdenGa naar voetnoot12), avec les conséquences pour la liquidation; on renonçoit pour toujours et on se fermoit à soi-même la porte à toute prétention sur Vienne; que si l'on s'adressoit à l'impératrice, elle diroit, qu'elle est étonnée de ce qu'on lui vient lui demander le payement d'une dette dont le roi de Prusse par l'article 9 du traité de Dresden ...Ga naar voetnoot13), traité, qui a été conclu du su (à ce que dira l'impératrice) et de l'aveu de la République, puisque son ministreGa naar voetnoot14) a | |
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été employé à conseiller l'impératrice d'en accepter les conditionsGa naar voetnoot15). Je dis à monsieur Clifford, que je lui laissois juger, que l'effet pouvoit ou devoit produire une requête présentée sans qu'on eut (du moins pour autant qu'il paroissoit) prévu les conséquences, ou concerté d'avance l'usage, qu'on en pourroit faire dans une délibération ou d'état, dont le but devoit être non de faire du bruit et de tirer un coup de pistolet en l'air, mais de procurer le payement ou du moins la sûreté d'un capital si considérable, duquel les sujets de la République étoient les propriétaires; que je ne pouvois pourtant pas me mettre dans l'esprit, que cette requête eut été présentée sans dessein; que Suasso (Emanuel)Ga naar voetnoot16) au mois de février passé (du moins sûr avant le 5 mars) m'avoit parlé de cette requête, m' en avoit montré un projet et m'avoit demandé mon opinion; que sachant son intimité avec Gronsfeld et voyant qu'une démarche publique infructueuse, au lieu de faire montrer, devoit faire baisser le prise des actions sur la Silésie, sachant d'ailleurs les vues étendues du roi de PrusseGa naar voetnoot17), la négociation du conseiller de la chambre Koch à BerlinGa naar voetnoot18), tout cela combiné ensemble, m'avoit donné du soupçon, que ce pourroit bien être un tour de finesse de Gronsfeld pour duper ces pauvres juifs sous l'apparence de les servir et de faire baisser les actions des sujets de la République sur la Silésie pour servir à des vues, que le roi de Prusse pourroit avoir ou en tout cas de se faire auprès du Prince tout ce qu'il pouvoit pour leur procurer l'appui et la protection du Prince et puis de rejetter le blâme de la non-réussite sur moi pour avoir négligé leurs intérêts à Vienne et puis par continuation ici, mais surtout sur le conseiller pensionaire, qu'il ne neglige aucune occasion de noircir et de dénigrer. Ce dont ceci lui pourroit fournir prétexte, destinéGa naar voetnoot19) à la vérité de tout fondement, mais dont il ne manqueroit pas de profiter. | |
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Monsieur Clifford m'avoua, que tout cela tenoit fort bien ensemble et cadroit fort bien avec le caractère de Gronsfeld, duquel il étoit fort bien informé et en jugeoit fort juste. Aussi je saisis cette occasion pour lui dire tout net, que j'avois été tout du long la dupe de Gronsfeld, qui n'avoit en rien répondu à ce que j'avois eu raison d'attendre de lui; que je conseillois à lui, Clifford, et le priois de conseiller à ses amis de profiter de la faute, que j'avois faite et dont j'étois très faché et de se ne jamais fier à Gronsfeld. A cette occasion il fut question de la prétension de Gronsfeld dans sa requête sur laquelle nous tombâmes d'accord sur l'irrégularité de la chose même et sur l'indiscretion de Gronsfeld. Puis revenant sur la requête présentée aux Etats de Hollande, je contai à monsieur Clifford, ce qui s'étoit passé entre la comtesse d'AthloneGa naar voetnoot20) et moi, la veille ou la surveille, que la requête fut présentée; comment j'avois appris d'elle que la proposition lui en avoit été faite par Twickel (qui NB n'a rien sur la Silésie) et il fut confirmé par là dans le même soupçon, qu'il avoit déjà, que tout cela étoit un jeu joué, dans lequel il ne vouloit avoir rien à faire pour n'être pas l'outil de ces messieurs et puis qu'aussi bien il comprenoit, que la dite requête devoit rester commissoriale et qu'il n'étoit pas possible d'aller en avant sans faire de fausse démarche qui empireroit l'affaire. | |
15 april 1751Le bourguemaître Ter Smitten vint dîner tête à tête avec moi. Dans le cours de la conversation il fut question de prèsque tous les points, qui étoient les plus importants touchant Amsterdam. Monsieur Ter Smitten me parla fort à coeur sur les appréhensions, qu'il avoit, que le Prince ne replaçât dans la magistrature ceux, qui avoient été démis et parmi ceux, qu'il appréhendoit le plus étoient Castricum et BodaanGa naar voetnoot21). Il me dit, qu'il ne comprenoit rien | |
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à la conduite du Prince dans Amsterdam ni au plan, que le Prince suivoit; que toutes sortes de petites gens étoient écoutés et puis venoient à Amsterdam s'en vanter et faire les importants, se glorifiant d'avoir parlé à La Haye au Prince ou à tel ou à tel et redisant fort indiscrètement, ce qu'ils avoient entendu et qu'ils expliquoient encore à leur façon; qu'ils jettoient par là du ridicule sur le Prince; que Raab ayant été insulté (à ce qu'il disoit) dans la rue, s'en étoit venu plaindre à la chambre des bourguemaîtres, ou on lui avoit dit, qu'il devoit s'addresser au bailif; mais que Raab avoit insisté, qu'on fit une publication en sa faveur et que sur ce qu'on le lui avoit refusé il étoit reparti fort mécontentGa naar voetnoot22). Et monsieur Ter Smitten paroissoit fort inquiet sur les suites de la grande distinction, que Raap s'arrogeoit. Il me parla aussi en haussant les épaules sur le choix de Romans pour être collecteurGa naar voetnoot23); qu'il me dit être le beaufrère de Raap; ce que je ne savois pas. Et en général il lamenta fort le choix, qu'on faisoit de la plus basse sorte de gens, qui n'avoient ni fonds, ni entendement, ni connoissance pour être collecteurs; non qu'il voulut, qu'on refusât, ou qu' on negligeât les gens, qui s'étoient exposés pour le Prince, mais qu'on devoit du moins tirer et choisir selon les postes de confiance où on les plaçoit. | |
16 april 1751Le comte de Gronsfeld se fait annoncer à peu près à midi. Je le fais entrer. Il me fait un compliment de condoleance sur la mort de ma mère. Je le remercie. Il ajoute, qu'il est particulièrement chargé de la part du comte Flodroff de me faire mille amitiez de sa part et des remerciements pour la part, que j'ai prise à sa maladieGa naar voetnoot24). Sur quoi la conversation roule pendant quelque tems sur | |
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l'état du comte Flodroff. Puis après un court silence il fut question du tems, qu'il faisoit. Je m'imaginois, que monsieur De Gronsfeld avoit quelque chose à me dire. Mais il parut à la fin que non, car il fit sa révérence et s'en alla. |
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