Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekendSamedi, 5 Novembre 1746.My Ld. Sandwich vint chez moi. La poste d'Angleterre étant arrivée le matin, je lui demandai ce qu'il avoit reçu. Il me dit qu'il n'avoit rien reçu d'importance, mais qu'il étoit fort piqué contre notre ministre Mr. de BoetselaerGa naar voetnoot2), mais encore plus contre my Ld. HarringtonGa naar voetnoot3); que Boetselaer avoit écrit que lui, my Ld. Sandwich, avoit reçu des ordres de continuer les conférances à Breda, nonobstant le refus des Ministres de France d'admettre ceux de Vienne et de Turin; que quand le Pensionaire le | |
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lui avoit dit, il lui avoit répondu que Harrington avoit fort mal représenté ou Boetselaer fort mal compris, et que pour faire voir au Pensionaire combien ce qu'il disoit étoit vrai, il lui avoit montré ses ordres, en lui demandant si en honneur et en conscience, il pouvoit y donner une autre interprétation que celle que lui - - Ld Sandwich - - y donnoit lui-même; que le Pensionaire, en étant convenu après, my Ld. Sandwich témoigna combien il étoit piqué du procédé de Harrington, de dire quoi que ce soit à Boetzelaer des ordres qu'on lui envoyoit; que c'étoit en agir très mal à son égard, et que ce l'étoit aussi ici de négocier en même tems par le canal de Boetzelaer, et avec lui, comme si on vouloit tenir un contre rolle; que c'étoit lui couper bras et jambes. Il ajouta que certainement on ne vouloit pas en Angleterre aller en avant sans les Ministres de Vienne et de Turin; que d'un autre côté il voyoit bien des difficultés ici; qu'il appréhendoit que si les François persistoient de ne vouloir pas admettre les Ministres de Vienne et de Turin, et que si ceux-ci ne pouvoient pas toper à l'expédient proposé de commencer pro formâ les premières conférences sans eux, en leur donnant connaissance de tout cequi s'y passeGa naar voetnoot1), on seroit obligé d'envoyer des Courriers pour le proposer à Vienne et à Turin; que cela perdroit 4 ou 5 semaines, et qu'il étoit absolument nécessaire de tenir la négociation en train, afin de ne pas rebuter de certaines personnes en Angleterre. Je lui dis que c'étoit absolument aussi mon avis pour ce païs-ci; que sans entrer en matière sur le fond de l'affaire, je trouvois qu'il étoit indispensable de continuer la négociation; et que si elle venoit à ce rompre à present, j'appréhendois les plus funestes effets. Il me dit qu'il avoit trouvé le Pensionaire embarassé et battu; et qu'il lui paroissoit que cette affaire n'alloit pas ici comme il le souhaitoit. Il prit après cela congé de moi pour partir le lendemain pour Breda. Dimanche 6 Nov. 1746. J'allai le soir à 7 heures chez le Pensionaire. Je lui dis que ce qui m'avoit fait le plus de peine dans la conférence de la veille, étoit, que je | |
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trouvois qu'il auroit été plus prudent à lui d'avoir convoqué la Conférence secretteGa naar voetnoot1) après son retour de Breda; que je ne pouvois pas approuver le parfait silence qu'il avoit gardé. Il me répondit qu'il avoit cru devoir faire de cette façon à cause des conséquences; qu'il avoit obtenu la permission de venir ici de tems en tems, non pour faire chaque fois rapport aux Etats Généraux mais pour tenir les Etats de Hollande et pour les autres devoirs de son emploi; que s'il se mettoit une fois sur le pied de répondre à des demandes pareilles il y seroit exposé toujours et chaque fois qu'il viendroit ici; que cette fois-ci ce n'étoit rien: mais que quand la négociation seroit une fois commencée, la chose deviendroit plus délicate, et de plus d'importance; que pour cette raison il n'avoit pas voulu communiquer à la Conférence l'état des choses à Breda: qu'aussi bien il n'y avoit rien; qu'il croyoit même n'y être pas obligé. Je lui dis que laissant à part tout le reste, je parlois à présent de ce qui auroit été le plus prudent, et que je trouvois que, connoissant le tour de génie et la manière de penser dans les autres Provinces, il auroit pu prévoir, si non ce qui étoit arrivéGa naar voetnoot2), du moins quelque chose d'équivalent, et qu'il auroit pu le prévenir en disant à la Conférence secrette | |
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en termes généraux du moins quelque chose, quand ce n'auroit été que pour conserver une certaine apparence d'égard pour eux; que je ne savois pas qui étoient ses conseillers en cette affaireGa naar voetnoot1) ou s'il avoit pris son parti de lui-même; qu'au premier cas je trouvois qu'il avoit été mal conseillé, qu'au second il n'avoit pas pris le parti le plus prudent; que s'il m'avoit fait l'honneur de m'en parler je lui aurois conseillé autrement. Il me répondit qu'il n'en auroit pourtant rien fait, et cela à cause des conséquences. Après quoi il entra en détail sur la nécessité du secret et sur l'impossibilité de le garder dans cette façon de traiter les affaires; ajoutant que c'étoit une chose inouie que ces commissions secrettes nombreuses de 24 et de 18 personnes, à qui les Députés pour les affaires secrettes devoient faire rapport. Je lui dis qu'outre celles de Frise et d'Overyssel dont il parloit, il y en avoit aussi une en Zélande. Il me répondit que cela n'avoit pas encore été communiqé dans la Conférence, et qu'il n'en constait pas encore. Je lui dis que cela n'empêchoit pas que cela ne fût vrai. Je lui nommai même les noms dont je me souvenois de ceux qui en étoient. Il passa légèrement sur la Zélande, et continua à parler de ces commissions en général, sur l'impossibilité de traiter des affaires délicates dans les conférences aux Etats Généraux pendant que les négociations duroient; que s'il faloit des instructions dans des cas graves, où il faloit avancer pied à pied, et où il faloit specifier à un Ministre, en tel cas vous irez jusques là; si cela ne réusssit pas vous irez plus loin, cela ne pourroit jamais rester caché, mais que toute négociation deviendroit infructueux, par ce que ceux avec qui l'on négocie, sauroient d'avance l'ultimatum; qu'aussi il faloit de toute nécessité que l'on suppléât à ces inconvénients le mieux qu'on pourroit. Je lui dis que l'affaire des conférences secrettes étoit un des points sur lesquels j'avois à l'entretenir; que je n'étois pas du tout de son avis. Il me dit qu'il le savoit bien et que c'étoit ce qui lui faisoit de la peine; qu'il étoit fâcheux pour lui de n'avoir à cet égard aucun soutien en moi d'autant plus qu'il pouvoit | |
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se rendre à lui-même le témoignage que son but n'étoit que le bien de la Patrie. Je lui dis que mon but étoit aussi celui-là; que j'étois fâché que nous différassions sur un article qui est à présent d'une si grande importance que celui-ci; mais que mon avis étoit assez connu; que je l'avois déclaré dans les conférences, que je l'y déclarerois encore quand il le faudroit; que quoique je fusse persuadé de la nécessité du secret, je ne m'engagerois jamais à le garder sans réserve, ni ne promettrois de le tenir sans en parler à personne des Membres de la Province de Hollande avec qui je devois parler, et sans lesquels il ne m'étoit pas possible de savoir en de certains cas douteux quelle route prendre; que lui Pensionaire ne voudroit pas s'engager à rien de plus, et que je ne voulois pas me lier plus que lui; que dans ce cas particulier-ci la chose étoit d'autant plus nécessaire, que Mr. Buys, qui en l'absence du Pensionaire tient sa place dans les Conférences, est un homme à qui je ne me fie aucunement, et sur les paroles du quel il n'y a aucun fond à faire; mais qu'indépendamment de cela je ne me pouvois pas engager à une chose que je ne voulois pas tenir. Là-dessus il me vouloit faire comprendre qu'il y avoit de la différence entre un Pensionaire et un Député aux Etats Généraux; que le Pensionaire étoit obligé d'avoir la direction et que pour cela il lui avoit toujours été permis de parler en particulier avec quelques personnes affidées à part, afin de pouvoir conduire les affaires; que si la même chose étoit permise à d'autres, cela pourroit faire de la confusion, et que même N.B. un député pourroit être dans d'autres idées que le Pensionaire, et travailler sur un système contraire; que les Pensionaires précédents avoient toujours été exemts du secret illimité, et que sans cela il ne lui étoit pas possible d'avoir la direction des affaires. J'insistai sur l'obligation littérale d'un serment, et sur l'impossibilité d'en tenir un pareil, et de l'exiger des autres, ne le voulant pas tenir moi-même. Il me dit, ‘comment faire donc?’ Je lui répondis, ‘comme on a fait en d'autres tems’. Là-dessus nous entrâmes en discours touchant les autres occasions, où l'on a eu des négociations secrettes. Je lui dis que jamais on n'avoit | |
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prétendu ce que l'on prétend à présent. Il me dit que jamais aussi les affaires n'avoient été si critiques. Je le lui avouai, et ajoutai que c'étoit justement pour cela que ceux qui en étoient chargés oseroient d'autant moins prendre rien sur eux. J'abrège le détail d'une conversation par laquelle il paroissoit clairement que le Pensionaire veut se réserver seul la conduite de la négociation, lier les autres à un secret illimité, et se réserver la faculté de communiquer ce qu'il juge à propos, à qui il juge à propos, afin d'avoir seul la direction et la conduite de la négociation, c'est à dire en être seul le maître. Pouvoir qui n'a jamais, que je sâche, été donné à aucun des Stadhouders. Je lui parlai après cela de la nécessité de se mettre en état de défense pour l'année prochaine, alléguant la maxime trite si vis pacem, para bellum. Il convint de tout les principes avec moi, mais faisoit des difficultés sur l'exécution, que j'avois déjà entendues cent et cent fois. Je lui dis que la chose devoit être portée en délibération; que les membres de l'Assemblée de Hollande devoient être informés de la nécessité absolue de se mettre en état de défense; que pour moi j'avois très mauvaise opinion de l'issue des Conférences de Breda; que la saison s'avançoit; que dans peu il seroit trop tard; que si lui ne vouloit pas en parler aux Etats, j'en parlerois moi au Corps des Nobles; que dans le Corps on compteroit les nés; et que soit qu'on voulut ou qu'on ne voulut pas, il paroîtroit toujours par les Registres que j'aurois proposé la chose, ce qui serviroit pour ma justification. |
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