Poésies
(1995)–Charles Beltjens– Auteursrechtelijk beschermd
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A L'auteur des chansons des Rues et des BoisPourquoi venir, quand dans les Rues
Novembre, au front de parchemin,
Nous défend de bayer aux grues,
Cigare aux lèvres, canne en main?
Quand de l'hiver dans le bocage
On voit courir les noirs frissons,
O maître, pourquoi de leur cage
Laisser s'envoler tes chansons?
Quand l'hirondelle s'est enfuie,
Quand le soleil d'un air narquois
Voit s'estomper au parapluie
Les flèches d'or de son carquois,
Au ciel brumeux quand les chouettes
Disent: bravo! - pourquoi lâcher
Ces jeunes soeurs des alouettes?
Tout le printemps va se fâcher.
Tu fais la concurrence aux roses.
- Narguant l'hiver qui nous surprit,
Tu fais voir aux cuistres moroses
Que le génie a de l'esprit.
Quand la Saint-Martin fait naufrage,
Quand dans les bois que nous aimons
Messieurs les aquilons font rage,
Et que nos Saints font des sermons;
Quand du sommet des Alpes blanches
L'hiver brutal met au concours,
Dans les autans les avalanches,
Et pour nos Solons, les discours,
Quand les gamins joyeux, prospères,
Pour les coups qu'ils vont échangeant
Choisissent la neige, et leurs pères
Le fer, le plomb et de l'argent;
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Quand, plus bête qu'un veau qui tête,
Brutus dans l'ombre se tient coi;
Quand on se casse encor la tête,
Sans qu'on nous dise au moins pourquoi;
Quand l'Ane chargé de reliques
Se sent tout fier sous ses paniers
D'avoir sur les places publiques
Le droit de braire ses aniers;
Quand le bourgeois, turbot étrange,
Admis à dire son avis
Sur la sauce dont on l'arrange,
Veut que ses conseils soient suivis;
Quand toujours le peuple-grenouille
S'enroue à quémander des rois;
Quand Hercule change en quenouille
Sa massue aux puissants effrois,
Et comme un lâche, aux pieds d'Omphale,
En souillant de pleurs pénitents
Sa peau de lion triomphale,
File un linceul pour les Titans;
Quand la gloire de mal en pire
Tombe et s'achève en carnaval;
Quand les grands hommes de l'empire
Sont éclipsés par un cheval;
Quand la France assiste au scandale
D'une querelle d'Allemands
Sur l'amputation caudale
Des renards gascons et normands;
Quand le bon sens se met en grève
Comme ces cochers mal appris,
Toi, tu nous dis: ‘Faisons un rêve.
Loin de Londres, loin de Paris,
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Loin des réalités amères,
Des temples et des parlements,
Vers l'Eldorado des chimères,
Des poètes et des amants,
Faisons sans tambour ni trompette
Une excursion dans le Bleu.' -
Au premier coup de ta baguette,
Voilà l'Idylle au coin du feu.
A ton caprice obéissante
Comme Ariel à Prospéro,
Elle accourt joyeuse et dansante
Au doux refrain d'un boléro.
Elle arrive droit de Sicile,
Sans crinoline et sans volants:
Etre à la mode est difficile,
Quand on a dormi deux mille ans.
Eve vêtue en Andalouse
Ainsi qu'on la rêve à vingt ans,
De son regard l'aube est jalouse,
De son sourire le printemps.
De nos chambres son frais visage
Emplit d'aurore l'horizon;
Le mur se change en paysage
Et le plancher devient gazon.
Et nous voilà dans les prairies,
Nous voilà dans les verts buissons,
Dans les vergers, cages fleuries
Des gais bouvreuils et des pinsons.
Le jour s'éveille, le coq sonne
La diane au nouveau printemps;
La blancheur des cygnes frissonne
Sur l'émeraude des étangs.
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Un tumulte emplit la campagne,
Dans les prés hennit le poulain;
La voix des grands boeufs accompagne
La vive chanson du moulin.
La grande ivresse qui commence
Coule dans l'onde des ruisseaux.
On entend dans l'azur immense
Vagir d'invisibles berceaux.
Les grands bois sont pleins de murmures,
Soupirs, baisers, bruits alarmants;
On voit faire aux jeunes ramures
Je ne sais quels gestes charmants.
Vive la Grande République
Où, sans faire ombrage à Caton,
Le poète, roi sans réplique,
Est citoyen, malgré Platon!
Vive l'école buissonnière!
Vive la Bible où tout sourit,
La Vulgate qu'à sa manière
Dieu dicte au Soleil qui l'écrit!
Ce n'est de l'hébreu pour personne;
Pour la comprendre aimer suffit.
Ce qu'on y sème on le moissonne,
Comme toujours cela se fit.
L'amant la murmure à l'amante;
Le rossignol tendre et moqueur
Pour les chouettes la commente,
Et la rose la sait par coeur.
.............................Ga naar voetnoot[1]
l'Etoile du matin paraphe
Son énigme au noir guet-apens;
l'Aigle en corrige l'orthographe
Gâchée un peu par les serpents.
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Puisqu'ainsi la nature est faite,
Je daigne, modeste embryon,
Demander ma place à sa fête:
Et je bois à l'amphitryon.
O Maître, gloire à tes soixante!
Ton chemin fut bien âpre, mais
Jeunesse à ce point florissante
Et si belle vit-on jamais?
Pour saluer la primevère,
Quand les grands bois te reverront,
Tout le monde aura l'air sévère,
Tous les oiseaux te siffleront.
L'alouette dira: ‘C'est lâche,
On finira par nous manger’.
L'hirondelle: ‘C'était relâche,
Je voyageais à l'étranger’.
Le rossignol: ‘J'avais la mue.
Connaissez-vous cet intrigant?’
Et sur l'air du pied qui remue
Le merle dira: ‘Ce brigand!’
Prends garde au merle, oiseau frivole
Qui prend les choses à rebours;
Souvent son esprit, quand il vole,
Laisse tomber des calembours.
Maître, prends garde à la chicane:
On complote au bois de Meudon.
Déjà le moineau franc ricane:
Je sais qui sera le dindon.
Est-ce permis, dit le grand chêne, -
Tandis qu'à travers les vallons
La froide bise se déchaîne, -
De colporter dans les salons
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Tous les parfums de mes pelouses,
Et, quoiqu'habile à me choyer,
De rendre mes branches jalouses
Des bûches qu'on jette au foyer!
La Belle au bois s'èveille en songe
Et fait la moue à Cendrillon;
La cigale crie au mensonge,
Et cherche querelle au grillon.
‘On est en pleine décadence,’
Fait en sourdine la fourmi
‘Ayant chanté, ce grillon danse.
On ne fait plus rien à demi.’
Aux mois condamnés à la prose
Ta Muse offrant ce fin ragoût
Donne au pauvre Avril la névrose
Et la jaunisse au mois d'Août.
A l'Hippocrène de Sologne,
Voyant Novembre se griser,
Mai dit: ‘C'est de l'Eau de Cologne,’
Et se démène à tout briser.
Il exhibe son monopole
De parfumeur accrédité
Que, sous la céleste coupole,
Il tient de toute éternité.
Juin, flairant les fraîches corbeilles
De tes quatrains, doux échansons,
D'avance avertit les abeilles,
Et murmure: ‘Contre-façons!’
Dans le Moniteur du Parnasse
Lisant ta liste d'invités,
Juillet s'écrie: ‘Oh! le bonasse!’
Et roule des yeux irrités.
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Août bougonne: ‘Quel profane!’
Est-ce qu'on met sa bête au vert,
Après que le regain se fane,
A la Toussaint, en plein hiver!
Qu'il consulte un vétérinaire, -
Et sans tarder, - s'il ne veut pas
Que sa bourrique poitrinaire
S'en aille de vie à trépas.
Septembre aussi lâche sa thèse
Et dit d'un air professoral:
‘Il m'a volé mon antithèse,’
Ombre et rayon, c'est immoral!
Octobre, qui remplit son verre,
En riant, leur propose en vain
De vider, comme Jean Sévère,
Leurs différends avec son vin.
Avec ces gens-là puisqu'en somme
On n'en aurait jamais fini;
Puisqu'au Zodiaque on s'assomme
Comme autrefois à Hernani;
Puisqu'il faut que je me courrouce
Pour ou contre les mécontents,
Pour ou contre la lune rousse,
Pour la pluie ou pour le beau temps;
Puisqu'une leçon de jeunesse
Me vient d'un ancien, - aimant mieux
Le vin pur que le lait d'ânesse,
Je m'attable parmi les vieux;
Et je jette, pour reconnaître
Ta Dictature au pays bleu,
Les almanachs par la fenêtre
Et toute la critique au feu.
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Point de pitié, faiseurs d'embûches!
Tous au feu, c'est la Saint-Martin.
Mettons les bûches sur les bûches,
D'Aurevilly sur Pontmartin.
Ils sont plusieurs, là, sur ma planche,
Pour le bûcher plus d'un fagot;
Avec Veuillot j'allume Planche,
Le Pédant avec le Cagot.
Point de péchés irrémédiables:
La flamme vous purge en entier.
Allons, flambez! soyez bons diables,
Ceci n'est pas un bénitier.
Regardez donc ces étincelles:
Pour des martyrs c'est trop d'émoi,
Tout y passe, jusqu'aux ficelles.
Sainte Critique, éclaire-moi!
Mais là, qu'entends-je? Un pas folâtre
A retenti dans l'escalier.
La bûche a tresailli dans l'âtre:
C'est ton cher esprit familier.
C'est lui! Maintenant que m'importe
Bise ou zéphyr, pluie ou beau temps,
Et que l'hiver soit à ma porte,
Lorsqu'à huis clos j'ai le printemps?
[1866, opgedragen aan Victor Hugo; La Revue Belge 15-3-1891] |
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