[Come tout oeuvre...]
Comme toute oeuvre dont le contenu ne se livre pas dès le premier regard, celle de Pierre Vlerick est à revoir.
Le premier attrait se situant justement ou niveau du plaisir des yeux, l'apparence premiere est de douceur et de tendresse dans l'élan contenu mais vif. Et voici déjà la deuxième facette de cette peinture qui, sans rupture, éveille des sentiments plus aigus, dont la source se situe ‘derrière la vue’.
Eclatement des formes et déchirements des tons, réponses ou echos, dès lors ce langage à peine approché provoque une réaction révélatrice au niveau de la respiration qu'il engendre. Le souffle se communique.
On respire l'air des espaces de couleurs profonds et légères au toucher, on respire dans la forêt de ces ombres déliées qui sont à la fois caresses et coups de griffes, on respire le diffus des lumières et la perfection des mouvements humains suggérés. On respire et on sent. L'odeur des plantes, des parfums, des présences et des absences qui les fixe, qui les efface.
Et l'échange devient quadrillage dans la mesure où l'on distingue le croisement de la nature de l'artiste et de sa perception du monde féminin, confronté avec notre propre nature qui adhère et comprend ce qu'elle n'aurait auparavent jamais soupçonne d'ellemême.
II faut accepter cette évidence qui fait que la peinture est un moyen de communication qui ne se veut jamais obscur mais dont l'approche est toujours difficile car toujours différente. Les gravures et sérigraphies sont d'un abord plus souple car le chemin parcouru jusqu'au mot unique est mis à nu.
Le sujet (visage, qui remplace LE visage, l'Unique) est déchiquete graduellement.
Les yeux, la bouche, le nez, le front, les cheveux se dispersent petit à petit, deviennent ce qu'ils devaient devenir: des progressions lentes dans le souvenir et des traces indélébiles qu'elles laissent et qui aboutissent à la connaissance d'une réalité de la sensibilité vivante des beautés qu'elles possèdent. Possessive et dépossédée, la parole de Pierre Vlérick se fait attentive comme on est patient lorsque l'on veut rencontrer et se fait rumeurs chaque fois qu'elle refuse de se taire.
M.V.O.
Le Courrier de Gand, 19.11.1976