De Stijl 1 1917-1920

Reflexions III. (suite)
Par G. Vantongerloo.

La science, l'homme de science, le vrai.

Toute chose impuissante commence par la révolte.

La révolte est destructive.

L'homme qui aime le vrai est en révolte contre le faux. Il est ennemi de la convention. Il se révolte par son impuissance et détruit. Mais lorsque cet homme sera conscient de son intuition il sera un avec la création et la Force. Il ne se révoltera plus. Il sera au delà et il aura l'évolution. Il ne se révoltera plus contre la matière, mais, par sa valeur consciente, il obéira au tout (la Force) et sera un avec Elle. Alors viendra l'évolution. L'évolution est dans l'unité. Voilà la vérité par excellence, qui ne joue pas au sentimental.

Mais il faut cependant qu'une oeuvre d'art soit compréhensible, dit-on. Mais que peut-on avoir de plus compréhensible que la vérité. Que voulez-vous comprendre dans une oeuvre d'art? Purifiez votre oeil et vous verrez. Mais vous voulez voir un joli objet et vous voulez être étonné par les connaissances techniques. Vous voulez de l'acrobatie. Vous ne voyez pas que le futuriste est destructif. Vous ne savez pas ce que c'est destructif et puis vous vous demandez, à quoi cela peut-il servir. Vous prenez la révolte pour une méchante et vous croyez que l'évolution est une chose qui va son petit train. C'est une multiplication de différentes connaissances croyez-vous et vous voyez, vous êtes de nouveau scientifique. Il faut une grande pureté de regard pour voir la vérité, ce qui n'est pas donné au premier venu.

Comprendre! Voilà le mot. Pouvez-vous comprendre la pluie? C'est de l'eau, dites-vous. Oui! c'est la matière. Pouvez-vous comprendre l'univers? Pouvez-vous comprendre l'homme? Oui! Vous le voyez et vous croyez que c'est assez de le voir pour le comprendre. C'est pourquoi vous croyez comprendre ce que vous voyez. Vous êtes comme Saint-Thomas, vous devez voir.

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Non! Vous n'ètes pas capable de comprendre le mystère de l'homme, Vous voyez qu'il souffre, lorsqu'il pleure ou lorsque sa figure semble dire le contraire du rire. Mais vous ne voyez pas ce qui se passe au dedans, parceque vous n'êtes pas assez pur.

Que dites-vous lorsque vous êtes devant un tableau d'une conception général ou sans conception? ‘C'est bien fait, c'est bien rendu.’ Donc, le peintre a bien rendu ce qu'il a voulu faire. Vous avez assez compris.

Que dites-vous devant un tableau futuriste?

‘Il a, tout. dètruit.’ Donc, l'artiste a rendu la destruction. Mais si vous dites, ‘je ne vois que des lignes et des objets à demi faits’, vous n'avez pas compris.

Que dites-vous devant un tableau cubiste?

Si vous dites: ‘je ne vois que des cubes et je ne vois pas cela dans la nature’, vous n'avez rien vu. Mais si vous dites: ‘il a construit’, vous avez compris. Il a rendu par construction.

Mais maintenant reste à voir si touts ces rendus ont donné l'unité, l'équilibre.

Le futuriste n'a fait qu'un complémentaire. Le cubiste n'a fait que l'autre complémentaire. L'un a détruit, l'autre a construit. Ils ont séparé les complémentaires et c'est par l'unité de destruction du visible et construction de l'invisible en équilibre que vous créez l'unité. Van Gogh cherchait déjà la construction et la destruction dans les couleurs. Il parle d'une couleur construite, complétée par une couleur détruite. Le futuriste a détruit le sujet et le cubiste voulait construire, mais il ne construisait pas par destruction du visible, ni ne construisait l'invisible.

Alors vous comprendrez si touts ces rendus ont donné l'unité, l'équilibre. Vous comprendrez la signification de ces rendus et vous ne tâcherez pas de comprendre par analyse, ni donner des significations à des détails, des accidents.

Le but n'est pas de donner une conférence d'un tableau. C'est comme si vous faisiez une conférence sur la pluie. Le but sera le mystère, qui se donnera et ne se laissera pas divulguer au premier venu.

(A suivre).