La renaissance d'une communauté oubliée: les juifs dans les Marolles
‘D'un vide, tu as fait une montagne’. Voilà ce que confiait, il y a quelques années, l'Israélien Jacky Borzykowski au journaliste flamand Joost Loncin. Ce dernier avait réussi à lui rendre ‘l'année perdue’, 1943. Au cours de cette année-là, Borzykowski, tout jeune, séjourna clandestinement dans une famille établie à Sint-Kruis (près de Bruges). Si grand que fût son désir de se souvenir, devenu adulte, il ne se rappelait plus rien de cette période. Secondé par Joost Loncin, il allait parvenir, petit à petit, à la reconstituer. Au journaliste qui lui demanda: ‘Et que vas-tu faire de cette montagne?’, il répondit sans hésitation: ‘Vivre! Continuer à vivre!’.
Le livre de Joost Loncin, Rafle dans les Marolles, raconte la vie que mènent quatre enfants juifs durant la seconde guerre mondiale. Nés tous les quatre dans les Marolles, le célèbre quartier populaire bruxellois, ils furent hébergés clandestinement dans la même famille brugeoise. Fin 1942, la mère de Jacky Borzykowski conduisit son enfant à L'Entraide des travailleuses, un centre médico-social mieux connu sous le nom de la ‘petite clinique’. La situation dans laquelle se trouvaient alors les juifs était particulièrement dangereuse. Dans un premier temps, beaucoup avaient refusé d'obtempérer à l'ordonnance allemande de ‘mise au travail obligatoire’, ce qui avait conduit l'occupant nazi à effectuer un certain nombre de rafles. Une première razzia fut lancée dans les Marolles le 3 septembre 1942. Il y avait péril en la demeure. Aussi les juifs qui avaient échappé aux arrestations cherchèrentils fébrilement à mettre leurs enfants en lieu sûr. Borzykowski ne reverrait plus sa mère. Son père, lui, ne survivrait pas non plus à l'Holocauste.
L'‘Entraide’ était dirigée par la baronne Van der Elst, une dame fortunée, attentive aux problèmes sociaux de son époque et douée d'un charisme exceptionnel. Bien que profondément catholique, la baronne ne pratiquait aucune discrimination. Elle remuait ciel et terre pour loger des enfants juifs dans des familles d'accueil, mettant à profit ses multiples contacts, notamment avec le ‘Comité juif de défense’, organisme clandestin qui s'occupait de l'aide aux enfants entrés dans la clandestinité. Parmi les femmes qui oeuvraient au sein de ce comité se trouvait Andrée Geulen. Cette dame tenait un registre dans lequel elle inscrivait les noms tant des enfants hébergés que de leurs familles d'accueil. Elle y notait également comment se portaient les enfants et ce qui était advenu de leurs parents biologiques. Ce faisant, elle contrevenait évidemment aux plus élémentaires règles de sécurité que s'imposait la Résistance. Par bonheur, les données consignées dans le registre ne furent jamais découvertes par les Allemands. Un passant prit, tout à fait par hasard, une photo d'Andrée Geulen à Bruxelles,