laboratoires. C'est dans cette perspective qu'il parla de ‘relativiser’, non au sens superficiel qui consiste à accorder moins d'importance à telle ou telle chose, mais en posant au contraire qu'une chose doit être considérée dans son rapport avec une autre chose, cette autre chose pouvant précisément s'avérer être la plus importante, la valeur réelle, qu'il convient de vivre comme un absolutum.
L'intérêt du professeur de Nimègue dépassait certes la philosophie ou la pratique des sciences. Son public ne se limitait pas à ses seuls collègues. Il cherchait toujours à mettre son enseignement en relation avec les sphères de valeur de l'éthique, de la conception de la vie et de l'expérience religieuse. Van Melsen était un croyant qui ne dissimulait pas sa conviction catholique.
De même qu'il savait qu'en tant que professeur à une université catholique, cette tâche devait être dénuée de toute interprétation cléricaliste, bien au contraire. Il voulait un dialogue sincère, en toute franchise, dans l'esprit d'une conversation authentique, afin que la vérité trouve sa voie, son authenticité. Alors qu'il avait un esprit ouvert à l'innovation de l'entreprise scientifique, il resta néanmoins philosophiquement et religieusement tributaire de la philosophie traditionaliste de l'Église romaine, à savoir le thomisme et le néothomisme. Cette doctrine philosophique cherchait à unir la connaissance et le connaissable en une seule totalité, qui en fin de compte se réfère à Dieu. La pensée se trouve alors face à l'épreuve de l'architecture d'un système conceptuel sévèrement élaboré, en principe accessible à chaque individu disposé à en accepter les postulats. Aussi ce système requiert-il une formulation claire. Eh bien, en lisant ou en relisant l'oeuvre de Van Melsen, on retrouve cette même clarté qui permet à chaque interlocuteur d'être tout de suite en mesure d'en comprendre la substance. Van Melsen quant à lui a toujours été très conscient de la nécessité d'affiner le système; l'homme est en effet un être fini et rationnellement limité. C'est pourquoi sagesse ne pouvait, pour lui, être synonyme de résignation: dans la description de la réalité, l'homme ignore totalement l'étendue de ses possibilités. Aussi la responsabilité de l'intellectuel-scientifique consiste-t-elle à ne pas se résigner à l'incertitude. Cette conception s'avère antinomique
à l'optimisme et à l'activisme partagés par les catholiques et les scientifiques; ils énoncent en effet que la non-résignation à l'incertitude constitue la leçon la plus sage que le développement de la connaissance et de la science ait enseignée à l'humanité.
Jacques de Visscher
(Tr. D. d'Haese)