Les ‘parents soucieux’ de Gerard Reve
L'écrivain néerlandais Gerard Reve - à prononcer ‘Réve’, en référence à ‘rêve’ -, né en 1923 à Amsterdam, où il grandit dans une famille communiste dogmatique, publia en 1947 son premier roman De avonden (traduit par Maddy Buysse en 1970). Frits van Egters, 23 ans, y évoque, en un langage quelque peu ampoulé au style très objectivant et distancié qui confère à son récit un humour très particulier, une autoanalyse et une observation implacable du milieu dans lequel il vit, appréhendant la réalité comme un ensemble de détails et de faits absurdes dépourvus de cohérence et de sens et implorant le Dieu unique et éternel de voir toute cette futilité. De avonden est devenu pour ainsi dire un livre-culte pour les générations de l'aprèsguerre.
Marié pendant dix ans avec une poétesse, s'affirmant homosexuel, ‘écrivain populaire bien-aimé’ volontiers provocateur, aspirant à une religion qui englobe tout et se convertissant finalement au catholicisme en 1966, Reve évolue vers une forme d'expression littéraire épistolaire où il s'interroge sur le processus créateur et, autour des thèmes religion et sexualité - amplifiant le lien entre torture, cruauté et sexualité (‘pornographie communiste’), et l'angoisse devant cette réalité, déjà présents dans des oeuvres antérieures -, élabore son mythe personnel (le ‘r(= é)visme)’: absurdité, futilité, Dieu comme unique réalité, amour, éros, culte et rite de l'érotisme élevé autour du ‘Garçon beau et impitoyable’, le tout rehaussé plus tard par la dévotion à la Sainte Vierge...
Dans le roman Bezorgde ouders (1988), traduit par Marnix Vincent (Parents soucieux, 1995), nous suivons pendant 24 heures, les 22 et 23 décembre 1977, le poète homosexuel Hugo Treger, dit Léopard, 41 ans, catholique, alcoolique, conservateur, traducteur de pièces de théâtre comme gagne-pain pour lui-même et son ami Licorne, 23 ans, étudiant en pharmacie, qu'il veut aimer, frapper, martyriser et faire jouir d'autres garçons martyrisés à leur tour. Il y a peu de faits et gestes. Treger travaille à un ‘hymne universel destiné à tous les peuples’, fait quelques courses, emporte un grand ours en peluche trouvé sur une poubelle, dîne avec Licorne, qui s'en va le lendemain matin, s'adonne à un manège avec des bouteilles de vin, assiste à une messe à midi mais ne parvient pas à se confesser, se rend au jardin zoologique à la recherche d'un garçon gardien de