Roger M.J. de Neef (o1941) (Photo Ludo Geysels).
ou de médium, censé contempler cette signifiance, en combinant paradoxalement activité et passivité. Conséquemment à ces prémisses, cette poésie nouménale produit nécessairement une impression abstraite et hermétique, s'appuyant explicitement sur une forte charge symbolique et une préoccupation philosophique (de type souvent gnostique).
Ce programme poétique ambitieux, Roger M.J. de Neef l'a fait fructifier dans sept recueils de poèmes, publiés en l'espace d'un quart de siècle: Winterrunen (Runes d'hiver, 1967), Lichaam mijn landing (Corps mon atterrissage, 1970), De grote wolk (Le grand nuage, 1972), Gestorven getal (Nombre défunt, 1977), De gedichten van licht en overspel (Les poèmes de lumière et d'adultère, 1982), De vertelkunst van de bloemen (L'art narratif des fleurs, 1985), De Halsband van de duif (Le collier de la colombe, 1993). D'un point de vue purement quantitatif, la moisson paraîtra modeste, et il semblerait même que le poète ait fait, au fil des ans, un usage encore plus économe de son écriture.
D'un point de vue thématique cependant la poésie de De Neef produit une impression de forte cohérence. De fait, l'oeuvre tourne autour d'un nombre restreint de symboles fondamentaux: les nuages, l'eau, l'étoile et la lumière, les fleurs, les arbres, la colombe... De cette façon le poète tente de dépasser le niveau anecdotique-descriptif et de faire accéder à l'avant-plan l'être même de la terre, de l'espace et du temps. Il en résulte que ses poèmes évoquent un espace mythique par excellence, dans lequel les oppositions entre horizontalité et verticalité (à travers le motif de l'axis mundi), entre passivité et activité, entre matière inerte et vie, se voient constamment transcendées. L'univers lyrique de De Neef est ainsi essentiellement marqué par une dynamique de vie et de communication, à laquelle, aux instants de grâce, participe toute la nature; ce n'est pas un hasard si le poète se sent fort proche de la vision du monde animiste des Indiens. Pareil animisme se manifeste par la manière dont, au sein de De vertelkunst van de bloemen - le point culminant de son oeuvre jusqu'à nouvel ordre - les éléments naturels sont systématiquement personnifiés: ‘Des arbres bégaient / Le ciel repose sur leurs échines’, ‘Les rivières, de la terre elles sont le sang qui circule’, ou encore: ‘Les fleurs, elles courent à travers champs / Et fleurissent...’