Philosophie
Jacques Schotte et l'anthropopsychiatrie
Nul doute que cela paraisse paradoxal mais le psychiatre psychanalyste Jacques Schotte (o1928) est un Flamand typique comme on en rencontre peu: une origine bien flamande, une première éducation et une formation dans sa ville natale, mais également une pratique de plusieurs langues étrangères, une propension aux voyages, un sens du gratuit ainsi qu'une affection pour l'art de vivre bourguignon, ce qui lui donne aisément accès aux cultures latine et romane où les paroles coulent avec autant de facilité que les nombreux vins. En outre, il a entre ses débuts universitaires et ses adieux comme professeur à l'université de Louvain accumulé une somme de connaissances considérable, qui, pourtant, ne l'a pas rendu célèbre auprès du grand public pour la seule raison que Jacques Schotte, en sa qualité de médecin, psychiatre et savant, n'a jamais cru bon de publier d'une manière systématique ses travaux intellectuels scientifiques. Il s'intéressait et s'intéresse toujours à trop d'aspects de la culture (littérature, peinture, danse, philosophie, psychologie, Antiquité, football, et cetera, et cetera) pour prendre de temps en temps le recul permettant d'élaborer une réflexion accessible à un plus vaste public. D'où une renommée réservée aux patients qui lui rendent visite chez lui, aux étudiants des deux universités de Louvain (après la scission il continua d'enseigner dans les deux sections) et à un groupe non négligeable de psychiatres (et souvent aussi philosophes) qu'il a rencontrés et avec qui il s'est entretenu lors des nombreux congrès et colloques à l'étranger et qu'il réussit d'ailleurs à inviter à Gand et Louvain. De ce fait Schotte est
plus connu à l'étranger que dans son propre pays.
Mais peu nombreux sont les Flamands qui comme Jacques Schotte, sont à même de professer avec tant d'aisance en quatre langues, ont ce constant souci d'une vaste culture livresque, estiment que pour découvrir quelque chose de neuf il ne faut pas rechigner à se rendre à l'étranger pour explorer des centres de recherche, à y nouer et maintenir des relations sans pour autant renoncer à sa propre identité (gantoise). Ce psychiatre a proclamé plus d'une fois qu'on ne gagne rien à s'isoler, par une espèce de fausse modestie, dans une tour d'ivoire, ni à craindre de ne jamais être reconnu ou de ne pas être traité de pair à compagnon. C'est à la fois cette attitude mondaine et cette faculté d'écoute qui ont permis à Schotte d'entretenir d'excellents rapports de collègue à collègue mais non moins amicaux avec des gens qu'il appréciait pour diverses raisons tels que Ludwig Binswanger, Jacques Lacan, Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas, Michel Foucault, Jan Hendrik van den Berg, Leopold Szondi, Jacques le Goff, Raymond Ortigues, Henri Maldinay, Frederick Buytendijk, J. Gagnepain, Roland Kuhn, etc., etc. (il faudrait une page entière pour aligner toute la liste).
Malgré cette apparente et insurmontable dispersion Jacques Schotte est l'homme d'un programme bien défini: la psychiatrie en tant qu'anthropologie inscrite dans un espace d'échanges interdisciplinaires. De là le rôle important que prennent la philosphie et la linguistique de par leur perspective conceptualisante et métaphorisante, sans ignorer toutefois la psychanalyse car Sigmund Freud et,