Grâce aux relations de son père avec la cour du stathouder et en particulier avec la veuve du Taciturne, Louise de Coligny, le petit Constantin pouvait accéder au cénacle de culture française dont elle était le centre. En 1605, on y monta une représentation d'Abraham Sacrifiant de Théodore de Bèze dans laquelle il prononçait le prologue et l'épilogue alors que son frère Maurice jouait le rôle d'Isaac. Louise de Coligny et le pasteur Johannes Uijtenbogaert étaient émus jusqu'aux larmes.
Même si l'on fait abstraction du cercle autour de Louise de Coligny, la cour du stathouder, avec laquelle la famille Huygens vivait en contact direct et continu, était en majeure partie francophone. On n'y dérogeait pas à la tradition déjà séculaire de traiter en français les affaires de l'État. D'ailleurs, sous le stathouder Maurice, et après sous son demi-frère et successeur Frédéric-Henri, on y trouvait une nuée de militaires français. Beaucoup de jeunes officiers étrangers faisaient leur école dans l'excellente armée dirigée par les Princes d'Orange.
Constantin Huygens a été élevé dans cet environnement quasi bilingue. Avec une éducation où l'exercice poétique occupait une place aussi importante que l'apprentissage des bonnes manières ou du maniement des armes, il n'est pas étonnant que, dès l'âge de 15 ans, il ait écrit à sa mère un petit ‘Rondeau’ en français pour lui rappeler une promesse non tenue. Ce petit poème de 15 lignes était le premier d'un long catalogue de poèmes français qu'il n'a conclu que quelques semaines avant sa mort, survenue en 1687.
Constantin Huygens qui, après de courtes études à Leyde, a pu faire quelques voyages à l'étranger comme secrétaire d'ambassade, est entré en 1625 au secrétariat de Frédéric-Henri. Toute sa vie, il est resté au service de la Maison
Constantin Huygens, peinture par Jan Lievens, 1627, Musée de Douai (Photo ‘Rijksmuseum’, Amsterdam).
d'Orange. Homme très occupé, que ce soit à la cour ou en campagne dans la suit du Prince, liseur insatiable, mais aussi grand amateur de sciences et de techniques (il élabora lui-même des plans pour sa grande demeure à La Haye et projeta un chemin à travers les dunes pour relier La Haye à Scheveningue), dessinateur de talent, musicien pratiquant cinq instruments à cordes, il considérait la poésie comme un passetemps auquel il pouvait s'adonner à tout moment de loisir et en toutes circonstances. Les poèmes étaient pour lui des ‘bleuets’ qu'il cueillait parmi les blés comme en témoignent les titres des recueils parus de son vivant:
Korenbloemen (Bleuets),
Otia, Ledige Uren (Heures oisives) et
Momenta Desultoria. L'étude des manuscrits révèle que Huygens a parfois griffonné, avant de les recopier à La Haye, un petit poème, une épigramme ou quelques