récits: il convient donc de les lire comme des oeuvres littéraires et seulement en seconde instance comme des documents politiques. L'ambiguïté est inhérente au projet, si bien que j'entends prévenir tout malentendu en la matière: mes critiques éventuelles ne visent en aucune manière Amnesty International.
Car Roepen om de dag. Appel au jour comporte effectivement peu de littérature de quelque envergure. Le livre illustre à merveille ce que Monika van Paemel y écrit:
De dichters hebben goed praten
ze lullen je het graf in.
Les poètes ont beau parler
ils te javottent dans la tombe.
Les poètes sont - en tant que poètes - dépourvus de puissance. Peut-être est-ce pour cela qu'ils ne convainquent que là où ils ne disent presque plus rien, et suggèrent tout, comme Jean-Paul Verheggen dans ses intraduisibles Décomptes:
Huitlianov (Vladimir Ilitch)
Les récits paraissent un meilleur médium pour dénoncer l'injustice et proclamer le message de la compassion humaine. Mais là aussi on ne trouve guère de textes qui vous collent véritablement à la mémoire. Comme elle reste terne, pâle, plate, la lettre de Gwij Mandelinck, comparée à l'engagement personnel du missionnaire auquel il écrit. Comme il est verbeux, littéraire et seulement joli, le récit de Willy Spillebeen, L'enfer existe, comparé aux rapports objectifs et poignants d'Amnesty International elle-même. Comme elle rend mal le son du vécu, comme elle paraît inventée, La mort nomade de Françoise Lalande, comparée à certaines sobres nouvelles rapportées d'Afrique noire par les journaux. Aussi est-il singulier, quoique en même temps logique, de constater que c'est le texte le plus détaché, L'ami de mon ami de Pierre Mertens, qui au bout du compte occupe le plus notre esprit, l'obsède le plus longtemps avec les problèmes récusés. Quel dommage que ce texte non plus ne se maintienne pas davantage dans les bornes de la rigueur, de la sobriété. De bon, le récit en serait devenu magistral.
La réponse d'un certain nombre d'écrivains à Amnesty International qui leur demandait de témoigner d'une réalité horrible, insupportable, leur contribution à la protestation mondiale ont donc été ainsi fournies. ‘Ils rendent la voix à ceux qui ne l'ont plus, ils crient la souffrance. Ils font appel au coeur et à la raison, ils font appel à l'Homme, à tous les hommes, pour que partout pour tous, naisse l'espoir, naisse enfin le jour’.
Le geste a été posé, ce qui est une bonne chose. Je ne puis que déplorer que leur voix ne résonne pas avec une plus grande maîtrise littéraire.
jan deloof
Adresse: Lindelaan 25, B-8550 Zwevegem.
Traduit du néerlandais par Jacques Fermaut.
Roepen om de dag. Appel au jour. Poèmes et récits d'écrivains néerlandais et français de Belgique, recueillis dans le cadre de la campagne contre les assassinats politiques. Cahier numéro 38 - série européenne. Leuvense Schrijversaktie, en collaboration avec Amnesty International Belgium - 1983 - 260 p.