moyen terme entre le socialisme wallon volontiers anarchisant et révolutionnaire et le socialisme flamand davantage axé sur le réformisme socialiste allemand de Gotha (1875). Heureusement, un objectif majeur commun prévalait: la conquête du suffrage universel, unique moyen d'accéder au parlement, où le parti pourrait ensuite oeuvrer en faveur de revendications telles qu'un jour de repos hebdomadaire, une durée de travail raisonnable, la nationalisation des banques, un enseignement laïque gratuit, etc.
L'instauration du suffrage universel ne fut acquise qu'à l'issue d'un combat politique particulièrement âpre qui, par ailleurs, coûta nombre de vies humaines. En 1893, première concession: le suffrage universel plural qui, aux élections suivantes, permit à vingt-huit députés du POB - tous élus en Wallonie, il est vrai - de faire leur entrée au Parlement. C'étaient les libéraux qui firent les frais de l'opération: ils furent rétrogradés à la troisième place sur la liste des partis. La majorité catholique, avec ses cent quatre députés, semblait hors d'atteinte aussi bien pour les socialistes que pour les libéraux. Les socialistes nouveaux venus dans l'hémicycle parlementaire étaient des révolutionnaires convaincus, des républicains, des antiroyalistes déclarés ouvertement opposés à Léopold II. Au sein de l'Assemblée, ils provoquèrent un tumulte tel que le souverain décida de renoncer à son discours du trône.
Depuis 1902, le parti lança une nouvelle action en vue de faire aboutir la revendication ‘un homme = un vote’, mais de nouveau en vain. Plus même: aux élections de 1904, les socialistes perdirent cinq sièges. La déception dans leurs rangs fut très grande.
Le socialisme n'en finirait pas moins par s'intégrer très rapidement au système, voire à l'establishment belge. Emile Vandervelde, l'un des pères historiques du socialisme belge, devint rapidement ministre d'Etat, et deux ans après, en 1916, il fut même membre du gouvernement de guerre résidant au Havre, en France. Le bon vouloir des dirigeants socialistes ainsi que la pression des événements internationaux - notamment la révolution d'octobre 1917 en Russie - firent en sorte que le POB se présenta comme un véritable parti de gouvernement, comptant trois de ses dirigeants au sein du gouvernement à la fin de la guerre.
Le suffrage universel, la journée de travail de huit heures, le droit de grève, les retraites: autant de revendications, pour lesquelles on tirait encore sur les ouvriers en 1893, furent instaurées dans les premiers mois de l'après-guerre. L'application du suffrage universel, en 1919, confirma définitivement les socialistes dans leur deuxième place parmi les partis politiques belges, derrière le parti catholique et devant les libéraux, ordre qui devait demeurer
Hendrik De Man (1885-1953).
inchangé pendant des décennies.
La participation à des gouvernements ne fut pas sans risques pour l'image socialiste. Aussi, au sein du POB, l'extrême gauche se mit-elle à prendre ses distances à l'égard du sommet historique mais vieillissant du parti. C'est à cette époque que fut fondé le Parti communiste de Belgique.