magistrale ‘Histoire socialiste’ - s'est déclaré inspiré par Marx, Michelet et Plutarque...)
Toujours est-il que Troelstra et le parti socialiste hollandais avaient subi plus profondément l'influence du Marxisme allemand - je reviens sur Lassalle - et, bien que Troelstra eût déclaré à propos de sa jeunesse: ‘j'ai été formé dans l'esprit de la grande Révolution française’, l'influence d'un Marxisme assez dogmatique devint dominante. C'est le Programme de Leyde, établi en 1912 qui, pour une période d'exactement 25 années, en apporte le témoignage.
Mais un autre facteur politique qui fut repoussé en Allemagne elle-même où il a vu le jour, a joué un grand rôle dans la pensée de Troelstra, comme dans la pratique politique du Parti hollandais: le Lassalléanisme.
Contrairement à Marx, Lassalle était un homme politique doué pour la politique - La politique est un art (ars politica) et Lassalle était un artiste dans ce domaine. C'est pourquoi il était apprécié par les Hollandais que leur état d'indépendance durant trois siècles avait poussés vers cette manière de voir la vie publique.
Ici on se heurtait à un manque de compréhension du côté du grand parti allemand; comme le résumait Troelstra dans ses ‘Mémoires’: ‘l'esprit de Lassalle était mort; s'il avait été encore vivant, tout cela n'aurait pas eu lieu’ - De quoi s'agit-il?
Déplaçons-nous vers Amsterdam. C'est dans la splendide salle du Concertgebouw, en 1904, qu'eut lieu le fameux débat entre Bebel (Allemagne) et Jaurès (France) sur la force politique intrinsèque des deux partis. (Il s'agissait, bien entendu, de la politique de paix des deux.) Voici le réquisitoire de Jaurès contre le grand et massif parti allemand: ‘Pas plus que vous n'avez la force que vous donnerait la tradition révolutionnaire du prolétariat, vous n'avez pas non plus la force parlementaire... Vous avez, dans votre propre prolétariat, vous avez, devant le prolétariat international, masqué votre impuissance d'action en vous réfugiant dans l'intransigeance de formules théoriques’.
Voici maintenant Troelstra, dix années plus tard, lors d'une discussion avec les camarades allemands qui, dans la guerre de 1914, étaient solidaires de leur Kaiser. Commentant dans ses Mémoires cette discussion peu fructueuse, Troelstra ajoute: ‘On ne pouvait pas concevoir la manière de penser d'un camarade hollandais qui, bien qu'il eût à lutter pour l'élévation de la classe ouvrière, désirait néanmoins mener cette lutte dans une atmosphère de pensée démocratique et de liberté personnelle’ - ajoutant à cette critique le verdict d'Edouard Bernstein, Allemand lui-même: ‘ce peuple est désespérément a-politique’.
Mots prophétiques de Jaurès en 1904, de Troelstra en 1914, retrouvant leur actualité en 1933.
En janvier 1933 encore, le potentiel du Parti social-démocrate était énorme; ses forces de combat groupées sous ‘le drapeau national noir-rouge-or’ comptaient un million de militants. Pas un seul ne s'est opposé à l'avènement au pouvoir de Hitler, qui était jugé ‘légal’...
Il est normal qu'à partir de ce moment soit apparue aux yeux des camarades hollandais une déchirure dans le bloc socialiste. Comment la combler? Ici ‘les jeunes loups’ du Parti hollandais - dont moi-même - entrent en jeu.
Le Programme ‘scientifique’ de 1912 était périmé. Une nouvelle manière de penser allait s'offrir visant un programme nouveau, un programme inspiré par Jean Jaurès! Un groupe de quatre camarades assez jeunes, membres de la ‘Commission pour le Programme’ était jauréiste: les professeurs Banning et Brugmans, le
Multatuli, pseudonyme de Eduard Douwes Dekker (1820-1887).