Parmi les disparus, citons Max Elskamp et Jean de Boschère, Neel Doff et Marie Gevers. Saluons aussi le très vivant et toujours vert Michel Seuphor, né à Borgerhout-lez-Anvers, il y a 81 ans, sous le nom de Ferdinand Berckelaers et habitant Paris depuis 1925, auteur d'un Dictionnaire de la peinture abstraite qui fait autorité dans le monde entier.
Après cette évocation de noms illustres, il convient de souligner que si leurs ouvrages se trouvent bien sûr dans la bibliothèque scientifique de la ville où ils sont nés ou ont vécu, le musée de la littérature flamande - appelé actuellement ‘Archives et Musée de la Vie Culturelle flamande’ - n'en néglige pas pour autant de rassembler toute documentation sur leur personnalité, nonobstant le terme ‘flamand’ qui figure dans son nom et en dépit de l'existence à Bruxelles des ‘Archives et Musée de la Littérature’ (francophone) de Belgique. Rien d'étonnant à cela. D'une part, bon nombre d'auteurs nés en Flandre se sont exprimés en français du fait de leur milieu social: citons une fois encore des célébrités comme Camille Lemonnier, Emile Verhaeren ou Maurice Maeterlinck pour rappeler que c'est à eux qu'il revient surtout d'avoir établi à l'étranger et d'abord dans les pays de langue romane, le renom littéraire de la Flandre, beaucoup plus qu'à un Guido Gezelle, un Stijn Streuvels, un Karel van de Woestijne ou un Paul van Ostaijen, dont le talent parfois prodigieux n'a guère dépassé l'aire linguistique néerlandaise, du fait du rayonnement restreint de leur langue. Il n'est pas question d'annexer leurs confrères francophones à la littérature flamande, mais tout simplement de ne pas les rayer de notre passé culturel, marqué jusqu'à une époque récente par un bilinguisme fortuit et souvent asocial mais extraordinairement intéressant comme objet de considérations sociologiques, dans le domaine littéraire et ailleurs.
Il va de soi, d'autre part, que les Archives et Musée de la vie culturelle flamande, nées à Anvers en 1933 de l'enthousiasme déclenché par une exposition commémorative consacrée en 1912 à Henri Conscience, laissent à leur consoeur francophone, logée à la Bibliothèque Royale de Bruxelles, le soin de rassembler les manuscrits et la correspondance de l'ensemble des auteurs belges de langue française, tant wallons que flamands et bruxellois. Elles ne peuvent ni ne veulent toutefois se priver de découper dans les journaux et les hebdomadaires tout article, tout compte rendu sur tel ou tel ouvrage de ceux qui sont nés en pays flamand ou qui entretiennent avec lui d'autres liens privilégiés. Il ne s'agit donc nullement d'aller sur les brisées de l'institut habilité à cette tâche et qui opère à Bruxelles sous la direction de l'excellent collègue du signataire de cet article, Jean Warmoes - né lui aussi en pays flamand, à Bruges! - mais de faciliter également à Anvers, la ville de Henri Conscience et de Georges Eekhoud, l'étude de tous les phénomènes littéraires et culturels apparus en Flandre, sans égards pour leur habillage linguistique.
L'étude de toute la Flandre en somme, comme aurait dit, peut-être, un Verhaeren porté sur la science.
ludo simons
Directeur de la Bibliothèque Municipale d'Anvers; conservateur des Archives et Musée de la Vie culturelle flamande. Chargé de cours extraordinaire à la Katholieke Universiteit Leuven.
Adresse: Clementinastraat 40, B-2018 Antwerpen.
Ce texte est une adaptation du discours de Ludo Simons prononcé au cinquième congrès du ‘Comité international des musées littéraires’ tenu à Paris du 27 septembre au 2 octobre 1982.